Intervention de Alain Vasselle

Réunion du 16 juin 2010 à 14h30
Débat sur les retraites

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle, président de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale :

Notre débat prend place dans un contexte particulier.

Le Gouvernement vient en effet de présenter les grandes lignes du projet de loi qu’il défendra devant le Parlement au mois de septembre prochain. Nous allons donc avoir un échange approfondi entre nous et avec le Gouvernement, sur les voies et moyens disponibles pour résoudre les difficultés considérables que connaît aujourd’hui notre système de retraite.

Avant de laisser la parole aux deux rapporteurs, qui ont beaucoup travaillé sur ce dossier, M. Dominique Leclerc et Mme Christiane Demontès, tous deux membres de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, que j’ai l’honneur de présider, je souhaite rappeler que la MECSS suit de très près, depuis sa création en 2006, l’évolution de notre système de retraite.

Elle a présenté plusieurs rapports portant sur la compensation entre régimes, sur les règles de la réversion et sur l’assurance vieillesse en Suède. J’ai d’ailleurs la faiblesse de penser que le Conseil d’orientation des retraites, le COR, a commencé à s’intéresser aux comptes notionnels du jour où nous avons produit notre rapport. MM. Dominique Leclerc et René Teulade, l’un et l’autre par ailleurs membres du COR, s’en sont fait l’écho et ont attiré l’attention de leurs collègues sur l’intérêt qu’il y aurait à étudier la réforme des retraites en Suède, susceptible d’inspirer, en France, une réforme future à caractère plus systémique.

L’an dernier, avant même l’annonce du rendez-vous de 2010, la MECSS du Sénat avait décidé de retenir l’avenir du système de retraite comme thème principal de travail pour 2010. Nous avions même décidé de lui donner la priorité sur l’hôpital, thème que nous souhaitions pourtant aborder depuis longtemps, considérant qu’il était urgent de se pencher sur le dossier des retraites.

Nous y avons consacré une réflexion approfondie, engagée dès le mois de janvier dernier, qui a nécessité l’organisation d’une quarantaine d’auditions afin de recueillir les analyses et les propositions des partenaires sociaux, des gestionnaires des principaux régimes et des experts.

Notre débat d’aujourd’hui est donc l’aboutissement de ce travail, qui avait, monsieur le ministre, pour objet non pas d’intervenir dans la concertation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, mais d’aborder l’ensemble des questions que soulève aujourd’hui le modèle français de retraite et de formuler des orientations pour l’avenir afin que le Sénat soit pleinement éclairé.

Le Gouvernement a pu, à loisir, piocher dans ce rapport et faire des propositions. D’ailleurs, il a repris certains des leviers sur lesquels nous suggérons qu’il agisse.

Depuis la publication du rapport, nous avons complété nos investigations en nous rendant en Allemagne. La MECSS présentera d’ici au mois de juillet un rapport complémentaire sur les enseignements que nous pouvons tirer du système de retraite allemand.

Très brièvement, en tant que président de la mission et rapporteur général des lois de financement de la sécurité sociale, je souhaite replacer cette question des retraites dans le contexte plus général de la situation particulièrement dégradée des comptes sociaux et du déséquilibre financier.

La Commission des comptes de la sécurité sociale s’est réunie il y a peu. Elle a fait état d’un déficit prévisionnel du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, de 31, 1 milliards d’euros en 2010, succédant à un déséquilibre de 23, 5 milliards d’euros en 2009. De tels chiffres, jamais atteints dans l’histoire de la sécurité sociale, font planer une menace grave sur la pérennité de notre système et mettent en grande difficulté la gestion de la trésorerie au niveau de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS.

En effet, ces déficits cumulés se transforment aussitôt en une dette sociale qu’il faudra bien rembourser un jour ou l’autre.

J’avais déposé, au nom de la commission des affaires sociales, un amendement tendant à augmenter la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, pour combler une partie de la dette. C’était un petit effort. Éric Woerth, alors ministre des comptes publics, m’avait demandé de retirer cet amendement, indiquant qu’une commission composée de parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat se pencherait sur la question de la dette.

Une commission a donc été créée ; elle s’est déjà réunie à deux reprises, sous la présidence de M. François Baroin, pour étudier les différentes hypothèses qui permettraient de limiter la dette accumulée en 2009 et 2010, après la dernière reprise par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, des dettes plus anciennes.

Les solutions ne sont ni nombreuses ni miraculeuses et elles présentent toutes de graves inconvénients, qu’il s’agisse d’augmenter la CRDS ou de repousser la date de disparition de la CADES. C’est pourquoi, notamment, on a refusé d’augmenter la CRDS lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, craignant l’impact sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens et sur la compétitivité des entreprises.

Toutefois, la question qui se pose dès à présent est de savoir comment éviter, ou tout au moins limiter, la reconstitution de nouvelles dettes au cours des années suivantes.

Notre système social est aujourd’hui particulièrement menacé par la dette, qui tend à exploser. Chacun voit bien que les déficits conjoncturels liés à la crise sont devenus structurels et que la reprise de la croissance, malheureusement, ne permettra pas, à elle seule, de les résorber.

Il est donc de notre devoir et de notre responsabilité de conduire une action résolue afin de parvenir à un retour à l’équilibre à moyen terme.

C’est dans ce contexte général que s’inscrit le rendez-vous de 2010 sur les retraites, qui doit constituer un élément essentiel de cette stratégie de retour à l’équilibre des comptes.

Dans cette perspective, il faut que cette réforme soit ambitieuse et agisse sur l’ensemble des paramètres disponibles ; je sais d'ailleurs, monsieur le ministre, que vous en êtes conscient et que vous souhaitez avancer dans ce sens. En effet, nous en sommes certains aujourd'hui – les rapporteurs de la MECSS pourront le confirmer –, aucun levier ne permettra, à lui seul, de régler la situation financière très préoccupante que nous connaissons, les mesures d’âge devant être complétées par de nouvelles recettes, qu’il convient de rechercher.

En effet, le débat s’est cristallisé sur la question de l’âge, mais ce seul paramètre ne nous permettra pas d’agir à la fois sur le flux, en équilibrant les comptes, et sur le stock, en finançant la dette existante.

À cet égard, mes chers collègues, je ne puis que me féliciter que le Gouvernement ait décidé d’annualiser le calcul des exonérations de charges sur les bas salaires, comme nous le lui avions proposé lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, même si je regrette, une fois de plus, qu’il nous donne raison avec toujours au moins une année de retard.

J’en ai fait l’expérience depuis plusieurs années : le Sénat a toujours tort d’avoir raison trop tôt !

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