Intervention de Cécile Lhuillier

Commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel — Réunion du 9 avril 2014 : 1ère réunion
Audition de Mme Morgane Merteuil et M. Thierry Schaffauser représentants du syndicat du travail sexuel strass et de Mme Cécile Lhuillier co-présidente d'act up-paris

Cécile Lhuillier, co-présidente d'Act Up-Paris :

Depuis sa création en 1989, Act-Up est une association qui promeut sans relâche l'accès aux droits des travailleurs du sexe et de l'ensemble des personnes exposées à la pandémie du sida. À ce titre, notre association s'était érigée contre l'adoption de la loi sur la sécurité intérieure de 2003, dont l'arsenal répressif nous semblait aggraver les risques de contamination en éloignant les personnes prostituées des centres de dépistage et de l'utilisation des préservatifs. La décennie qui s'est achevée depuis la promulgation de cette loi nous aura, malheureusement, donné raison !

L'actuelle proposition de loi, dont la mesure phare reste la pénalisation du client, suscite des oppositions tranchées. En effet, les abolitionnistes et celles qui se réclament d'une certaine conception du féminisme, qui n'est pas la nôtre, en sont les partisans, tandis que les associations sanitaires et de lutte contre le sida, ainsi que des féministes d'ailleurs, s'y opposent ouvertement. Les conclusions alarmistes que nous tirons de notre expérience de terrain rejoignent celles du Conseil national du sida qui avait déjà, en son temps, demandé le retrait de la loi sur la sécurité intérieure de 2003.

Plus que jamais il importe d'assurer la cohérence des politiques publiques de lutte contre la pandémie du sida : si celle-ci incombe actuellement au Ministère des droits des femmes, la conférence intergouvernementale que nous attendons depuis si longtemps n'a pas encore été organisée.

Le dispositif de cette proposition de loi conduira à accroître l'isolement et la clandestinité des personnes prostituées. Il va à l'encontre des préconisations du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales sur les enjeux sanitaires de la prostitution, mais aussi d'un récent avis du Programme des Nations-unies pour le développement qui préconise l'abolition des lois interdisant les activités sexuelles entre adultes consentants.

Privilégier ainsi l'application d'une idéologie au détriment de la santé publique revient à faire preuve d'obscurantisme !

Certes, responsabiliser le client est une démarche louable, comme en témoignent les résultats de la campagne de sensibilisation conduite à Lille entre 2001 et 2007 par l'Association Entr'acte. Mais l'esprit de cette démarche, interrompue d'ailleurs faute de subventions, était préventif et non, comme c'est désormais le cas, ouvertement répressif.

En outre, le dispositif de la proposition de loi n'est étayé par aucune donnée épidémiologique sérieuse pas plus qu'il ne s'appuie sur une estimation crédible du nombre de personnes prostituées, dont le recensement s'avère d'ailleurs impossible. Mais lorsqu'on connaît la proportion de personnes transsexuelles contaminées par le virus du sida qui se prostituent, on ne peut que redouter l'inéluctable catastrophe sanitaire à laquelle devrait conduire l'adoption de ce texte !

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