D’une manière plus globale, nous réaffirmons qu’une seule piste, une seule solution doit être envisagée pour assurer le financement pérenne de nos régimes de retraite et de la protection sociale dans son ensemble : favoriser l’emploi, singulièrement l’emploi de qualité, autrement dit l’emploi qualifié.
La crise économique et financière, qui résulte de la financiarisation outrancière de l’économie et qui a provoqué la destruction de 680 000 emplois depuis la fin de l’année 2008, n’est pas sans conséquences sur la situation actuelle.
Ainsi, les économistes estiment l’impact financier de la crise sur les régimes de retraite à environ 10 milliards d’euros, soit la moitié du déficit actuel.
C’est pourquoi nous considérons qu’il est urgent d’élaborer une vraie politique de l’emploi, tant, certes, pour les salariés âgés de 50 ans et plus que, à l’autre bout de la chaîne, pour les jeunes qui peinent à trouver leur premier emploi et à le garder. Cela suppose l’instauration de règles fiscales et sociales qui favorisent les entreprises dans lesquelles la part de richesse consacrée à l’emploi et aux salaires est importante et qui, au contraire, sanctionneraient celles qui consacrent une part considérable de leur valeur ajoutée aux actionnaires et à la spéculation.
Mais, visiblement, ni la majorité parlementaire ni le Gouvernement ne sont prêts à faire un tel choix !
Dans ce contexte, il n’y a rien d’étonnant, comme le souligne le rapport de la MECSS, à ce que nos concitoyens, particulièrement les plus jeunes d’entre eux, ne croient plus en la retraite par répartition et estiment que le système actuel est à bout de souffle. Il faut dire que tout est fait pour le présenter comme tel, à commencer par les recommandations des deux coauteurs du dernier rapport de la MECSS : annonce de l’augmentation des périodes de cotisation et du report de l’âge légal de départ à la retraite après 60 ans.
Cette observation a conduit nos deux collègues à préconiser un renversement complet du système et à proposer l’émergence d’un système dit de « retraite par points ».
La mise en place d’un tel régime constituerait un véritable renoncement à la solidarité entre les générations. En effet, dans un tel scénario, l’assuré accumule des points qu’il achète avec ses cotisations, en fonction d’une valeur d’achat ; le montant de sa pension se calcule en multipliant le nombre de points cumulés par la valeur du point. C’est la règle du chacun pour soi qui l’emporte. Les périodes de chômage, de précarité ou de maternité ne sont pas prises en compte.
Les régimes de retraites complémentaires français sont précisément assis sur un système de points. Or, année après année, on constate un double mouvement : augmentation du prix du point et diminution du rendement de ce dernier. Autrement dit, on achète toujours plus cher des points dont la valeur est, chaque année, inférieure à celle de l’année précédente !
Mais, au-delà même d’un changement en matière d’acquisition des droits, les modèles de retraites dits « à cotisations définies », parce qu’ils entraînent une plus grande individualisation des comportements, accroîtront inévitablement la part de capitalisation.
Ce mouvement a déjà commencé en France avec la généralisation des mécanismes d’épargne retraite qui, contrairement à la retraite telle qu’on la connaît aujourd’hui, sont individualisés et sont précisément à cotisations définies. Les retraites que se constituent par le biais de ces mécanismes nos concitoyens dépendent donc non seulement de leur propre capacité à épargner, mais aussi des choix de placements qu’ils ont réalisés conjointement avec leurs banques. Les salariés deviennent peu à peu eux-mêmes responsables de la faiblesse de leur niveau de pension.
Il existe bien une théorie selon laquelle il faudrait lever tous les obstacles à la retraite en permettant l’instauration d’une retraite à la carte – une limite d’âge ne serait plus fixée et le salarié serait le seul à décider de la date de son départ –, mais c’est une véritable chimère, car, très majoritairement, les salariés ne sont pas décisionnaires en matière d’emploi. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les statistiques : le taux d’emploi des salariés âgés de 55 ans à 64 ans n’est que de 50 %.
Par ailleurs, il nous faudrait également mesurer l’importance du nombre de salariés usés par le travail qui, en l’absence d’une véritable reconnaissance de la pénibilité de leur emploi, seraient contraints de partir à la retraite de manière anticipée, subissant alors une décote d’autant plus injuste que leur état de santé est précisément la résultante d’une activité professionnelle lourde de conséquences.
Faute de temps, je ne peux détailler les analyses et les propositions que nous avons formulées via notre contribution au rapport de la MECSS. Je vous renvoie donc à la lecture de ce document, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, certain que vous y trouverez les éléments vous permettant de proposer, enfin, une réforme des retraites juste et équitable.