Intervention de Virginie Klès

Réunion du 17 avril 2014 à 15h00
Égalité réelle entre les femmes et les hommes — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès, rapporteur :

… et l’égalité « réelle » est moins forte que l’égalité. La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité » et il nous semble vraiment que ce serait affaiblir le sens des mots que de parler d’« égalité réelle ». C’est pour cette raison, et non pour une autre, que nous proposons de revenir à l’intitulé initial du projet de loi.

En ce qui concerne les autres dispositions du projet de loi, la commission des lois vous proposera des amendements de suppression, parce que certaines d’entre elles étaient redondantes. Or on affaiblit toujours la loi en insérant des dispositions identiques dans deux textes différents : en effet, quand on en modifie l’un, on oublie de changer l’autre ; le droit devient contradictoire et s’en trouve, une fois de plus, affaibli. Pour autant, en parler est une bonne chose, car si certains ou certaines ont pensé à ajouter ces dispositions, c’est parce qu’ils ignoraient qu’elles existaient déjà : il n’est donc pas inutile de le leur rappeler à l’occasion du débat.

Certaines autres dispositions nous ont semblé inapplicables, c’est pourquoi nous avons également préféré les supprimer.

Enfin, certaines dispositions étaient simplement symboliques ou déclaratoires. Là encore, nous avons préféré les retirer du texte, même si, pour la même raison que précédemment, il nous semble important d’en parler, de les mettre en débat, afin que ces thèmes soient repris par les médias, afin que tout le monde sache que nous partageons la volonté et les ambitions ainsi affichées, mais qu’il est inutile de les inscrire dans la loi, car celle-ci ne serait pas un bon vecteur.

Il en va ainsi, par exemple, des calendriers et des règles de représentativité des femmes et des hommes dans un certain nombre d’instances sportives, professionnelles ou culturelles, ou dans un certain nombre d’instances où l’État exerce une responsabilité en matière de nomination. Nous vous proposons donc de revenir à la rédaction initiale du Sénat, parce qu’il nous semble qu’il est plus réaliste, et donc plus efficace, de prendre le temps de procéder par étapes, de monter progressivement un certain nombre de marches.

En matière de droit du travail, là où de nombreuses inégalités existent encore, en termes de rémunérations, d’accès à certains postes, d’exercice des responsabilités, de déroulement de carrière, l’Assemblée nationale a introduit un certain nombre d’améliorations et notre commission des affaires sociales en a ajouté d’autres. Une fois de plus, Michelle Meunier sera bien plus qualifiée que moi pour vous les présenter, je ne m’y attarderai donc pas.

Au-delà de toutes ces mesures, il faut parfois donner des coups de pied dans la fourmilière, en imposant des quotas ou des calendriers pour avancer. Nos prédécesseurs l’ont fait, Mme la ministre l’a rappelé voilà quelques instants en évoquant la loi de 1944 donnant aux femmes le droit de voter et d’être éligibles. J’ajouterai une autre date qui me tient personnellement à cœur : 1961, parce que c’est l’année de ma naissance §et parce que, encore cette année-là, ma mère n’avait pas le droit de travailler sans en demander l’autorisation à mon père. En effet, pendant longtemps, la loi n’autorisait pas une femme à travailler sans obtenir la permission de son époux. Il est donc important, de temps en temps, de donner des coups de pied dans la fourmilière, pour faire bouger les choses et pour contraindre à construire ou à reconstruire autre chose.

Un certain nombre de mesures relèvent de ces coups de pied, qui sont sans doute un peu moins énergiques, parce que nous avons heureusement progressé depuis et que les besoins ne sont pas tout à fait les mêmes. Nous mesurons les effets des coups de pied donnés par nos prédécesseurs.

Pour moi, le plus grand mérite de ce projet de loi est qu’il s’intéresse à l’enfant, dans toutes ses dimensions. C’est évident pour les mesures relatives aux violences conjugales, mais pas uniquement. En effet, l’enfant se construit, depuis sa naissance, à partir du langage qu’il entend autour de lui, ce langage étant constitué de mots et de comportements. L’enfant construit son regard sur la société, sur les rôles des hommes et des femmes, sur son propre rôle en tant que garçon ou fille, futur homme ou future femme, en fonction de l’exemple qu’il observe autour de lui. Cet exemple est d’abord celui de la cellule familiale très resserrée, avec les parents et, éventuellement, les frères et les sœurs, puis celui de l’école, avec les enseignants, les copains et les copines, puis le cadre estudiantin et le cadre du travail. Chacun se construit, tout au long de sa vie, sur les exemples de comportements, de mots, de langage qu’il perçoit autour de lui.

Ce qui crée une souffrance, d’abord chez l’enfant, puis chez l’adulte, c’est l’écart éventuel entre les différents langages relationnels qu’il entend autour de lui. L’enfant qui apprend chez lui un langage relationnel fait de violence, de domination, d’humiliation de l’un de ses parents par rapport à l’autre ne retrouve pas ce langage à l’école. Selon sa personnalité, il arrivera à se construire ou n’y arrivera pas, il comblera ou pas le fossé creusé entre ces langages différents, il arrivera à surmonter cette souffrance ou n’y arrivera pas. S’il ne parvient pas à la surmonter, cette souffrance ne fera que se développer une fois adolescent puis adulte. C’est pourquoi il est primordial, me semble-t-il, de faire en sorte, à tous les niveaux de la société, que le comportement de chacun soit respectueux de l’autre, homme ou femme, père ou mère, époux ou épouse, subordonné ou responsable hiérarchique.

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