Intervention de Roland Courteau

Réunion du 17 avril 2014 à 15h00
Égalité réelle entre les femmes et les hommes — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Roland CourteauRoland Courteau :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, Stendhal a écrit : « L’admission des femmes à l’égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation, et elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain ». Cette phrase conserve encore aujourd’hui tout son sens.

Oui, la marche vers l’égalité progresse. Mais qu’il est long le chemin, depuis cette Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne rédigée par Olympe de Gouges en 1791 ! En effet, malgré les droits conquis et les lois votées, l’égalité entre les femmes et les hommes reste un champ de conquête.

En droit, il est vrai, l’égalité paraît acquise. Dans les faits, – c’est toujours vrai – elle reste à conquérir. Même si je n’oublie pas un certain nombre de droits conquis ou arrachés, comme le droit de vote en 1944, la loi réformant les régimes matrimoniaux en 1965, la loi autorisant la contraception en 1967, la loi Veil autorisant et encadrant l’IVG en 1975.

Sur ce dernier point, voilà un droit qu’il convient de protéger et de conforter contre les rétrogrades qui sévissent encore en Europe. Ce qui se passe en Espagne, en effet, nous montre que rien n’est définitivement acquis et qu’il faut, toujours et sans cesse, être vigilant.

Je n’oublie pas davantage la loi Roudy, affirmant le principe de l’égalité professionnelle en 1983, ou encore la première loi sur la parité politique en 2000. Je songe également, en 2006, à la première loi visant à lutter contre les violences au sein du couple, loi qui m’est chère, vous vous en doutez, et, en 2010, à la deuxième loi sur le même sujet, ainsi que, en 2012, à la loi relative au harcèlement sexuel.

Enfin, en 2014, le texte que vous nous proposez, madame la ministre, sans nul doute, fera date dans l’histoire en matière d’évolution des droits des femmes. Votre empreinte sera forte, car vous engagez notre pays dans la troisième génération des droits des femmes, celle de l’effectivité des droits, en nous invitant à changer le rythme de cette évolution.

Car elles sont toujours là, les inégalités entre les femmes et les hommes ! Elles sont toujours aussi pernicieuses, insupportables et injustifiables, avec des stéréotypes qu’il nous faut déconstruire, des idées reçues qu’il nous faut combattre, des comportements intolérables qu’il nous faut annihiler.

Comment, dès lors, ne pas se réjouir que les débats, tant au Sénat, en première lecture, qu’à l’Assemblée nationale, aient été marqués par la volonté de faire reculer les inégalités entre les femmes et les hommes dans tous les domaines, et par le souci de mieux prévenir et sanctionner les violences à l’égard des femmes, tout en assurant mieux la protection des victimes ?

D’ores et déjà, nous apprécions, madame la rapporteur Virginie Klès, le fait que le Sénat ait marqué fortement de son empreinte le texte qui nous est soumis, qu’il s’agisse de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, des dispositions renforcées visant à lutter contre la précarité des femmes isolées – sur ce point, je pense tout particulièrement à l’accès prioritaire des bénéficiaires de la prestation partagée d’accueil de l’enfant à des places en crèche –, ou encore de l’expérimentation du versement du tiers payant du complément de libre choix du mode de garde perçu par les familles modestes. Comme vous Michelle Meunier, je salue tout particulièrement cette expérimentation, car elle constitue une avancée certaine en faveur des familles de condition modeste.

Sur un autre sujet, je souhaitais faire partager au Sénat la préoccupation de Catherine Tasca relative aux frais de recouvrement des pensions alimentaires. Mais nous aurons l’occasion de revenir sur cette question lors de la discussion des articles.

D’une manière plus générale, force est aussi de constater que le Sénat s’est employé à renforcer le dispositif législatif de lutte contre les différentes formes de harcèlement, et à améliorer la détection des violences et la protection des victimes.

Comment, par ailleurs, ne pas saluer, s’agissant de la protection des mineurs, les dispositions visant à interdire les concours de beauté pour les enfants de moins de seize ans, grâce à Chantal Jouanno, ou encore le renforcement du volet concernant la représentation des femmes dans la vie économique et sociale, par l’introduction de dispositions relatives à la parité ?

