Intervention de Yolande Boyer

Réunion du 7 décembre 2006 à 9h30
Loi de finances pour 2007 — Politique des territoires

Photo de Yolande BoyerYolande Boyer :

Instaurer une compétition entre territoires n'est pas sain.

Votre politique, monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, consiste à attribuer des fonds publics à la concentration de capital humain ou financier : ce qui est gros est compétitif et ce qui est compétitif doit bénéficier de l'aide publique.

Vous risquez ainsi de créer des inégalités encore plus grandes, ce qui est contraire à l'objectif de l'aménagement du territoire et du rôle régulateur, péréquateur, de l'État.

En ce qui concerne ces pôles de compétitivité, des inquiétudes se font sentir notamment sur les critères utilisés pour le choix des projets. Dès lors, la transparence des critères de sélection doit être totale et l'attribution de soutiens annoncés rapide.

Les 66 pôles engagés dans des projets coopératifs innovants s'inscrivent dans un espace géographique limité d'entreprises, d'unités de recherche et de centres de formation. Cette concentration est-elle le signe d'un aménagement juste et équilibré du territoire ?

J'en viens aux pôles d'excellence rurale, qui sont le pendant des pôles de compétitivité pour les espaces ruraux.

Cela a été dit tout à l'heure, leur nombre a été augmenté, mais les élus sont inquiets quant au décalage qui pourrait en résulter entre les territoires qui bénéficient d'un label et ceux qui n'en ont pas.

Il faut veiller à ce que les territoires les plus démunis ne le deviennent encore plus. D'ailleurs, M. Roger Besse, rapporteur spécial, a émis cette crainte en commission des finances et l'a rappelée tout à l'heure, bien qu'il reconnaisse qu'il s'agit là d'instruments de revitalisation économique des territoires ruraux.

Des garanties sur les modalités de sélection des projets doivent donc être apportées afin de lever toute ambiguïté sur les choix opérés : qu'en est-il sur ce point, monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire ?

Une politique d'aménagement du territoire doit prendre en compte les inégalités territoriales telles que l'enclavement géographique ou la faiblesse du potentiel fiscal.

Par ailleurs, la réévaluation à 210 millions d'euros suffira-t-elle, alors que les 176 pôles déjà reconnus absorberont 120 millions d'euros, comme M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis, vient de s'en faire l'écho ?

Enfin, pour ce qui est du financement global, j'avoue ne pas y voir très clair. D'où provient le financement des pôles en général ? Quelle somme est réellement nouvelle pour donner une impulsion à cette politique ?

Je voudrais maintenant aborder la question des contrats de projets.

Tout d'abord, je note que l'engagement financier de l'État pour 2007- 2013 est de 10, 49 milliards d'euros contre 19, 5 milliards d'euros pour les contrats plan 2000- 2006.

À thématiques retenues comparables, les régions constatent un déficit de 1, 479 milliard d'euros entre les deux programmations.

Sans doute allez-vous me rétorquer que ce n'est pas la même chose, que ce n'est pas comparable. Or, pour ma part, je ne vois pas d'autre manière de procéder que de faire précisément cette comparaison entre un point de départ et un autre.

La référence du Gouvernement au taux d'engagement moyen estimé fin 2006 sert, me semble-t-il, à masquer la forte réduction des crédits.

Qu'en sera-t-il, notamment, des actions non réalisées ? Pourront-elles être reprises ? L'enveloppe consacrée à ces engagements antérieurs est-elle suffisante ? Des critères de choix ont-ils été définis ?

Parallèlement, la décentralisation telle que vous la concevez, monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, accentue les difficultés des territoires. À cet égard, le désengagement de l'État entraîne des conséquences qui se font sentir dans la présence des services publics.

Je pense, en particulier, à la réorganisation des directions départementales de l'équipement et à certains services de proximité dans les communes rurales qui ne sont plus rendus, comme l'instruction des permis et l'assistance technique.

Monsieur Alduy, dans son rapport, mentionne le démantèlement de l'administration et de l'ingénierie déconcentrée de l'équipement, ainsi que des carences de l'État en matière de gestion des ressources humaines !

C'est là où le bât blesse, car c'est un problème de fond pour nos communes. Je parle en connaissance de cause, puisque je suis à la fois maire d'une commune de 6000 habitants et vice-présidente de l'Association des petites villes de France, l'APVF.

Nous vous avons, d'ailleurs, rencontré, monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, afin de vous faire part de nos revendications.

Nous craignons, d'une part, une renationalisation des politiques territoriales, qui irait à l'encontre de l'esprit de la décentralisation et, d'autre part, un abandon progressif de la logique de solidarité territoriale.

En conclusion, je dirai que l'on assiste à un empilement de projets sans coordination entre eux et que l'État a abandonné toute volonté de péréquation et de redistribution entre les territoires.

Quid des pays, par exemple, qui sont l'échelon de mise en cohérence des projets ?

L'article 110 du code de l'urbanisme dispose : « Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. » C'est donc la bonne transmission de ce patrimoine aux générations futures qui est en jeu.

En fonction de ces considérations et des éléments que vont développer mes collègues Bariza Khiari, Thierry Repentin et Michel Teston, le groupe socialiste votera contre les crédits de la mission « Politique des territoires ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion