Je dirai quelques mots en réponse aux différentes interventions.
Premièrement, cette proposition de loi remet-elle en cause la capacité de la France à innover et à faire des recherches sur les semences ? Je rappelle encore une fois que la France est le premier exportateur mondial de semences, loin devant tous les autres pays européens. Une entreprise française est d'ailleurs en train de s’implanter de manière extrêmement importante en Asie, et en particulier au Japon et en Inde, en attendant la Chine. Cette entreprise est en concurrence avec les fameux groupes dont il a beaucoup été question aujourd’hui.
Deuxièmement, qu’en est-il des rendements ? Nos voisins espagnols, qui cultivent du maïs OGM, ne sont pas arrivés à des rendements supérieurs à ceux que nous obtenons en France, en particulier dans le grand Sud-Ouest. Cela montre que les OGM n’ont pas d’impact évident en la matière.
En revanche, les études réalisées aux États-Unis montrent assez clairement que l’utilisation des herbicides et des pesticides dans les champs d’OGM suit une courbe en « J » : elle baisse au début, mais augmente ensuite à mesure que les résistances se développent.
Il me semble donc que, à long terme, l’avantage compétitif des OGM est tout à fait contestable.
Troisièmement, et c’est sans doute le point le plus important, je veux revenir sur l’agroécologie, débat que nous avons déjà eu lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
Pour élaborer une variété d’OGM, on sélectionne une semence résistante ou produisant ses propres pesticides. Or cette méthode empêche de réfléchir à de nouveaux modèles de production qui reposent sur des mécanismes naturels permettant de se protéger – c’est cela, la stratégie de l’agroécologie –, au lieu de continuer dans une logique d’utilisation de produits phytosanitaires. Si l’on entrait dans le débat par la seule clé des OGM, on fermerait l’accès à des potentialités de développement durable pour l’agroécologie, et pour l’agriculture tout court. Cela serait préjudiciable, et cela limiterait les innovations, car les nouveaux modèles de production donnent une place extrêmement importante à la recherche et à l’innovation ; le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt en témoigne.
Quatrièmement, sur le plan juridique, cette fois, d’aucuns m’opposent que ce texte serait contraire au droit européen. Je vous rappelle simplement que le Monsanto 810 a une autorisation de mise en culture vieille de seize ans, alors qu’elle aurait dû être revue au bout de dix ans. S’il y a du juridisme à faire, nous avons donc aussi de quoi argumenter…
Épargnons-nous ces débats !
En revanche, sur la question de la législation européenne, il y a un débat engagé à l’échelon communautaire. Pour nous, l’objectif est d’arriver à une proposition du Conseil sous la présidence grecque, car le Parlement et la Commission ne seront pas encore en capacité d’examiner ce texte.
À cet égard, je veux juste préciser un certain nombre de critères sur lesquels nous nous appuyons et vous informer de l’état d’avancement de notre démarche.
Au départ, nous avions défendu une proposition extrêmement ambitieuse qui consistait à reprendre le système juridique existant pour les autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires afin de l’appliquer aux organismes génétiquement modifiés. Ainsi, l’autorisation de mise sur le marché à l’échelle européenne était censée être accordée après un débat européen, mais, comme M. le rapporteur l’a rappelé, chaque État pouvait avoir ses propres critères pour réévaluer l’autorisation de mise en culture.
Comme nous n’avons pas été suivis par une majorité d’État, nous défendons désormais une seconde stratégie qui consiste à faire fixer des critères à l’échelon européen, c’est-à-dire que les critères sur lesquels les États pourront se fonder pour accepter ou refuser l’autorisation de mise en culture relèveront de la législation non pas nationale, mais européenne.
Aujourd’hui, le débat porte sur l’élargissement des critères d’interdiction économiques et sociaux. Comme je l’ai dit, j’attache une grande importance à la capacité de chaque État à mettre sur la table les coûts et les bénéfices, du point de vue social et économique. Il importe ainsi de pouvoir évaluer les rendements, le recours aux pesticides, ce qui n’a jamais été fait.
Par ailleurs, il me semble primordial que la Commission soit impliquée dans le dialogue entre l’État membre et le pétitionnaire, en l’occurrence l’entreprise qui vient demander une autorisation de mise en culture. Jusqu’ici, chaque État se retrouvait seul face au pétitionnaire, sans implication de la Commission. Avec le changement de législation, comme l’autorisation sera donnée à l’échelon européen, chaque État pourra renvoyer les pétitionnaires vers la Commission, qui prendra les décisions dans le cadre défini.
Il m’apparaît également important de pouvoir demander à tout moment de réévaluer les autorisations sur la base de données nouvelles. Ainsi, concernant un certain nombre d’OGM autorisés voilà une dizaine d’années, nous disposons aujourd’hui d’éléments scientifiques nouveaux à la lumière desquels l’autorisation doit pouvoir être réévaluée au niveau européen, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. C’est l’un de nos objectifs.
Il est même envisagé une clause de rétroactivité, c’est-à-dire que, si l’on s’aperçoit qu’un OGM qui a été autorisé pose problème, il sera possible de revenir en arrière.
Telle est notre stratégie actuelle et tel est le cadre de nos discussions au niveau européen, et j’espère que nous parviendrons à un accord sous présidence grecque.
Enfin, permettez-moi un mot sur le Haut Conseil des biotechnologies, que je souhaite réorganiser en rouvrant sa composition. J’entends bien m’appuyer sur cet organisme qui doit être une véritable instance de débat. D’ailleurs, en me rendant au comité économique, éthique et social, la semaine dernière, j’ai pu constater qu’il fonctionnait bien et que s’y tenaient des débats très intéressants.
Je suis donc preneur de toute suggestion qui permettrait de relancer véritablement le HCB et de lui donner toute sa place dans ces débats.
Pour conclure tout à fait, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous informe que le Conseil d’État a débouté l’AGPM de son référé, considérant qu’il n’y avait pas d’urgence suffisante. Cette information permet aussi d’éclairer notre débat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce texte, nous procédons à une mise en conformité avec ce qu’a toujours été la position du Gouvernement, position qui était également celle de l’UDI au moment du Grenelle de l’environnement, monsieur Lasserre.
Ce moratoire était urgent, ce qui explique que nous n’ayons pas attendu d’en discuter dans le cadre de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture. En effet, nous nous trouvions face à un vide juridique dont, d’ailleurs, certains agriculteurs ont profité pour semer.