Enfin, le Sénat a élargi le champ du délit d’entrave à l’IVG, en y incluant le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de s’informer sur l’IVG. Cette mesure était nécessaire face aux actions de groupes d’activistes visant à faire obstacle à l’accès à l’IVG.

Je relève sur ce point que l’Assemblée nationale a élargi le champ des dispositions relatives à l’IVG, en supprimant l’exigence d’une situation de détresse. Ainsi, la pleine et totale responsabilité de ses choix est confiée à la femme enceinte. C’est donc à elle d’apprécier sa situation, dans toutes ses dimensions. Et c’est très bien ainsi.

Il est faux de prétendre que, dès lors, l’IVG pourrait être banalisée ou que l’IVG serait un substitut à la contraception. Je crois savoir qu’aucune femme enceinte ne confond les deux, puisque l’IVG comporte des risques physiques et psychologiques. Il s'agit bien d’un acte particulièrement traumatisant.

Cela dit étant, comme l’a rappelé justement Michelle Meunier, rapporteur pour avis, le droit à l’avortement n’est pas encore un droit à part entière, car les parcours de soins sont parfois difficiles et peu accessibles pour nombre de femmes, comme le démontrent les importantes inégalités territoriales qui perdurent.

S’agissant des violences à l’égard des femmes, et plus particulièrement de la généralisation du dispositif de téléprotection « femmes en très grand danger », je note que l’Assemblée nationale a complété les dispositions que nous avions adoptées, sur votre proposition, madame la ministre, puisque l’article 40 de la Constitution avait été opposé à mon amendement, proposition qui étendait le dispositif aux victimes de viol.

Je remarque aussi, concernant l’ordonnance de protection, que l’Assemblée nationale n’a pas remis en cause l’amendement que j’avais présenté, visant à délivrer cette ordonnance également en cas de danger sur un ou plusieurs enfants.

Je ne peux que saluer les dispositions introduites par l’Assemblée nationale, dans le but de mieux protéger les enfants, obligeant la cour d’assises à examiner l’opportunité de retirer, totalement ou partiellement, l’autorité parentale à une personne qui a été reconnue coupable de meurtre ou d’actes de tortures ou de barbarie sur la personne de l’autre parent.

La commission des lois du Sénat a élargi ces dispositions aux faits de violences graves commis au sein de la famille, quelle que soit la juridiction de jugement, cour d’assises ou tribunal correctionnel.

J’approuve totalement cette initiative, madame la rapporteur Virginie Klès, car toutes les formes de violences sont susceptibles d’avoir des conséquences graves sur les enfants, lorsqu’ils y sont exposés. Dans ce cas, faut-il le rappeler, les violences ne sont pas sans conséquences sur leur développement psychique. Selon certaines études, 40 % des très jeunes délinquants seraient des jeunes qui ont été exposés à des violences conjugales dans leur enfance. Ne dit-on pas que ces violences-là constituent une sinistre machine, pour les enfants exposés, à reproduire ensuite les mêmes violences ?

Concernant la nécessité de délivrer très rapidement l’ordonnance de protection, je constate et j’apprécie qu’en cas de danger grave et imminent pour la sécurité de la personne demanderesse ou d’un ou plusieurs enfants, il soit précisé que la convocation de la partie défenderesse est faite par voie administrative ou par assignation en la forme des référés. De même, j’approuve votre initiative, madame Klès, visant à spécifier que l’ordonnance de protection doit être délivrée en urgence à la personne menacée de mariage forcé.

Reste le problème de la médiation pénale, dont nous ne cessons de débattre depuis la première loi du 4 avril 2006. Pour ma part, je n’ai pas varié sur cette question depuis 2006. Toutefois, je m’exprime là à titre personnel et je vous rejoins, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, pour dire que, dans les cas de violences conjugales, la médiation pénale n’est pas appropriée.

En effet, la victime de violences conjugales et son bourreau, placés face à face dans le cadre de cette procédure, ne sont pas sur un pied d’égalité. Prétendre le contraire, c’est oublier que les phénomènes d’emprise sont inhérents aux violences conjugales.

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