Le CSA n'a jamais eu à l'esprit de se substituer à l'initiative parlementaire. Nous avons été invités à présenter des suggestions et chacun de nous a bien compris que la représentation nationale avait décidé, à l'automne dernier, lors des discussions sur la loi du 15 novembre 2013, de reporter certaines questions à un débat de fond, quel que soit l'intitulé utilisé alors pour la future loi qui en serait le vecteur. C'est précisément pour cela que nous avons saisi l'occasion cette année de vous faire part de notre expérience de ce que nous inspiraient nos travaux : nos 23 propositions ont pour seule ambition d'aider le législateur. Ensuite, nous ne revendiquions pas davantage de pouvoirs, ni une redistribution des compétences entre les institutions, mais plutôt, comme l'indique M. Assouline, d'assumer des fonctions et des missions qui sont encore en gestation, du fait de l'évolution des techniques et des pratiques - et nous le faisons parce que nous avons l'expérience de l'audiovisuel, y compris dans ses développements numériques. Nous nous soucions d'accompagner les efforts des opérateurs classiques - certains sont même qualifiés d'historiques - qui se projettent dans le numérique par le biais notamment des services à la demande, mais nous voulons également prendre en compte la diversification de l'offre et une concurrence internationale qui, faute de règles, ne manquerait pas de faire prospérer le moins-disant législatif et réglementaire.
Je crois que ce que vous avez qualifié de désaccord sur la régulation ex ante est très largement formel, car nous ne proposons rien d'autre que d'indiquer au secteur audiovisuel la direction d'un futur qui le promeuve, au bénéfice de la création et de l'emploi, y compris dans sa projection internationale et européenne. Nous rejoignons-là votre voeu d'une analyse de marché globale, au-delà des études d'impact que nous faisons déjà pour l'autorisation ou le renouvellement de fréquences - où nous en sommes réduits à une analyse de type « marginaliste », faute d'une vision d'ensemble sur l'offre télévisuelle et radiophonique, y compris numérique. Quel que soit le nom qu'on lui donne, c'est le fond qui nous motive et il nous est commun : celui d'éclairer l'économie de l'audiovisuel et non de l'administrer.
Vous confortez notre vision d'une régulation qui ne se contente pas de la perspective économique du secteur, mais qui défende également des principes et des valeurs spécifiques à l'audiovisuel. Cela passe par des débats très nombreux, avec des implications économiques, sociales et culturelles - quelle place, par exemple, pour la télévision payante ? Quelle répartition entre les chaînes généralistes et les chaînes thématiques ? Quel type de services faut-il développer ? Je fais ici référence au rapport que nous rendrons sur la radio numérique terrestre.
Je souscris parfaitement à vos propos sur la fonction qui pourrait être celle du CSA sur Internet : il ne s'agit nullement de nous ériger en régulateur du Net, mais, constatant que s'y développent des services audiovisuels et sonores qui, de fait, prolongent la télévision et la radio dans l'univers numérique, il s'agit d'y assurer le respect des valeurs et des principes qui régissent les services audiovisuels traditionnels. À quoi servirait-il de veiller au respect de la dignité humaine, du pluralisme, à la lutte contre les discriminations, si ces valeurs n'étaient pas respectées dans l'univers numérique ?
S'agissant du rapport sur la concentration dans le secteur de la radio, le CSA devrait être en mesure de vous le faire parvenir dès vendredi prochain - et s'il ne l'a pas été dès janvier, c'est parce qu'il nous est apparu souhaitable de consulter les acteurs de l'audiovisuel sur son contenu, ce qui en favorisera la bonne compréhension. Cette concertation s'est déroulée en mars et en avril, de manière sereine.
Le changement de mode de calcul, proposé en 2012 et adopté en 2013, n'entend en rien abaisser les exigences en matière de concentration ; en fait, les paramètres qui comptent sont entre vos mains, qu'il s'agisse du plafond national, de son évolution, ou des nombreuses mesures législatives qui ont une incidence sur la concentration - et qui sont finalement les garantes de la liberté de communication.
Sur la démarche européenne, je me suis effectivement rapproché des autres régulateurs audiovisuels européens et j'ai été surpris d'emblée par l'absence d'un groupe des régulateurs européens et de véritables échanges sur les méthodes de la régulation. J'ai proposé, dans le cadre de la confection du programme de travail 2014-2015, de s'attacher à des échanges sur les perspectives de la régulation. Les situations sont très inégales, - certains organismes ont beaucoup de pouvoirs, comme l'OFCOM (Office of Communications) en Grande-Bretagne, d'autres sont taillés sur un modèle traditionnel et n'ont que peu d'indépendance par rapport à l'exécutif. C'est pourquoi j'ai suggéré, pour l'an prochain, d'élaborer une déclaration de principes sur la régulation audiovisuelle et la liberté de communication, ainsi que des propositions sur la révision de la directive de 2010 relative aux services de médias audiovisuels - qui ne prend pas en compte toutes les technologies actuelles, mais celles de la décennie précédente.
Le législateur, comme vous le dites, doit adapter l'environnement juridique aux besoins, mais aussi anticiper, pour n'être pas condamné à toujours rattraper son retard : notre ambition, c'est bien d'aider à ce que les nouvelles règles soient pertinentes pour une décennie au moins.
Dans le bilan annuel sur les obligations de France Médias Monde, le Conseil a constaté que le groupe s'est rétabli sur le plan financier, social et programmatique : c'est une très bonne chose. Ensuite, l'attribution complète d'une fréquence TNT pour France 24 en Ile-de-France est en cours d'examen, avec la ferme volonté d'aboutir. La diffusion, à titre expérimental, de radio France internationale (RFI) à Marseille a permis la prise de conscience par nos concitoyens des réalités de l'étranger. Dans le cadre de la recherche des fréquences, nous donnerons un accent prioritaire au développement de ce service. L'audiovisuel français est très important pour les Français établis hors de France. Comment développer davantage son offre dans le monde ? Je crois que les nouvelles technologies apportent une réponse importante : une diffusion des programmes en direct est assurée sur Internet, c'est un relais très important.