Intervention de Robert Tropeano

Réunion du 5 mai 2014 à 16h00
Interdiction de la mise en culture de variétés de maïs génétiquement modifié — Adoption définitive en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Robert TropeanoRobert Tropeano :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 17 février dernier, une proposition de loi similaire était inscrite à l’ordre du jour de la Haute Assemblée. Ayant connu le sort que l’on sait, cette proposition de loi a été depuis reprise par des députés de la majorité et la voilà de nouveau devant nous.

Mes chers collègues, cet examen est pour le groupe du RDSE l’occasion de repréciser sa position sur la délicate question de la culture des OGM dans des termes très proches de ceux qu’avait utilisés à cette même tribune, le 17 février dernier, notre collègue François Fortassin. En la matière en effet, il faut savoir prendre de la distance, s’éloigner des évidences et des préjugés et faire l’effort de dépassionner le débat !

François Fortassin avait ainsi rappelé qu’à deux reprises la France avait tenté de riposter par une clause de sauvegarde à une décision européenne autorisant le maïs génétiquement modifié MON 810 et qu’à deux reprises le Conseil d’État avait annulé l’arrêté d’interdiction. Au mois d’août dernier, la haute juridiction avait en effet jugé que le dossier ne contenait pas d’éléments nouveaux reposant sur des données scientifiques fiables et permettant de conclure à l’existence d’un risque important pour la santé humaine, la santé animale ou l’environnement. Au lendemain de cette décision, monsieur le ministre, vous vous étiez engagé à maintenir le moratoire en promettant une décision avant les prochains semis.

La procédure proposée par ce texte est inédite, puisqu’il s’agit en fait d’interdire par la loi la mise en culture sur le territoire national non seulement du maïs incriminé, mais aussi de l’ensemble des variétés de maïs génétiquement modifié. Il est vrai qu’entre-temps une nouvelle variété de maïs OGM, le maïs TC 1507, vient quasiment d’être autorisée, faute de majorité suffisante pour la bloquer au dernier Conseil européen.

La question posée par cette proposition de loi n’est pas seulement celle des OGM, c’est aussi une question de droit : notre fonction de législateur peut-elle nous autoriser à voter des lois dont nous savons pertinemment qu’elles ne sont pas fondées juridiquement ? Cela pose un réel problème, que l’on soit « pro » ou « anti » OGM !

Notre collègue Fortassin posait déjà la question en ces termes : « S’agirait-il donc d’une initiative purement politique pour rassurer une opinion publique apparemment unanime à rejeter les OGM ? » Il ajoutait que l’examen d’un tel texte illustrait bien « notre incapacité à tenir un débat objectif et serein sur le sujet, allant au fond des interrogations ».

Mes chers collègues, il nous appartient de défendre la transparence du débat public et l’émergence d’une information non biaisée par les conflits d’intérêts, d’où qu’ils viennent ! C’est en tout cas la ligne exigeante et rigoureuse adoptée par le groupe du RDSE. Toutes les positions sont respectables. Qu’il nous soit permis d’indiquer ici combien nous avons été surpris – pour ne pas dire davantage – par certaines déclarations excessives qui ont pu suivre l’adoption, le 17 février, par le Sénat, de la motion de procédure déposée sur la proposition de loi initiale. Cela devait être dit.

Mes chers collègues, en l’état de la connaissance sur les OGM, toutes les positions semblent légitimes et aucune d’entre elles ne doit être disqualifiée a priori. D’ailleurs, les modèles de développement ne sont pas toujours antinomiques : l’agriculture intensive ne s’oppose pas nécessairement à l’agroécologie. Il faut sortir d’une vision manichéenne et simplificatrice !

Nous devrions, sur des dossiers comme celui-ci, décider sur la base d’un débat scientifique parfaitement posé. En tant que parlementaires, nous devons raison garder et ne pas céder aux sirènes médiatiques ou aux raccourcis de quelques sondages d’opinion qui n’ont aucun sens.

Pour nous, on ne peut réduire les OGM à leur visage actuel : le business de Monsanto ou de quelques autres firmes pour lesquelles nous n’avons aucune sympathie particulière et dont nous dénonçons d’ailleurs certaines méthodes ; je pense en particulier au scandale du monopole des semences. Pour autant, il ne serait pas raisonnable de se priver a priori des biotechnologies. Non, les OGM ne sont pas par nature et par définition un danger certain pour la santé publique ; les choses sont beaucoup plus complexes. Ce constat est d’ailleurs valable pour d’autres sujets. S’il est une certitude, c’est bien qu’il est primordial de poursuivre la recherche, car l’obscurantisme serait, à coup sûr, une faute politique majeure !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion