Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Réunion du 17 avril 2014 à 15h00
Égalité réelle entre les femmes et les hommes — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam :

L’urgence serait plutôt d’améliorer et d’accélérer le recouvrement, qui est un véritable parcours du combattant pour les mères seules.

Ce parcours est d’abord coûteux, car les frais d’huissier ou d’avocat sont à avancer, sans garantie d’en obtenir un jour le remboursement par la partie adverse.

Il est ensuite terriblement long, du fait du cloisonnement des informations entre les différentes administrations, qui laisse toute latitude au parent défaillant pour organiser son insolvabilité.

Enfin, c’est un vrai rocher de Sisyphe car, dès lors que le parent défaillant s’acquitte de sa dette, toutes les procédures doivent être reprises de zéro en cas de nouvel impayé.

Le projet de loi met en place une expérimentation pour renforcer le rôle des caisses d’allocations familiales, les CAF, dans le recouvrement. Soit ! Mais avec quels moyens ? Les CAF sont déjà si débordées qu’elles sont parfois contraintes de fermer leurs bureaux au public pour traiter les dossiers en souffrance. Quels moyens budgétaires pour financer leurs nouvelles missions ?

Surtout, les CAF disposent-elles des leviers administratifs et juridiques nécessaires pour accélérer le recouvrement ? Cette mission nécessite un important travail de coordination entre divers organismes, notamment une interconnexion des fichiers sociaux et fiscaux. Or cette tâche ne correspond pas au cœur de métier de la CAF.

L’Assemblée nationale a d’ailleurs supprimé la disposition permettant aux CAF de transmettre directement aux juges aux affaires familiales des informations relatives à l’adresse et à la solvabilité des débiteurs, au motif que ce dispositif heurtait les droits de la défense.

C’est la raison pour laquelle je continue de plaider pour la création d’une véritable agence dédiée au recouvrement des pensions alimentaires, qui serait, elle, dotée de moyens spécifiques. Cette agence serait notamment utile pour le recouvrement d’une pension alimentaire à l’étranger.

À cet égard, madame la ministre, vous avez annoncé à l’Assemblée nationale, à la suite d’une demande de Frédéric Lefebvre, la création d’une CAF spécialisée dans le recouvrement des pensions alimentaires pour les Français de l’étranger. Quel sera le périmètre de cette caisse ? S’agit-il de centraliser les demandes de Français vivant à l’étranger, ou bien cette CAF serait-elle aussi compétente pour le recouvrement des pensions dues par des résidents à l’étranger ?

Aujourd’hui, c’est le bureau de recouvrement des créances alimentaires du ministère des affaires étrangères qui assure l’interface avec les autorités étrangères. Seulement, il semble fort démuni en cas de mauvaise volonté de la partie adverse, ce qui conduit à des délais de recouvrement extrêmement longs. Je doute qu’un nouveau département de la CAF permette d’améliorer la situation.

Ce qu’attendent des centaines de milliers de mères, c’est que l’État se donne les moyens de faire appliquer le droit, tel qu’il est énoncé par les juges aux affaires familiales. L’égalité, c’est parfois aussi simple que cela !

Par ailleurs, ayant fait adopter, en 2010, un amendement garantissant l’octroi systématique d’un visa aux victimes de violences à l’étranger, je regrette qu’aucune avancée réelle n’ait été proposée en matière de délivrance d’une carte de séjour aux victimes de la traite des êtres humains. L’amendement adopté par le Sénat en première lecture présentait, certes, des failles juridiques ; mais le problème de fond est bien réel.

Je trouverais bien dommage de repousser ce débat à une hypothétique prise en compte de la question dans le cadre de l’examen à venir de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel. D’ailleurs, la traite des êtres humains recouvre des réalités bien plus diverses que la seule prostitution.

Pour conclure, je profite de ma présence à la tribune pour exprimer mon regret que le débat sur la ratification de la convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, prévu lundi dernier puis repoussé à cet après-midi, ait une nouvelle fois été reporté à une date inconnue. De fait, l’ordre du jour adopté hier, qui porte sur les séances jusqu’au 17 mai, n’en fait pas mention. Madame la ministre, la ratification française est pourtant urgente !

En tant que rapporteur, j’avais demandé une procédure simplifiée, afin de raccourcir les délais de ratification de cette convention signée par la France en 2011. Les reports multiples de ce débat révèlent tristement le faible degré de priorité accordé à ces questions !

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