… ainsi que les salariés des petites et très petites entreprises, qui n’ont pas accès à une épargne retraite collective, et les personnes aux revenus très modestes. Puisque cette mesure est appliquée en Allemagne, elle est envisageable dans notre pays. Il devrait en particulier être possible de convertir des contrats d’assurance vie dans leur continuité en contrats d’épargne retraite.
Au-delà des mesures d’urgence nécessaires pour rétablir l’équilibre financier des régimes de retraite, nous considérons, au sein de la MECSS, que des évolutions plus substantielles sont souhaitables, notamment parce que le déficit n’est pas le seul mal dont souffrent nos régimes de retraite, par ailleurs trop complexes, opaques et souvent inéquitables.
Certes, les réformes intervenues depuis 2003 ont organisé une convergence des principaux paramètres de calcul des pensions des régimes de base, mais certaines spécificités perdurent et la multiplicité des régimes de base et des régimes complémentaires demeure une source de complexité, en particulier pour les assurés ayant relevé de plusieurs régimes au cours de leur carrière professionnelle.
Il en résulte aussi l’inconvénient majeur de créer des situations inéquitables entre assurés. Plusieurs points nous semblent particulièrement révélateurs de cet état de fait.
Pour commencer, les bonifications permettant de partir plus tôt en retraite sont maintenues, sans que cet avantage soit nécessairement lié à une pénibilité réelle du travail.
Par ailleurs, les règles de calcul des pensions demeurent différentes suivant les régimes, en ce qui concerne notamment le salaire de référence pris en compte.
En outre, la répartition de l’effort contributif entre les assurés reste inégale et les taux de rendement demeurent différents selon les régimes.
Ensuite, les droits familiaux et conjugaux conservent une très grande hétérogénéité et il existe toujours une différence de traitement entre monopensionnés et polypensionnés.
Enfin, je citerai les inégalités constatées dans les mécanismes de compensation.
Dans ces conditions, nous pensons que des évolutions plus profondes du système doivent désormais être engagées. Face aux iniquités, à l’opacité et à la complexité, la réforme à venir doit, à notre sens, poser des jalons en vue d’un rapprochement des paramètres et des régimes de retraite.
Concernant les règles de calcul, ce rapprochement pourrait porter sur le salaire de référence pris en compte pour le calcul de la pension, les âges d’ouverture des droits ou les taux de cotisation.
Naturellement, on ne peut envisager que des évolutions progressives, puisque les régimes spéciaux ont été réformés voilà seulement deux ans.
Quant aux rapprochements entre les régimes, il s’agit non pas de créer un régime unique, mais bien d’opérer des regroupements qui peuvent avoir un sens.
La création d’une caisse unique pour l’ensemble des fonctionnaires – une mesure demandée depuis longtemps – mériterait par exemple d’être étudiée. Ces rapprochements pourraient être facilités par l’échange d’informations sur les modes de fonctionnement des régimes entre les gestionnaires respectifs de ces derniers. Il serait également important que les architectures des différents régimes soient harmonisées, ce qui permettrait une plus grande cohérence des gouvernances.
Enfin, et c’est important, nous souhaitons que le rendez-vous 2010 sur les retraites permette d’engager une refondation du système et de préparer une réforme structurelle, laquelle ne peut être conduite que sur une longue période, par exemple vingt ans.
La situation actuelle, caractérisée par la montée sourde de tensions intergénérationnelles, ne peut perdurer. C’est pourquoi nous proposons qu’un passage progressif à un système par points dans les régimes de base soit envisagé.
Les avantages attendus d’un régime par points sont en effet nombreux.
D’abord, toutes les cotisations versées au cours d’une carrière donnent des droits à pension et la pension versée est directement dépendante des cotisations cumulées.
Ensuite, les éléments de solidarité du système sont isolés et identifiables.
Enfin, un régime par points permet d’éviter de prendre des engagements qui ne peuvent être tenus : la valeur de service du point, contrôlée par les gestionnaires du régime – souvent les partenaires sociaux en France –, devient l’élément central de régulation tout en permettant un relèvement des cotisations. Celles-ci donnent alors de nouveaux droits à pension.
Un tel système est surtout particulièrement lisible pour les assurés, et donc susceptible de rassurer les jeunes générations, qui ne croient plus actuellement en notre modèle de retraite.
Le passage à un régime par points pourrait être accompagné de l’introduction de la neutralité actuarielle par génération, un élément essentiel du système de retraite suédois qui consiste à faire en sorte que chaque génération reçoive en pensions ce qu’elle a versé en cotisations. Le mécanisme est assorti d’un taux d’actualisation.
Ainsi, progressivement, ces évolutions permettraient d’instaurer une retraite choisie, puisque les salariés pourraient arbitrer de façon éclairée entre une durée d’activité plus longue ouvrant droit à une meilleure pension et une durée d’activité plus courte ouvrant droit à une pension plus faible. Une telle liberté de choix apparaît primordiale à nos yeux.
Nous avons volontairement rédigé cette proposition de manière imprécise, car une telle réforme ne peut qu’être le fruit d’un processus de débat bien plus large que la concertation organisée dans le cadre des rendez-vous périodiques sur les retraites. En Suède, le processus de refondation du système des retraites s’est étalé sur une quinzaine d’années.
Le projet de loi que nous examinerons à l’automne pourrait donc également devenir l’occasion de poser le principe de cette réforme et d’engager un grand débat dans le temps.
Ce débat pourrait permettre d’aborder globalement les conséquences du vieillissement de la population par le biais de sujets tels que les retraites, la maladie, la dépendance et le logement. On le sait, bien que les besoins soient en la matière considérables, les moyens financiers ne sont pas extensibles à l’infini. Il faudra donc faire des choix et fixer des priorités.
Pour conclure, permettez-moi de souhaiter que le rendez-vous de 2010, loin d’être uniquement financier et comptable, soit aussi l’occasion d’engager une véritable refondation du pacte intergénérationnel qui a autrefois présidé à la création de l’assurance vieillesse.