Oui, j'en suis convaincue, j'aurais été moins seule, plus alertée. C'est également vrai en ce qui concerne la consommation d'alcool : nous n'étions pas bien informés dans les années 1980.
Les conditions de travail, effectivement, se sont dégradées. En 1988, lorsque j'ai commencé à me prostituer, les filles m'avaient donné des consignes : pas de fellation sans préservatif, on n'embrasse pas, jamais seule avec un client sans avoir prévenu quelqu'un, même dans le salon de massage. Dix ans plus tard, les jeunes prostituées acceptaient les rapports non protégés en raison de la concurrence sur les prix : je ne comprends pas comment les clients eux-mêmes acceptent de mettre leur vie et celle de leurs proches en danger. Quand j'exigeais un préservatif, ce n'était pas seulement pour me protéger mais aussi pour protéger les autres. Tout ceci paraît avoir disparu.
La situation s'est fortement aggravée : des réseaux de proxénètes, qui se disputent des territoires, ne tolèrent pas d'autres prostituées que leurs « protégées ». Je connais une prostituée septuagénaire, en Charente-Maritime, qui a été agressée par de prétendus « clients » envoyés par un réseau de proxénètes qui n'acceptent plus qu'elle continue de se prostituer sur ce qu'ils considèrent comme étant leur territoire.
Quant à l'argument selon lequel la pénalisation du client ferait courir davantage de risques aux personnes prostituées, je ne le comprends pas bien : il y a toujours eu de la violence dans la prostitution ; il y a toujours eu des morts, je me suis retrouvée pour ma part avec un revolver sur la tête, alors même que je travaillais au salon - en fait, le rapport sexuel, dans la prostitution, est toujours caché et dangereux.