Je connais bien la difficulté, pour l'avoir vécue : il m'a fallu dix ans pour m'en sortir, pour retrouver des moyens de subsistance, une vie normale - et je sais bien que, comme vous le suggérez, on peut continuer à se prostituer pour la simple et bonne raison qu'on ne sait pas comment vivre autrement ; bien des prostituées me disent qu'elles ne voient pas comment elles gagneraient leur vie autrement : c'est l'une des principales difficultés à surmonter pour s'en sortir. Lorsque j'ai arrêté, j'ai dû réapprendre à vivre avec le minimum. Brutalement je n'avais plus d'argent, mais toujours des charges. J'ai compté pièce par pièce le peu qu'il me restait, jusqu'aux centimes. Et c'est bien parce que je connais ces difficultés que je témoigne devant vous.
Si je souhaite l'intervention de la loi, c'est moins pour « sauver » les prostituées d'aujourd'hui que pour aider les nouvelles générations à ne pas tomber dans la prostitution. A-t-on le droit de vendre son corps, comme vous le dites ? Peut-être, mais est-ce que cela donne le droit à quelqu'un de l'acheter ? Je ne le crois pas ! Si la loi que vous proposez aujourd'hui avait existé quand j'ai commencé à me prostituer, je crois que je ne serais jamais tombée dedans.
Ensuite, comme je l'ai déjà dit, il faut mettre le plus de moyens possibles sur le terrain, pour informer les prostituées de leurs droits - et il faut le faire vite, il y a urgence !