Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 17 avril 2014 à 15h00
Égalité réelle entre les femmes et les hommes — Article 1er

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

… et le travail accompli dans ce domaine par nombre de nos collègues est important. Précisément pour cela, peut-on encore traiter cette question d’une façon qui me semble un peu incantatoire et cosmétique ?

Tel est bien le reproche qu’appelle l’article 1er, qui énonce de grands principes sur la manière dont les administrations publiques, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, doivent mettre en œuvre une politique intégrée. Il s’ensuit un petit inventaire à la Prévert d’actions à conduire : par exemple, l’action visant à garantir l’égalité professionnelle et salariale et la mixité dans les métiers.

Madame la ministre, qu’est-il prévu pour garantir la mixité dans les métiers de la fonction publique, en particulier dans le recrutement des fonctionnaires ? La question est d’autant plus importante que l’emploi public représente 22 % de l’emploi total dans notre pays !

Je vais mettre les pieds dans le plat en abordant un sujet qui est rarement évoqué, ou alors seulement avec un sourire : la mixité, cela marche dans les deux sens. En d’autres termes, elle doit bénéficier aux femmes, bien sûr, mais aussi, le cas échéant, aux hommes. Or, ce n’est un secret pour personne, certains métiers de la fonction publique sont féminisés à l’excès ; c’est le cas, typiquement, de l’enseignement et de la magistrature.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : dans l’éducation nationale, les femmes ne représentaient pas moins de 81, 9 % des enseignants du premier degré public en 2013 ; les chiffres des dernières promotions de l’École nationale de la magistrature ne sont pas moins éloquents, puisque celles-ci sont composées de femmes à près de 80 %.

Non seulement ces déséquilibres peuvent être problématiques au regard du principe d’équité entre les hommes et les femmes, mais ils peuvent être préjudiciables à l’équilibre du service public. Ainsi, de même qu’un enfant a besoin d’un père et d’une mère, les élèves ont besoin pour se construire de référents masculins et féminins dans le cadre scolaire.

Lorsque j’étais inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, j’ai participé à la rédaction d’un rapport sur la sécurité dans les lycées ; mes collègues et moi-même nous sommes rendu compte que, en l’absence d’effet maître, l’insécurité augmentait.

Comment remédier à ces déséquilibres ? La réponse est compliquée et simple à la fois ; en réalité, on ne peut y parvenir qu’en modifiant la Constitution.

Là paraît toute l’insuffisance de votre réforme, madame la ministre, que vous présentez pourtant comme majeure. D’un côté, on va chercher des hommes pour imposer la parité dans la fédération sportive de la gymnastique rythmique. De l’autre, on ne peut rien faire pour rééquilibrer l’emploi dans des fonctions aussi décisives pour la société que l’enseignement et la magistrature.

Je ne veux pas juger négativement le travail accompli par de nombreux sénateurs et députés. L’impression domine toutefois d’une réforme insuffisamment préparée, qui survole un peu les problèmes. Ainsi, l’article 1er a plus l’air d’une déclaration presque militante que d’un ensemble de mesures concrètes ; tel est mon sentiment, même s’il est un peu sévère.

Sans doute, madame la ministre, vous me répondrez qu’il y a toutes les autres professions. Ainsi, alors que la parité est garantie dans toutes les autres représentations professionnelles, elle ne l’est pas au sein de la chambre nationale et des chambres régionales et départementales des huissiers.

Madame la ministre, telles sont les remarques que je voulais vous présenter et les questions que je souhaitais vous poser. Ne voyez pas dans mon intervention la marque d’une attitude négative à propos du débat fondamental sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Je crois seulement que ce débat mérite une réflexion plus profonde, ainsi qu’une réforme de la Constitution.

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