Intervention de Virginie Klès

Réunion du 17 avril 2014 à 15h00
Égalité réelle entre les femmes et les hommes — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès, rapporteur :

Ces violences-là, ces situations-là, la justice doit les reconnaître et elle ne les reconnaîtra enfin que quand on en aura tellement parlé, on aura tellement formé de gens qu’on saura les reconnaître et les distinguer – parce que c’est primordial – des cas de conflits violents, ponctuels qui ne nécessitent pas la même prise en compte et la même prise en charge.

Tout cela sera, me semble-t-il, une réalité demain grâce à un certain nombre de dispositions qui sont dans ce projet de loi.

Peut-être pourrait-on encore améliorer les dispositions relatives à la formation pluridisciplinaire – comme elles ne relèvent pas de la loi je ne demande pas que cela soit inscrit dans la loi mais j’aimerais qu’on en parle – avec le rôle des magistrats coordonnateurs, que nos collègues Catherine Tasca et Michel Mercier ont cités dans leur rapport sur la justice familiale ?

Sans doute un rôle supplémentaire pourrait-il être donné à ce magistrat coordonnateur pour suivre effectivement tous ces dossiers, tous ces cas, toutes ces personnes qui subissent des violences conjugales ou qui sont auteurs de violences conjugales.

S’occuper des auteurs, c’est aussi protéger de futures victimes de façon à donner une meilleure connaissance de ce phénomène, concret, pratique, dans leur juridiction.

Se poser des questions, c’est une disposition que je propose dans ce texte en contraignant – même si je n’aime pas beaucoup contraindre la justice ! – la justice à se poser des questions et à se poser notamment la question chaque fois qu’une condamnation pour violence sera prononcée en cour d’assises ou en correctionnelle.

Parmi les questions à se poser, certaines sont particulièrement importantes : que fait-on des enfants quand il y en a ? Quelle est la personnalité réelle de l’individu que je suis en train de condamner ? Quelle autorité parentale choisir ? Quel mode de garde pour les enfants ?

Au sujet du mode de garde pour les enfants, je ne peux passer sous silence l’amendement de notre collègue Jacques Mézard, qui va venir en discussion tout à l’heure. Oui, il y aura des questions à se poser ! Je ne suis pas certaine que l’amendement de notre collègue soit vraiment à sa place ici ni qu’il soit correctement rédigé. Quoi qu’il en soit, sur le fond, il a raison : oui, il faut se poser la question aussi souvent que possible. La construction des enfants passe par cette question à se poser dès qu’il y a des violences entre un père et une mère.

La médiation pénale est aussi un moment où il faut se poser des questions. Je pense – contrairement à certains d’entre nous – qu’il faut maintenir une médiation pénale. Il faut garder cet outil à la main mais en se posant la question : faut-il vraiment que je prononce une médiation pénale, car je n’en prononcerai qu’une seule ? Il ne faut pas que je me trompe. Il faut vraiment que je la prononce à bon escient. Si j’ai le moindre doute, je ne prononce pas de médiation pénale et je considère que je suis en présence d’un cas de violence avec emprise. Si je n’ai pas de doute, je prononce une médiation pénale et on réglera mieux et plus facilement le problème. Il faut veiller à ne pas tout qualifier de violences avec emprise au risque de fragiliser la formation et la connaissance que l’on a de ce phénomène – qui n’est pas encore complète.

Les questions sont aussi nombreuses en matière de dépaysement en cas de harcèlement sexuel. Elles ont été posées et des réponses y ont été apportées. L’Assemblée nationale a déjà amélioré les choses. Le texte que nous examinons aujourd’hui va aboutir à quelque chose de construit.

Il est une autre catégorie que je ne peux pas oublier – même si je n’aime pas beaucoup catégoriser les gens –, je veux parler des agricultrices victimes de violences conjugales et qui veulent quitter l’exploitation. Bénéficiaires d’aides à l’installation, elles se retrouvent à subir une double peine. En effet, aux termes du dispositif d’ordre réglementaire – une fois de plus, nous sommes là pour parler aussi de ce qui est d’ordre réglementaire, même si on ne l’inscrira pas dans la loi –, ces agricultrices qui ont quitté le domicile conjugal peuvent se voir réclamer le remboursement des aides à l’exploitation qu’elles ont perçues alors que l’on ne peut pas décemment leur demander de rester à subir les violences de leur conjoint.

Vous les avez évoqués, madame la ministre, beaucoup d’amendements et de propositions concernent le droit des étrangers. La commission des lois est d’accord sur le fond pour un certain nombre d’entre eux. Nous partageons les objectifs. Sans doute sera-t-il nécessaire de trouver un autre véhicule législatif, plus large, mieux adapté, qui prendra en considération l’ensemble des conséquences de ces propositions et qui les améliorera probablement encore et les élargira sans doute dans certains cas.

Aussi, – non pas parce que nous ne partageons pas les objectifs – la commission des lois a émis un avis défavorable sur un certain nombre de ces amendements. En parler aujourd’hui est une bonne chose et fera sans doute avancer le débat qui aura lieu très prochainement sur les droits des étrangers dans cette enceinte et à l’Assemblée nationale.

Pour toutes ces raisons – que vous partagez, je le pense –, je vous inviterai, au terme de la discussion, à bien vouloir voter le texte qui nous est présenté. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion