… et est devenu en fait un principe d’inaction bloquant l’innovation.
Après les PGM, on pourrait voir un troisième étage dans les animaux génétiquement modifiés. Peu médiatisés, ces OGM-là devront un jour retenir toute notre attention.
Je vois pointer en particulier, entre les États-Unis et l’Europe, un certain nombre d’accords qui pourraient nous conduire à importer des animaux génétiquement modifiés. Je le dis calmement : il n’y a pas que le maïs qu’on importe génétiquement modifié.
La commission de biosécurité brésilienne a rendu, le 10 avril, un avis favorable à la dispersion dans le milieu naturel de moustiques mâles génétiquement modifiés. On comprend très bien l’objectif : il s’agit, par un contrôle des naissances au sein de cette espèce, de lutter contre le développement de la dengue, maladie en fort développement au Brésil. Cela peut représenter un grand espoir, mais la mobilité de ces animaux oblige à une prudence encore plus grande qu’en matière de biotechnologies végétales.
En deuxième lieu, c’est la mise en culture qui est visée, et non, monsieur Lasserre, la recherche ou les essais en plein champ.
S’il n’y a plus d’essais en plein champ aujourd’hui, ce n’est pas une question d’ordre législatif ou réglementaire. En effet, M. le ministre le rappelait, ces expérimentations sont prévues par le code de l’environnement. Je voudrais avoir des mots forts pour exprimer la désolation des chercheurs de l’INRA – Institut national de la recherche agronomique –, en particulier, dont les travaux ont été détruits à Colmar, en août 2010. Rien ne justifiait, alors que les recherches s’effectuaient en toute transparence et sans risque de dissémination – une bâche avait été disposée sous les plants –, de saccager ainsi un travail de plusieurs années portant sur le court-noué de la vigne.
Comment, après cela, retenir en France des chercheurs de talent ? Refuser la recherche, c’est refuser la connaissance et perdre toute maîtrise des plantes génétiquement modifiées qui, sous une forme ou sous une autre, arrivent de toute manière.
Je le répète, seules les autorisations de mise en culture commerciale sont visées par cette proposition de loi.
La distinction juridique est importante. La directive 2001/18/CE, au niveau européen, comme le code de l’environnement, au niveau français, définissent des procédures d’autorisation et de contrôle distinctes pour les disséminations expérimentales d’OGM, d’une part, qui comprennent notamment les essais en plein champ, et pour la mise sur le marché d’OGM – ou de PGM –, d’autre part. Seule cette dernière est visée par la présente proposition de loi.
Après avoir ainsi posé le cadre, pourquoi donc proposer d’interdire la mise en culture des maïs génétiquement modifiés, comme le fait cette proposition de loi ?
Il ne s’agit pas de remettre en cause l’évaluation scientifique. Toutefois, nous devons mettre les aspects purement techniques de la culture des plantes génétiquement modifiées en perspective avec les conséquences plus générales d’une mise en culture massive de ces plantes.
L’expertise scientifique est le point de départ indispensable, certes, mais il faut prendre garde aux risques de conflits d’intérêts dans un domaine où les intérêts commerciaux sont considérables. Il est donc important que cette expertise puisse être réalisée par plusieurs instances, au niveau tant européen que national, comme le demandait M. le ministre voilà quelques instants.
Surtout, cette expertise scientifique ne peut de toute manière pas constituer le seul critère de décision pour la puissance publique. Elle doit être complétée par une analyse économique, sociale, environnementale au sens large.
Une autorisation de mise en culture des plantes génétiquement modifiées signifierait probablement une transformation du modèle agricole auquel nous sommes attachés : les contraintes liées à ces cultures favoriseraient sans doute de grandes exploitations, sans parler des liens accrus qu’elles entraîneraient à l’égard des grands semenciers.
Nous ne pouvons pas non plus écarter les risques sanitaires sans examen supplémentaire. On manque d’études de long terme concernant la sécurité des plantes génétiquement modifiées pour l’alimentation des humains et du bétail. Les risques sur la biodiversité, l’impact en termes de limitation de la quantité de pesticides diffusés dans l’environnement sont encore controversés. M. le ministre a évoqué les dernières publications américaines sur la consommation d’herbicides, malgré l’utilisation de maïs génétiquement modifiés : ce constat pose problème au regard de la finalité initiale de ces semences.
Au mois de février dernier, notre commission a considéré que de telles incertitudes justifiaient l’adoption de la proposition de loi de notre collègue Alain Fauconnier, qui était similaire à celle que nous examinons aujourd'hui. En effet, face à ces risques, les avantages des plantes génétiquement modifiées résident plus dans les promesses des biotechnologies que dans leurs réalisations actuelles. Les maïs génétiquement modifiés dont nous parlons ne sont pas des plantes miraculeuses qui vont résoudre les problèmes d’alimentation dans le monde : ce sont d’abord des outils pour développer une forme d’agriculture plus intensive que celle qui constitue le modèle français.
D’ailleurs, ce texte n’a rien de révolutionnaire : il se place dans la continuité de la position constamment affirmée par les autorités françaises, au-delà des alternances politiques.