Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France croit-elle encore en la nécessité du Conseil de l'Europe ? Il peut sembler choquant de poser cette question.
Le Conseil de l'Europe est en effet le produit d'une grande histoire, d'un grand espoir. Il a été créé le 5 mai 1949 afin de rassembler les pays européens décidés à défendre, ensemble, des valeurs essentielles, menacées dans le contexte de la guerre froide : les droits de l'homme, l'état de droit, la démocratie. Son siège a été fixé en France, à Strasbourg, parce que cette ville est le symbole de la réconciliation franco-allemande. Le Conseil de l'Europe relançait ainsi un concept millénaire : l'unité de l'Europe.
Certes, pendant la guerre froide, le Conseil de l'Europe ne comptait parmi ses membres que les démocraties européennes occidentales. Mais, précisément parce qu'il incarnait la démocratie, les pays européens libérés de la sujétion soviétique ont considéré leur adhésion au Conseil de l'Europe comme le symbole de leur émancipation.
Les représentants de quarante-six États européens se retrouvent régulièrement à Strasbourg. Comme tous mes collègues représentant le Sénat ou l'Assemblée nationale, je peux témoigner, monsieur le ministre, de la qualité des travaux de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, la plus ancienne assemblée parlementaire pluraliste internationale composée de parlementaires élus démocratiquement.
Mais le Conseil de l'Europe et son Assemblée parlementaire sont vulnérables. Les compétences du Conseil sont larges, mais les moyens dont il dispose sont faibles. Pourtant, avec ces faibles moyens, il a donné naissance à un véritable espace juridique européen : 200 conventions ou traités européens ayant force de loi, sur des questions allant des droits de l'homme à la lutte contre le crime organisé, et de la prévention de la torture à la protection des données ou la coopération culturelle.
Mais surtout, et c'est un succès insigne, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe est à l'origine de la Cour européenne des droits de l'homme, dont les nombreux arrêts ont permis de faire évoluer les législations nationales.
C'est ainsi que la France a notamment introduit dans notre code de procédure pénale la faculté de demander la réouverture par la Cour européenne des droits de l'homme de tout procès pénal considéré comme irrégulier. Malgré tout, il arrive que la France fasse encore l'objet de critiques de la part de la Cour. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous rassuriez s'agissant de l'attitude du Gouvernement à l'égard des arrêts de la Cour et de leur pleine application.
Si je me réjouis de la véritable reconnaissance européenne dont bénéficie la Cour européenne des droits de l'homme, il ne faudrait pas que ce succès remette en cause le bon fonctionnement de l'Assemblée parlementaire.
Depuis des années, l'Assemblée et le Conseil sont soumis à un régime de croissance zéro ! Il a fallu accomplir de réels efforts de rationalisation, supprimer ou regrouper des commissions, diminuer les moyens réels de fonctionnement. Mais il n'y a maintenant plus grand-chose à économiser et il va désormais falloir tailler dans les moyens absolument nécessaires.
Les causes de cette situation s'expliquent simplement : tout provient du refus des gouvernements de tenir compte des besoins budgétaires croissants, et pour l'essentiel légitimes, de la Cour européenne des droits de l'homme, qui siège désormais à plein temps et où 89 000 requêtes sont en instance.
Afin de dégager des moyens pour la Cour, l'Assemblée parlementaire en est réduite à tailler dans sa substance vitale. Et voilà que les pays membres de l'Union européenne, qui s'opposent à toute augmentation des moyens du Conseil de l'Europe, s'apprêtent à mettre en place une Agence des droits fondamentaux dotée, dès le départ, de 16 millions d'euros, de 29 millions d'euros en année pleine, et qui disposerait rapidement de cent personnes.