Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la guerre en Irak, le conflit israélo-arabe et la situation au Liban, la grave question du nucléaire iranien, les crises au Darfour, en Centrafrique, au Tchad, au Soudan et en Côte-d'Ivoire sont autant de signes que le monde ne tourne pas rond et que la diplomatie est plus que jamais nécessaire. Vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le ministre !
Le budget de la mission « Action extérieure de l'État » que nous examinons ce soir, en hausse de 3, 8 %, atteint 4, 5 milliards d'euros.
Le maintien de la paix dans le monde mérite, certes, amplement cette augmentation, mais ce budget est-il réellement à la hauteur des attentes tant de nos concitoyens que des dirigeants des nations concernées et des peuples qui souffrent ? Vous comprendrez que je profite de ce débat pour évoquer d'une façon plus générale quelques aspects de la politique étrangère de la France, de votre politique, monsieur le ministre.
Un rapide tour d'horizon permettra à chacun d'apprécier notre position et de constater les manquements de la France, même si, souvent, des efforts sont faits et même si les déclarations du Président de la République ne manquent pas, parfois, de pertinence ; mais les faits et les actions concrètes ne suivent visiblement pas.
Depuis 2003, date à laquelle M. de Villepin tentait de convaincre, dans un élan majestueux et positif, le Conseil de sécurité de l'ONU de renoncer au projet irakien de l'administration Bush, force est de constater que la diplomatie française connaît de sérieux revers.
Alors que, non dénuée d'atouts, la France possède le deuxième meilleur réseau diplomatique dans le monde, fait preuve d'une ambition certaine et dispose d'une puissance militaire importante, elle a cependant rencontré d'importants écueils : l'isolement en Europe sur le dossier de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, les hésitations sur l'ouverture des négociations avec la Turquie, l'échec du sommet de Barcelone, boudé par de nombreux dirigeants de pays arabes, l'absence d'un véritable accord de coopération avec l'Algérie, les discussions houleuses et les difficultés persistantes de la France en Afrique et leur aggravation inéluctable.
D'ailleurs, même si elle s'en défend, la France donne l'impression de vouloir continuer à défendre son pré carré francophone sur ce continent.
Les forces militaires françaises sont activement présentes sur le sol africain avec, depuis quelque temps, un engagement de nos soldats en Afrique centrale qui mérite une clarification rapide. Peut-être pouvez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le ministre ? Ainsi, avec 11 000 hommes répartis dans les différents pays, dont 4 000 soldats en Côte d'Ivoire, notre pays a pour objectif de contribuer au maintien de la paix.
D'ailleurs, la France pourra d'autant mieux jouer un rôle reconnu par les Ivoiriens et l'Union africaine qu'elle contribuera à mettre en oeuvre le dispositif proposé par cette dernière en faveur d'une issue politique à la crise, dans le cadre de l'ONU et dans le respect scrupuleux du processus électoral qui a été retenu.
À cet égard, le point de vue de la France semble de plus en plus ambigu quand, du côté de l'Élysée, on donne parfois l'impression de traiter la Côte d'Ivoire comme un pays sous tutelle. Une telle attitude altère l'image de la France en Afrique, malheureusement déjà ternie. Si, de façon générale, notre présence militaire sur ce continent me semble nécessaire au maintien de la paix, elle ne peut plus, désormais, se traduire par un engagement en première ligne.
La question ne se pose-t-elle pas du maintien, à terme, de nos 4 000 soldats en Côte d'Ivoire, dont le coût s'élève à 170 millions d'euros, et de leur efficacité réelle pour mettre en oeuvre, sous le contrôle des Nations unies, un processus électoral et un désarmement garantissant aux Ivoiriens des élections libres et démocratiques ?
La protection de nos concitoyens doit être notre préoccupation première, mais en aucun cas notre présence ne doit apparaître comme partisane et tutélaire aux yeux des Ivoiriens, car nous risquerions alors de nous trouver, et peut-être très rapidement, dans une situation de conflit frontal particulièrement dangereuse. Tout cela ne m'empêche pas de saluer le travail difficile des soldats de la force Licorne et de nos diplomates, que j'ai pu apprécier.
La situation gravissime au Proche-Orient ne doit laisser personne indifférent. La France est attendue sur cette question, tant sont forts les liens qui nous unissent au peuple palestinien, mais aussi aux forces de paix israéliennes et, plus globalement, dans la réponse aux problèmes qui se posent dans cette région.
La mise en place d'un gouvernement d'union nationale et les manifestations des forces progressistes israéliennes réclamant l'arrêt du conflit me semblent porteuses d'espoir. La France a un rôle particulier à jouer pour que la politique reprenne le dessus sur la force, et on peut lui reprocher son manque d'initiative politique. Pourquoi tant d'inertie ?
Afin qu'une solution de paix s'impose entre Israël et la Palestine, notre pays doit se montrer plus efficace et plus entreprenant. Il doit impulser la tenue d'une conférence internationale sous l'égide des Nations unies, tandis que l'Union européenne doit agir pour que soient rétablis tous les financements de l'Autorité palestinienne.
Monsieur le ministre, quand la France prendra-t-elle, avec ses partenaires européens, des initiatives pour soutenir ce projet et pour que soient rappelées les conditions d'un règlement politique juste, qui passe par l'application des résolutions des Nations unies ? C'est dans ces conditions, en effet, qu'une paix durable est possible au Proche-Orient.
Face aux provocations et aux propos inacceptables du président iranien, la France doit être ferme. L'affaiblissement du traité de non-prolifération des armes nucléaires est une honte ! Avec ses partenaires européens, la France doit mettre tout en oeuvre pour trouver une solution politique à la crise, c'est-à-dire ne pas rompre le dialogue, sans pour autant faire la moindre concession sur l'application in extenso du traité de non-prolifération, et notamment de son article 3.
En ce qui concerne la guerre qui a ravagé le Liban cet été, en mettant la région à feu et à sang, les États engagés dans la résolution de ce conflit, dont la France, ont été incapables de faire respecter les conventions et les résolutions qu'ils ont eux-mêmes portées et signées.
L'attentat contre le ministre de l'industrie libanais est intervenu dans ce contexte et, compte tenu du climat politique tendu, le risque d'une déstabilisation du pays n'est que plus grand.
Le Liban a besoin de paix, de souveraineté, de sécurité. Il faut absolument parvenir à un règlement politique de la crise libanaise, en intensifiant les discussions, en contrôlant l'embargo sur les armes et en refusant les survols de l'aviation israélienne. Le rôle renforcé de la force intérimaire des Nations unies au Liban, la FINUL, est essentiel.
Mes chers collègues, je termine ce trop rapide tour d'horizon des crises en évoquant l'Afghanistan, où la situation se dégrade. Si la sécurisation des environs de Kaboul est très positive, les opérations offensives ponctuelles de nos forces en direction du sud du pays le sont nettement moins. La lutte contre les talibans et le trafic d'opium constitue plus que jamais une nécessité, et nous devons l'exiger du gouvernement afghan.
Mes chers collègues, j'ai tenu à donner mon point de vue sur la politique internationale de la France en général, car le Parlement, et notamment le Sénat, doit avoir plus fréquemment l'occasion d'en débattre, me semble-t-il.