Intervention de Jean Bizet

Réunion du 5 mai 2014 à 16h00
Interdiction de la mise en culture de variétés de maïs génétiquement modifié — Adoption définitive en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean BizetJean Bizet :

C’est de la culture, monsieur Labbé !

Quelles que soient les évolutions de notre droit, il vous faudra prendre en compte, monsieur le ministre, ce préjudice économique subi par certains agriculteurs, sans parler de celui qui affecte l’ensemble d’une filière.

Ainsi, monsieur le ministre, vous avez très clairement un objectif et vous ne renoncez à aucun moyen pour l’atteindre, ces moyens fussent-ils tangents d’un point de vue de la solidité juridique et contraignants à l’égard des droits du Parlement. Malheureusement pour vous, et malgré les désaccords pouvant exister entre nous sur les usages de la transgénèse et des biotechnologies, nous sommes encore dans un État de droit !

Au-delà des questions de forme, nous comprenons néanmoins très bien pourquoi vous agissez ainsi.

En réalité, vous rencontrez des difficultés à justifier l’interdiction ou la suspension de la culture de maïs transgéniques dans le cadre légal en vigueur. Pour cela, il faudrait en effet des motifs d’urgence face à un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement. Or, jusqu’à preuve du contraire, et le hasard veut que je suive la question depuis une dizaine d’années, les différentes agences ou académies n’ont absolument pas confirmé ce risque.

Comment justifiez-vous aujourd’hui l’urgence et le risque ?

Vos arguments sont plutôt aléatoires, monsieur le ministre. Nous pouvons avoir des convictions et des analyses divergentes sur le sujet, mais ce n’est pas là le sens de mon questionnement : aujourd’hui, si vous voulez légiférer, il faut le faire sur des bases légales et scientifiques incontestables !

J’ai déjà évoqué les bases légales, brièvement aujourd’hui et de façon plus détaillée le 17 février dernier.

Quant aux bases scientifiques, vous entretenez la confusion en laissant planer le doute sur la qualité des avis rendus par les agences sanitaires et environnementales tant française qu’européenne.

En particulier, la teneur des débats à l’Assemblée nationale et certaines allégations sur les effets du MON 810 et des OGM ont des fondements scientifiques très relatifs et ne peuvent que nuire à la sérénité de la décision publique, à la qualité des informations données à nos concitoyens et à la confiance en nos institutions scientifiques de recherche et de contrôle.

C’est pourquoi, avec mon collègue le président Bernard Accoyer, j’ai saisi officiellement le président du Haut Conseil des biotechnologies. En particulier, nous souhaitons disposer d’une analyse croisée et circonstanciée des conclusions que l’on peut tirer des avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments sur les risques pour l’environnement de la culture du Monsanto 810.

Enfin, il ne me semble pas que l’on puisse se ranger à l’argument selon lequel la proposition de loi que nous examinons est un texte de sauvegarde aux visées conservatoires, en application du principe de précaution – ce point a été évoqué par certains collègues avant moi. Il n’est qu’à lire la Charte de l’environnement, qui prescrit, en cas de doute sur l’innocuité d’un produit ou d’un process, des procédures d’évaluation et des mesures proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.

Sincèrement, nous ne pouvons pas convenir que la présente proposition de loi, d’interdiction pure et simple, soit une application du principe de précaution.

Bien au contraire, interdire la mise en culture de tous les maïs génétiquement modifiés, présents et à venir, relève d’une approche totalement arbitraire et constitue un défi à la raison comme à la recherche scientifique proprement dite. En effet, ainsi que l’a souligné le président-rapporteur Daniel Raoul, comment inciter nos chercheurs à rester sur notre territoire – ils ne sont déjà plus nombreux, d’ailleurs ! – et à s’engager dans des recherches, s’ils savent pertinemment que les cultures n’existeront pas, ou qu’elles seront détruites, comme cela s’est malheureusement produit à Colmar ? Pourtant, la loi de 2008, qui s’inspirait pour partie du rapport d’information que Jean-Marc Pastor et moi-même avions rendu sur ce même sujet quelques années auparavant, respectueuse des agriculteurs qui voulaient planter et de ceux qui ne le souhaitaient pas, de même que des consommateurs qui voulaient consommer et de ceux qui ne le désiraient pas, était assortie de pénalités pour celles et ceux qui se livraient à des dégradations du bien d’autrui.

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