Intervention de Michelle Meunier

Réunion du 17 avril 2014 à 15h00
Égalité réelle entre les femmes et les hommes — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Michelle MeunierMichelle Meunier :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, sans reprendre ce qui a été dit dans cet hémicycle en première lecture, je souhaite toutefois revenir, en quelques mots, sur la genèse et l’objet de ce texte.

Il s’appuie tout d’abord sur des constats. Celui du long chemin parcouru, au cours du XXe siècle notamment, pour que les femmes obtiennent leurs droits fondamentaux.

Je cite à mon tour, madame la ministre, l’un d’entre eux, fortement emblématique et d’une actualité presque au jour près : l’accès au droit de vote et d’éligibilité obtenu par les femmes, le 21 avril 1944, il y a soixante-dix ans. Ce fut indéniablement une étape importante mais encore insuffisante pour permettre aux femmes de prendre toute leur place dans le domaine politique et décisionnel de notre pays.

Nous pouvons faire les mêmes constats dans la sphère professionnelle, le partage des tâches domestiques et éducatives, l’accès aux loisirs et au sport où les inégalités restent encore aujourd’hui criantes.

De même, la protection des filles et des femmes de notre pays face aux violences reste insuffisante. Dans tous ces domaines, des textes existent mais des pratiques résistent. C’est sur ce constat qu’est fondée la démarche engagée dans ce projet de loi qui vise à mobiliser tous les leviers possibles pour faire appliquer les textes, modifier les comportements et atteindre enfin l’égalité réelle.

C’est la démarche engagée, sans relâche, par Mme la ministre des droits des femmes, que je remercie sincèrement pour son action et pour les mesures concrètes qu’elle ne cesse de mettre en place pour faire appliquer les textes, bousculer l’ordre des choses et faire reculer ces inégalités qui entachent encore notre démocratie.

Vous avez fait le choix, madame la ministre, d’agir de manière transversale dans toutes les sphères de la société, à travers un texte ambitieux, exigeant et terriblement nécessaire. Cette deuxième lecture nous démontre, s’il en était besoin, la volonté commune, du Gouvernement et des parlementaires, de faire avancer l’égalité si chère à notre pays.

Il couvre ainsi les grandes thématiques dans lesquelles les inégalités entre les sexes sont encore importantes : la vie de famille, bien sûr ; la sphère professionnelle ; la précarité, qui frappe d’abord les femmes ; les violences envers les filles et les femmes, produit de notre société où la domination des hommes est encore manifeste ; enfin, la question de la parité dans les instances politiques et décisionnelles, urgence démocratique s’il en est.

Parmi ces différents axes, la commission des lois a décidé de déléguer à la commission des affaires sociales, dont je suis la rapporteur, l’examen au fond de trente-deux articles sur les quatre-vingt-treize qui restent en discussion. Il s’agit principalement des mesures qui ont trait aux sphères familiales et professionnelles.

Avant d’en venir aux amendements votés par la commission, je souhaite souligner les principales avancées adoptées par l’Assemblée nationale.

Tout d’abord, les dispositions en faveur d’un partage plus équitable des responsabilités parentales. La plus emblématique d’entre elles, inscrite à l’article 2, est l’instauration d’une période de partage des droits au complément de libre choix d’activité entre les parents pour inciter les pères à réduire ou interrompre leur activité professionnelle pour s’occuper de leur enfant afin de prendre toute leur place dans la vie familiale et d’améliorer le retour à l’emploi des mères qui le souhaitent.

Sur mon initiative, le Sénat avait décidé de modifier le nom du complément de libre choix d’activité, le CLCA, en « prestation partagée d’accueil de l’enfant ». L’Assemblée nationale propose, dans le même esprit, de la nommer « prestation partagée d’éducation de l’enfant », dénomination qui me convient tout à fait.

Le dispositif a été complété sur plusieurs points. Le congé parental pourra, dans le cas de naissances multiples d’au moins trois enfants, être prolongé jusqu’au sixième anniversaire des enfants.

De même, le bénéfice du montant majoré de la prestation partagée sera possible, à titre expérimental, dès l’arrivée du deuxième enfant.

En ce qui concerne la santé des femmes, l’Assemblée nationale a modifié le titre de la deuxième partie du code de la santé publique jusqu’alors intitulée « Santé de la famille, de la mère et de l’enfant ». Elle a proposé de la renommer « Santé reproductive, droits de la femme et protection de la santé de l’enfant » afin de reconnaître explicitement les droits des femmes en matière de santé, notamment sur la maîtrise de leur sexualité.

Dans le même esprit, l’Assemblée nationale a également introduit un nouvel article 5 quinquies C qui supprime la référence à « l’état de détresse » pour une femme demandant une IVG. Je soutiens fortement cette nouvelle formulation de l’article L. 2212–1 du code de la santé publique, qui permet d’affirmer sans ambiguïté le droit des femmes à disposer de leurs corps et à choisir le recours à l’IVG pour des raisons qui leur appartiennent. Nous savons les femmes responsables en la matière.

Venons-en à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. L’Assemblée nationale a renforcé le rapport de situation comparée afin d’en faire un outil de mesure des écarts de rémunération et de promotion professionnelle qui s’accumulent au cours d’une carrière.

Les députés ont également attribué des droits aux pères autour de la naissance d’un enfant en autorisant trois absences pour accompagner leur compagne aux examens prénataux et en instituant une protection contre le licenciement pendant les quatre semaines qui suivent la naissance. Si cette dernière disposition a été supprimée en commission des lois, je propose, pour ma part, de la réintroduire car elle contribue au partage plus équilibré des responsabilités parentales.

L’article 5 quater A encourage les entreprises à mieux prendre en compte l’exposition des femmes salariées face aux risques professionnels. Rappelons que, durant les dix dernières années, le nombre d’accidents du travail a diminué chez les hommes mais qu’il a progressé de plus de 20 % chez les femmes.

J’en terminerai par les dispositions relatives à la lutte contre la précarité. Peu de modifications sont intervenues par rapport au texte présenté en première lecture, si ce n’est des précisions techniques portées à l’article 6 visant à mieux protéger les parents vivant seuls avec leurs enfants contre les impayés de pensions alimentaires.

En outre, deux articles introduits au Sénat ont été enrichis : l’article 6 quinquies, qui ouvre aux bénéficiaires de la prestation partagée d’éducation de l’enfant une priorité d’accès aux places de crèches ; l’article 6 septies, lequel engage l’expérimentation du tiers payant du complément de libre choix du mode de garde, CMG, pour les familles modestes. Je propose, pour ma part, dans un amendement, d’élargir cette possibilité aux familles modestes qui ont recours à une garde d’enfant à domicile ou en microcrèche. Il s’agit de limiter les avances d’argent aux familles ayant des budgets très serrés et de soutenir ainsi leur accès ou leur maintien dans l’activité professionnelle.

L’Assemblée nationale a également introduit le nouvel article 23 bis A qui vise à assurer de manière progressive la parité au sein des conseils d’administration des caisses nationales de sécurité sociale, où la présence des femmes est encore trop modeste.

Je vous propose maintenant une rapide présentation des amendements adoptés par la commission des affaires sociales.

Seize amendements ont été adoptés. Il s’agit principalement d’amendements rédactionnels, de précision, d’harmonisation ou de coordination juridique.

J’en soulignerai quatre. Tout d’abord, la précision portée à l’article 2 G afin que le rapport remis par les branches à la Commission nationale de la négociation collective et au Conseil supérieur de l’égalité professionnelle soit un outil efficace au service de la lutte contre les discriminations professionnelles. J’ai pris l’initiative de redéposer cet amendement, dont les dispositions ont été écartées par la commission des lois de notre assemblée.

Afin de lutter contre la précarité des femmes, nous avons aussi souhaité permettre aux familles monoparentales de bénéficier de la durée étendue du versement de la prestation partagée, même dans le cas d’une remise en couple à l’issue de la période initiale de versement.

Nous proposons également la prolongation de six mois de la durée d’expérimentation du versement du montant majoré de la prestation partagée aux parents de deux enfants, prestation qui est actuellement réservée aux familles de trois enfants et plus.

Nous souhaitons ainsi mieux mesurer l’incidence de cette initiative sur le retour à l’emploi de ses bénéficiaires à l’issue du congé parental. Cette expérimentation sera lancée au 1er janvier 2015 par la CNAF.

Nous avons enfin précisé les modalités d’observation et d’évaluation des risques professionnels des salariées à mettre en œuvre par l’employeur, afin de mettre l’accent sur la différence des tâches confiées aux femmes et les risques qu’elles comportent.

Le travail autour de ce projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes a fortement mobilisé notre commission. Le texte qui est présenté aujourd’hui comporte de réelles avancées dont nous devrons suivre, avec une grande vigilance, la mise en application dans les faits. C’est cela, l’égalité réelle.

Car si l’égalité des droits est inscrite au préambule de notre Constitution, l’égalité effective reste à construire, encore et toujours.

J’aimerais terminer mon propos en insistant sur la fierté que nous pouvons ressentir en voyant notre pays réaffirmer, par ce projet de loi, son ambition d’une société plus juste et plus égalitaire, ...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion