Intervention de Olivier Schrameck

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 29 avril 2014 : 1ère réunion
Rapport public pour l'année 2013 — Audition de M. Olivier Schrameck président du conseil supérieur de l'audiovisuel csa

Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) :

Je vous remercie pour toutes ces questions importantes - c'est une gageure d'y répondre en quelques minutes.

Du point de vue de la procédure, la loi du 15 novembre dernier a confié la mission au CSA de donner annuellement un avis sur le contrat d'objectif et de moyens de France Télévisions, ce que nous avons fait en 2013 en formulant 14 propositions. Nous sommes également conduits à donner un avis sur l'application du cahier des charges, à dresser un bilan annuel de chaque société publique de l'audiovisuel, ainsi qu'un bilan au bout de quatre ans de responsabilité des dirigeants de l'audiovisuel public. Nous avons également une compétence de nomination des administrateurs. Nous suivons donc de près le service public. France Télévisions comprend bien les nouvelles procédures et les auditions conduites entre novembre 2013 et fin février 2014 se sont déroulées dans un climat serein et ont été satisfaisantes. Elles se poursuivront, je crois que le pli est pris dans les relations avec le groupe et que France Télévisions ne gagnerait pas à limiter son dialogue avec sa tutelle, qu'il est dans son intérêt de discuter également avec nous.

France Télévisions fait des efforts, dans le sens de nos recommandations. France 4 a redéfini sa grille de programmes, la place de la musique doit être revue pour être plus présente aux heures de grande écoute. L'entreprise développe le numérique, mais je crois qu'il lui faudrait mieux fédérer les initiatives et opérer une véritable mutation pour le numérique - non pas seulement créer des équipes nouvelles sur le numérique, mais former toutes les équipes pour que chacun y soit bivalent et que tous les programmes trouvent leur version numérique.

Pour France 3, je sais qu'Anne Brucy s'achemine vers le terme de sa mission et que la question de l'architecture de la chaîne, entre les échelons national et régional, est déterminante - mais aussi qu'elle est liée à celle de la complémentarité de cette chaîne avec France 2. Il faut valoriser l'activité et le patrimoine des régions, c'est un objectif partagé, mais comment y parvenir au mieux ? C'est une question d'équilibre et de réalisme : il faut, en particulier, tenir compte de l'hétérogénéité des antennes régionales de France 3 ; je crois également qu'une meilleure coopération avec les télévisions locales est un facteur de réussite. Sachez que le collège du CSA a délibéré sur ce sujet mais n'a pas rendu publique sa délibération pour respecter la liberté d'appréciation d'Anne Brucy dans sa mission.

Le CSA est très attentif au maintien du modèle hertzien comme élément structurant du paysage audiovisuel et qui vient d'être modernisé : il est essentiel, en particulier, dans le financement de la création et la diffusion du service public audiovisuel. Il nous faut également prendre en compte les nouveaux modes de diffusion, c'est-à-dire, dans les faits, une véritable substitution qui est en train d'opérer avec la diffusion par l'Asymmetric Digital Subscriber Line (ADSL), le câble, le satellite et Internet - si les deux-tiers des foyers ont au moins un récepteur TNT, un tiers n'en n'ont qu'un seul. Or, notre modèle de promotion de la création, qui est un des piliers de l'exception culturelle, repose sur un équilibre entre la gratuité des fréquences hertziennes et la contribution des opérateurs à l'exposition et au financement de cette création. Nous devons donc adapter notre système aux réalités technologiques, avec le poids de cette équation : la base se rétrécit, mais les besoins s'accroissent.

Sur le champ de la régulation, quelle articulation avons-nous avec l'Autorité de la concurrence ? Nous entretenons une relation très étroite et féconde, il ne se passe pas un mois, parfois une semaine, sans que l'une des deux autorités ne demande son avis à l'autre. Nos compétences ne se recouvrent pas : l'Autorité de la concurrence sanctionne les atteintes à la concurrence et les abus de position dominante, ex post, avec des délais assez longs - ce qui ne va pas sans poser de problèmes techniques, on l'a vu lors du rachat des chaînes D8 et D17 par Canal+, où l'intervention ne peut se produire que plusieurs mois, voire plus d'une année après les faits, avec certains effets liés à des mutations économiques et technologiques qui ne sont pas rattrapables, ce que le Conseil d'État a reconnu lui-même. En fait, nos compétences sont tout à fait complémentaires : l'Autorité de la concurrence intervient en généraliste et ex post, tandis que le CSA intervient sur un secteur délimité, qui n'empiète pas sur celui de l'ARCEP.

Les plateformes dites UGC, qui sont générées par les utilisateurs, ne font pas partie du champ de régulation de l'audiovisuel numérique - nous avons tranché dans ce sens - parce qu'elles procèdent de l'échange social, qu'elles n'ont pas de finalité économique et qu'elles ne sont pas substituables aux services audiovisuels.

S'agissant de la distribution, maillon où les évolutions les plus fortes se sont produites, nous sommes très attachés à ce que la numérotation des chaînes soit la plus simple et logique possible et que l'accès soit le plus équitable, transparent et non-discriminatoire : c'est l'intérêt de l'éditeur et du téléspectateur. Le 31 mars dernier, le Conseil d'État a annulé une décision du CSA de 2011 qui refusait la demande de France Télévisions que France 5 soit numérotée 5 sur Numericable, qui la plaçait en treizième position.

Jusqu'où border le champ de la régulation ? Nous proposons d'y inclure les plateformes vidéo uniquement si elles ont une activité de distribution. C'est bien une analyse par l'activité qu'il faut privilégier, parce que les plateformes ont effectivement diversifié leur activité et font une concurrence directe aux contenus régulés. Je crois que les services peuvent être régulés sur Internet, y compris ceux des OTT - Over the top -, ce qui se justifie ne serait-ce que par les problèmes de bande passante que leur activité peut provoquer.

L'ARCEP a une compétence claire de règlement des différends et nous n'avons aucune demande en la matière. Cependant, sur tous les autres modes de règlement de différends, le CSA comme « Maison de l'audiovisuel », comme lieu d'échange, peut avoir son rôle à jouer pour rapprocher les parties en conflit sur des questions de droits, sans contrainte. On ne peut que s'inquiéter de voir les contentieux se multiplier dans l'audiovisuel, alors que face à la concurrence internationale toujours plus vive, il vaudrait mieux fédérer nos forces : le CSA est dans son rôle en y encourageant.

Nous sommes très attentifs au contenu et à la qualité des programmes - nous avons, par exemple, révisé pour 2014 la réglementation sur la diffusion, aux heures de grande écoute, de films déconseillés aux moins de douze ans. Nous avons également mis en place un groupe de travail « Droit des femmes » mais aussi un groupe « Éducation et Médias », pour promouvoir l'éducation aux médias et par les médias. Nous nous rapprochons de l'Académie des sciences pour renforcer le caractère éducatif des programmes, montrer davantage ce qui peut être une source d'espoir. Cependant, nous ne pouvons pas imposer aux éditeurs de diffuser tel programme - on nous reproche parfois d'aller trop loin dans la prescription. Nous recherchons donc un équilibre dans les échanges que nous avons avec les diffuseurs.

Le caractère payant de la diffusion de certains sports professionnels, au premier chef du football, pose effectivement des questions auxquelles nous sommes attentifs. Nous nous efforçons à ce que la diffusion gratuite garde sa place - les négociations difficiles qui viennent de se dérouler sur l'attribution des droits portant sur les internationaux de Roland-Garros, en portent témoignage -, à travers la liste établie par décret en Conseil d'État des événements d'importance majeure, et nous nous félicitons de l'initiative du ministère des sports d'étendre ces événements au sport féminin. Nous sommes également en discussion sur les brefs extraits, qui offrent gratuitement aux téléspectateurs des moments significatifs de rencontres sportives.

En matière de conventionnement, il faut souligner que sa logique est bien que les signataires d'un contrat acceptent de s'engager, dès lors que suffisamment d'avantages les incitent à consentir à des obligations ; c'est l'intérêt commercial bien compris des opérateurs que de s'intégrer dans le milieu socio-culturel où l'on veut assurer sa présence : l'entreprise Netflix l'a bien compris, en adaptant son offre pour pouvoir s'implanter en France, même si elle s'établit dans un autre État membre.

Pour anticiper la convergence, nous travaillons sur la télévision connectée et nous avons constaté le bond des consultations vidéos, en particulier chez les jeunes. La démultiplication des canaux de diffusion pose des problèmes évidents, en particulier de contrôle de l'accès des jeunes publics aux images, ce qui nous a conduit à multiplier l'an passé les mises en demeure auprès d'opérateurs, en utilisant les nouvelles sanctions que le législateur nous a confiées.

Comment faisons-nous respecter le pluralisme ? Notre veille est d'abord quantitative, parce que sur le plan qualitatif, on se verrait très vite reprocher de s'immiscer dans la vie politique et sociale de notre pays. Cependant, il est vrai qu'un problème se pose pour la retransmission du débat aux prochaines élections européennes - j'en ai parlé hier avec la représentante de la Commission européenne. Le contrat d'objectif et de moyens de France Télévisions prévoit l'obligation de faire connaître les institutions et les réalités européennes. Des efforts ont été entrepris mais la présentation des grands courants politiques concourants pour les élections européennes est largement perfectible, je vous le concède volontiers. Ceci est d'autant plus essentiel que les textes ont été modifiés : pour la première fois s'applique la disposition de l'article 17 du Traité sur l'Union européenne qui donne au Parlement européen compétence pour élire, sur la proposition du Conseil européen, le président de la Commission. Il y aurait éventuellement une modification législative à envisager pour que le respect du pluralisme intègre mieux la dimension européenne.

Enfin, et pour finir sur une note optimiste, je soulignerai que la télévision publique se détache d'une certaine morosité ambiante, en particulier lorsqu'elle affiche en bonne place dans sa grille - je le dis sans vouloir de publicité pour une émission particulière -, qu'elle est plus belle, la vie !

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