Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 7 décembre 2006 à 22h00
Loi de finances pour 2007 — Action extérieure de l'état

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Monsieur le ministre, j'ai envie de vous poser d'emblée une question : considérez-vous toujours l'action culturelle extérieure comme un instrument essentiel de l'action diplomatique de la France ?

Votre réponse devrait être oui, car seule cette conviction politique donne pleinement son sens non seulement au maintien du réseau des établissements culturels à l'étranger et des établissements d'enseignement du français à l'étranger, mais aussi au mouvement croissant d'accueil de manifestations culturelles venant de pays étrangers, en réponse, pourrais-je dire, aux représentations diverses de la culture française à l'étranger.

La France a bataillé à l'UNESCO pour faire adopter la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, mais les quelque 38 000 euros alloués à l'application de ce texte paraissent bien dérisoires. Notre pays doit se donner les moyens d'assurer une présence active sur la scène internationale, afin de faire de la culture un vecteur de paix et de progrès. Or cet objectif semble s'être considérablement obscurci. J'en veux pour preuve trois exemples.

Premièrement, le recul des crédits alloués à l'action n° 2 « Langue et culture française, diversité linguistique et culturelle » du programme « Rayonnement culturel et scientifique », en baisse de 2, 5 millions d'euros, est une atteinte directe au rayonnement de la langue française dans le monde.

C'est surtout un mauvais signe pour l'engagement de la France dans l'action multilatérale francophone, qui fonde notre politique spécifique depuis plus de vingt ans. Ainsi, la contribution de la France aux quatre opérateurs de la francophonie stagnera par rapport à 2006, puisqu'elle s'élèvera à 54, 5 millions d'euros en 2007 contre 55, 2 millions d'euros cette année. La disparition du document annexe au projet de loi de finances présentant l'« état des crédits de toute nature concourant au développement de la langue française et à la défense de la francophonie » constitue d'ailleurs un mauvais signe supplémentaire.

Deuxièmement, nous déplorons l'absence de perspective pour TV5. Certes, la chaîne internationale francophone voit sa subvention augmentée de 4, 4 %. Mais nous pouvons légitimement nous inquiéter pour son avenir, alors même qu'elle a fait la preuve de son dynamisme et qu'elle contribue à soutenir la production cinématographique et audiovisuelle française à l'exportation.

La même remarque peut être faite pour CFI, qui voit sa subvention baissée d'un demi-million d'euros, alors que cette chaîne est le partenaire indispensable des télévisions du Sud.

Le lancement hier de France 24, dont nous ne pouvons que souhaiter la réussite et qui dispose déjà d'une subvention supérieure à celle de TV5, est l'exemple même de la fuite en avant caractérisant notre politique audiovisuelle extérieure et contredisant les objectifs affichés. Le fait d'avoir « sorti » le programme « Audiovisuel extérieur » de la mission « Action extérieure de l'État » pour l'intégrer dans la mission « Médias » est tout à fait regrettable et révèle votre perte d'ambition pour l'action extérieure de la France.

Troisièmement, nous regrettons l'offensive contre CulturesFrance. En réalité, la commission des finances lui fait un bien mauvais procès. Si nous pouvons partager l'exigence d'une plus grande rigueur de gestion, encore que la Cour des comptes ait pointé plus des désordres que des fautes, nous ne suivrons pas les critiques injustes de la commission sur l'activité de cet organisme, car c'est bien là que réside le fond du problème.

Ainsi M. Marini déclarait-il ici même, mardi dernier : « lorsqu'il est question de la programmation de l'AFAA, devenue CulturesFrance, on n'entend pas que des compliments, loin de là. Or tout prestataire doit accepter les critiques des clients ». Et M. Legendre d'ajouter : « J'ai été saisi par les acteurs de l'action culturelle française de plaintes sur la nature élitiste des spectacles qui leur sont imposés par l'AFAA [...] la transformation de l'AFAA en CulturesFrance doit être l'occasion de corriger certains errements ».

Voilà la vraie raison de cette diminution de crédits proposée, qui a donc un parfum de sanction. Nous sommes loin des questions soulevées par la Cour des comptes !

Quant au procès visant la place prétendument excessive faite aux saisons culturelles étrangères en France, il est totalement injuste. D'abord, ces opérations sont imposées justement par la tutelle. Ensuite, elles sont la marque d'une réciprocité dont le principe est au coeur même de la Convention sur la diversité culturelle. Enfin, elles ne pénalisent pas le budget de l'AFAA puisqu'elles bénéficient, le plus souvent, du mécénat.

De fait, cette deuxième annulation de crédits proposée pénaliserait forcément nos partenaires, en particulier au Maghreb et en Afrique subsaharienne, avec lesquels de nombreux projets devraient être annulés en 2007. Monsieur le ministre, laisserez-vous faire cela ? Si oui, au profit de quelles actions ?

En tout cas, s'agissant du budget global de l'action extérieure de l'État, je le répète, à nos yeux, la francophonie, la diffusion des idées et de la création française dans le monde, ainsi que la promotion de la diversité culturelle ne sont pas des objectifs secondaires. Il semblerait que, pour le Gouvernement, ils le soient devenus. En conséquence, monsieur le ministre, nous ne voterons pas votre budget.

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