Intervention de Renée Nicoux

Réunion du 5 mai 2014 à 16h00
Interdiction de la mise en culture de variétés de maïs génétiquement modifié — Adoption définitive en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Renée NicouxRenée Nicoux :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens à mon tour, au nom du groupe socialiste, pour souligner l’enjeu crucial que constitue le vote de cette proposition de loi.

Le Parlement se doit de se mobiliser de nouveau aux côtés du Gouvernement afin d’éviter toute prise de risque liée à la mise en culture de maïs génétiquement modifié sur notre territoire, risque à la fois pour l’environnement, la santé publique, la sécurité sanitaire, mais aussi pour l’activité économique de nos agriculteurs.

En effet, certaines inquiétudes restent prégnantes à l’heure actuelle et appellent la plus grande vigilance de notre part sur les effets encore mal mesurés de la mise en culture de certains OGM sur notre écosystème.

J’évoquerai ici les principales inquiétudes que suscite la commercialisation du maïs génétiquement modifié Monsanto 810.

Tout d’abord, ce maïs a un effet scientifiquement démontré sur l’environnement et sur la biodiversité. La variété de maïs génétiquement modifié Monsanto 810, dont la mise en culture a été autorisée par la Commission européenne depuis 1998, aurait des effets indésirables considérables. Ainsi, la toxine créée par la plante pour se protéger de certains insectes aurait des incidences beaucoup plus larges puisqu’elle nuirait également à des insectes non-cibles. De surcroît, cette variété favoriserait mécaniquement le développement d’une résistance à la toxine par les insectes visés. Outre son impact environnemental, ce maïs aurait donc un impact sanitaire néfaste. La résistance des insectes visés à la toxine développée par la culture OGM entraînerait logiquement l’usage de pesticides plus puissants encore par les agriculteurs.

Ensuite, l’impact économique que l’on présage sur l’agriculture ne doit pas être négligé. En effet, le problème de la traçabilité des cultures OGM pose la question de la coexistence des cultures OGM et des cultures non OGM, plus précisément des cultures OGM et de l’agriculture biologique, cette dernière répondant à des normes particulièrement strictes.

Par ailleurs, un autre problème risque de se poser à nos exploitants : celui des droits de propriété intellectuelle de ces semences OGM. En plus des problèmes de traçabilité et de contrefaçon pouvant émerger, ces semences protégées risquent en effet de placer les agriculteurs dans une lourde dépendance vis-à-vis des grands groupes industriels mondiaux, ce qui sera d’autant plus préjudiciable aux petits exploitants agricoles.

Enfin, des conséquences significatives sur la filière apicole et sur la santé des abeilles sont à craindre. L’impact de la culture OGM serait d’autant plus redoutable qu’il viendrait s’ajouter à la surmortalité des abeilles actuellement constatée. Or la toxicité de l’insecticide génétiquement intégré dans les semences de maïs est encore très imparfaitement mesurée, ce qui laisse dans un flou inquiétant les conséquences de cet insecticide sur la filière apicole.

Il semble donc évident que, face à ces incertitudes, mais aussi compte tenu de certains risques avérés, la France doive avoir le choix de reconduire l’interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié tant qu’elle n’est pas pleinement satisfaite des résultats scientifiques attestant la neutralité de la mise en culture OGM sur la qualité de nos terres, de notre santé et de notre écosystème.

Or cette démarche précautionneuse de la France s’est heurtée à plusieurs reprises à des exigences imposées au niveau européen. En effet, à deux reprises depuis 2007, le gouvernement français a souhaité instaurer un moratoire pour la mise en culture du maïs génétiquement modifié sur le territoire français. Il a par ailleurs associé cette décision temporaire à une demande de renforcement des procédures d’évaluation du risque environnemental lié aux OGM, mais aussi à la mise en place de mesures de gestion appropriées telles que l’instauration de zones refuges, de rangs de bordure de maïs non OGM, ou encore l’éloignement des cultures de l’habitat de certaines espèces. Mais, également à deux reprises, le Conseil d’État est intervenu pour annuler ce moratoire, en application des normes juridiques européennes imposant à la France de démontrer une situation d’urgence et de menace manifeste qui puisse légitimer l’adoption de mesures contre la mise en culture d’OGM.

Toutefois, un signe encourageant a été donné aujourd'hui par le Conseil d’État, qui vient de confirmer l’arrêté gouvernemental interdisant la culture du Monsanto 810.

C’est encourageant, car la situation juridique de la France n’est pas sans soulever des interrogations quant à la capacité de notre pays à décider souverainement de son exposition ou non aux risques liés aux OGM. L’autorisation prochaine de la mise en culture en Europe d’une deuxième semence de maïs génétiquement modifié, le maïs TC 1507 de Pioneer, illustre de manière saisissante le manque de marges de manœuvre de notre pays dans ce domaine.

Ni l’opposition du Parlement européen à une telle autorisation de mise en culture ni le refus exprimé par dix-neuf des vingt-huit pays composant le Conseil européen n’ont constitué des barrières suffisantes pour empêcher la mise en culture de cette nouvelle espèce d’OGM. En effet, les règles de décision à l’échelle européenne en la matière sont particulièrement restrictives, puisqu’elles ne donnent au Parlement que la possibilité d’émettre un avis consultatif et qu’elles limitent la force d’opposition du Conseil européen à un vote à la majorité qualifiée.

Par conséquent, la Commission européenne est l’unique détentrice de la décision finale d’autorisation.

Je tiens à souligner que les nombreuses prises de position de la France sur le manque d’évaluation et sur les faibles prises en compte des risques environnementaux du maïs Monsanto 810 depuis 1998 n’ont guère fait évoluer le processus d’autorisation, comme on le voit pour la nouvelle espèce dont le projet d’autorisation est porté par la Commission européenne depuis 2008 : le manque d’évaluation du maïs TC 1507 de Pioneer n’est pas plus acceptable, compte tenu des enjeux environnementaux, sanitaires et économiques.

La présente proposition de loi apparaît donc comme l’instrument nécessaire pour faire entendre la voix de la France et pour montrer que nous souhaitons maintenir une position ferme dans l’attente de contreparties sécurisantes sur la question de la mise en culture d’OGM.

Comme je l’ai dit précédemment, les inquiétudes suscitées par l’utilisation de semences génétiquement modifiées sont suffisantes pour justifier que nous prenions encore le temps d’approfondir les recherches scientifiques. Nous devons également nous assurer que les consommateurs, comme les producteurs, seront suffisamment protégés face à l’introduction de ces nouvelles pratiques. Nous ne voudrions pas nous retrouver confrontés aux mêmes problèmes que ceux auxquels nous avons à faire face aujourd’hui : la résistance aux pesticides, le développement de l’antibiorésistance, ainsi que la prolifération de certaines maladies liées à l’utilisation de ces produits !

Par ailleurs, le vote de cette proposition de loi permettra de donner une marge de manœuvre au ministre français pour infléchir la position de la Commission européenne et poursuivre le travail de révision de la directive européenne sur les OGM dans lequel le gouvernement français s’est engagé.

Enfin, je tiens à rappeler que cette proposition de loi est une réponse à l’engagement, pris par le Président de la République à l’occasion de la conférence environnementale de 2012, de maintenir le moratoire français sur la mise en culture d’OGM. Elle constitue également le bouclier nécessaire face aux risques trop importants qui pèsent à l’heure actuelle sur l’environnement et la biodiversité.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera cette proposition de loi.

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