L'article 3 étend le mécanisme de solidarité financière en cas de travail dissimulé, qui ne concerne actuellement que les sous-traitants et les subdélégataires, à tous les cocontractants du maître d'ouvrage ou du donneur d'ordre. Il s'appliquera à celui qui contracte avec une entreprise principale, ainsi qu'à toute personne qui recourt aux services d'une entreprise de travail temporaire.
L'article 4 renforce les pouvoirs des agents de contrôle chargés de lutter contre le travail illégal, qui pourront se faire présenter des documents relatifs au détachement temporaire de salariés par une entreprise non établie en France et en obtenir copie immédiate.
L'article 6 ter assouplit les conditions imposées à l'autorité administrative, lorsqu'elle a connaissance d'un procès-verbal relevant une infraction liée au travail illégal, pour fermer provisoirement un établissement ou exclure une entreprise des marchés publics, et relève les pénalités en cas de non-respect des décisions administratives précitées à deux mois d'emprisonnement et à 3 750 euros d'amende.
L'article 7 bis autorise le juge à prononcer à l'encontre d'une personne condamnée pour travail illégal, à titre de peine complémentaire, une interdiction de percevoir toute aide publique pendant une durée maximale de cinq ans. L'article 7 ter introduit la notion de bande organisée dans diverses infractions afin de mieux lutter contre les réseaux de travail illégal. Enfin, l'article 8 oblige tout candidat à un marché public à présenter sur demande son contrat d'assurance de responsabilité décennale.
Quatrième et dernier axe de cette proposition de loi, ajouté à l'initiative du rapporteur de l'Assemblée nationale : l'encadrement du cabotage routier de marchandises, ces opérations de chargement et de déchargement effectuées sur le territoire national par un transporteur établi à l'étranger à l'occasion d'un transport international. La déclaration préalable de détachement n'est obligatoire que pour les interventions en France dont la durée est égale ou supérieure à huit jours. La proposition de résolution européenne qui a fait suite au rapport d'information du 10 avril dernier de M. Bocquet appelle à un renforcement des règles du cabotage, ce qui est en parfaite cohérence avec les travaux et les orientations de notre commission.
L'article 9 punit d'un an d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende les personnes qui organisent délibérément le travail des conducteurs routiers de manière à les empêcher de prendre leur repos hebdomadaire normal de 45 heures. Ces pénalités peuvent sembler élevées : elles répondent aux abus extrêmement graves constatés par les agents de contrôle. Les mêmes sont prévues en cas de rémunération calculée sur la distance parcourue ou le volume de marchandises transportées, si ce mode de calcul est de nature à compromettre la sécurité routière ou à encourager les infractions à la réglementation européenne. Certaines entreprises vont chercher des chauffeurs en Pologne ou en Roumanie, et les font conduire des poids lourds pendant deux ou trois mois sans leur permettre de rentrer chez eux : ils vivent et dorment donc dans la cabine de leur camion, et assurent ainsi en prime le gardiennage des véhicules...
L'article 10 supprime l'obligation, non conforme au droit européen, faite aux transporteurs de marchandises par route de disposer d'une licence communautaire pour réaliser des opérations de cabotage. Cette obligation avait pour effet, en pratique, de ne pas soumettre les véhicules de moins de 3,5 tonnes à la réglementation du cabotage, dans la mesure où ils sont dispensés de plein droit de licence communautaire. Conformément aux attentes des transporteurs routiers français, l'article 10 mettra fin à la concurrence déloyale des véhicules de moins de 3,5 tonnes, qui seront désormais soumis aux mêmes règles de cabotage que les poids lourds.
Ce texte contient des dispositions très techniques. Il s'agit presque d'un travail de dentelle, tant les contraintes juridiques sont puissantes. Chaque disposition sera examinée scrupuleusement par la Commission européenne, qui vérifiera que les restrictions à la libre prestation sont justifiées, proportionnées et non discriminatoires. Les entreprises françaises, elles, redoutent l'alourdissement des charges administratives, d'une réglementation déjà riche en matière de travail illégal, et rappellent leur attachement au principe constitutionnel de liberté d'entreprendre.
Le texte qui nous est proposé est équilibré et évite tout amalgame entre détachement de travailleurs et travail illégal. Le détachement de travailleurs est naturel dans un marché unique. Encore faut-il que les acteurs concernés respectent les règles sociales du pays d'accueil et que la concurrence soit loyale. Les amendements que je vous propose ne font que simplifier les règles déclaratives et de solidarité financière. Plus celles-ci seront simples, plus leur contournement sera difficile et le contrôle aisé.
Ceci étant, cette proposition de loi ne suffira pas à lutter contre les abus. Il faudra accélérer l'harmonisation sociale en Europe et mettre fin à la dichotomie entre les règles relatives à la sécurité sociale et le droit du travail. La CJUE interdit par exemple à tout État membre de rendre obligatoire la déclaration préalable d'affiliation à la sécurité sociale, le document portable A1, au grand dam de l'Urssaf... Cette simplification est pourtant la condition sine qua non d'une meilleure coopération transfrontalière entre les autorités compétentes.
Au niveau national, la coopération entre agents de contrôle doit être poursuivie. Elle est au coeur du plan de lutte contre le travail illégal élaboré pour 2013-2015, qui comprend un objectif spécifique de lutte contre les abus lors des détachements. L'inspection du travail doit être mieux organisée sur le territoire et disposer de cellules spécialisées, d'effectifs et de pouvoirs renforcés. Le décret du 20 mars 2014 franchit un premier pas en créant des cellules spécialisées au niveau national et dans chaque direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte). En aval, la réponse pénale doit être améliorée, les parquets sensibilisés et les sanctions administratives davantage utilisées.
Je vous invite à adopter cette proposition de loi ainsi que les amendements que je vais vous proposer.