Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 16 juin 2010 à 14h30
Débat sur les retraites

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

Ma deuxième remarque préliminaire, plus historique, mais nécessaire à la compréhension du débat, a trait à l’équivoque relative à l’expression : « régime par répartition ». M. Jean-Marie Vanlerenberghe soulignait à l’instant la nécessité de sauver le régime par répartition. En réalité, nous ne sommes pas dans un régime par répartition, mais dans un régime d’ambiguïté !

Alfred Sauvy définissait le régime par répartition comme un régime nécessairement équilibré, puisque les actifs payent pour les retraités et, s’il y a moins d’actifs, les recettes diminuent.

Or nous sommes aujourd’hui face à un système de solidarité intergénérationnelle, mais également de droits acquis. Là réside sans doute la complexité que vous avez à gérer à cet instant, monsieur le ministre.

Dernière remarque préliminaire, il existe une prise de conscience.

Naturellement, la décision de 1982 a pesé et pèse encore lourdement sur l’économie française. La majorité à laquelle j’appartiens a eu la responsabilité, voire le courage, en 1993, en 2003 et en 2007, de s’efforcer d’apporter des réponses partielles, mais utiles, qui ont sans doute permis de prolonger, en effet, le système par répartition.

Chers collègues de gauche, si vous avez institué le fonds de réserve pour les retraites et le conseil d’orientation des retraites, c’est que vous aviez bien conscience du problème. Mais vous n’êtes pas allés jusqu’au bout de votre démarche, ce que je regrette. Aujourd’hui, l’effort est plus important.

Monsieur le ministre, je tiens à vous faire part, au nom du groupe UMP, de deux convictions.

Tout d’abord, vous avez raison de fixer un horizon maîtrisable, 2018, pour rétablir l’équilibre de trésorerie, qui est une nécessité absolue.

Ensuite, la porte ouverte aujourd’hui débouchera nécessairement sur un chantier de long terme, de longue haleine, et permettra une réflexion plus profonde encore sur la « réforme systémique », pour reprendre vos propos, de nos régimes de retraite.

Encore fallait-il franchir le premier obstacle, qui était d’apporter au préalable une réponse, tout simplement en termes de trésorerie. Tous ceux qui, dans cet hémicycle, ont été amenés à gérer une entreprise savent que l’attention se porte d’abord sur la trésorerie, ensuite sur le bénéfice et, enfin, sur l’expansion.

En l’occurrence, nous sommes dans cette logique-là : il s’agit d’apporter une réponse en termes de trésorerie.

Vous le faites, monsieur le ministre, à partir de trois propositions, qui sont contenues dans les réflexions de la MECSS.

La première vise à définir le point équilibre entre les mesures démographiques et celles concernant les cotisations et les prélèvements.

On peut imaginer que vous fixez ce point d’équilibre à 70 % pour les mesures démographiques et à 30 % pour les mesures de prélèvements. On pourra discuter de ce ratio en septembre prochain. En tout état de cause, c’est celui qui m’apparaît à cet instant. Il représente le minimum que l’on puisse attendre des mesures démographiques.

En effet, ces dernières présentent l’immense avantage de mobiliser les capacités de travail qui existent dans notre pays et qui, après l’abaissement de l’âge de départ à la retraite à 60 ans et la réforme des 35 heures, ont été considérablement diminuées, affaiblissant ainsi notre compétitivité.

C’est la raison pour laquelle l’équilibre pour lequel vous optez me semble bon, non pas exceptionnel, mais réaliste.

Il repose sur une participation forte de la fonction publique. Vous avez raison de l’étaler dans le temps, car elle est significative. En effet, il s’agit de combler un écart de 25 % entre les efforts de cotisations des salariés et ceux des fonctionnaires.

La participation du secteur privé est importante. À cet égard, au nom de la commission des finances, suivant la commission des affaires sociales, je tiens à vous remercier d’accepter aujourd’hui ce que vous refusiez hier, c'est-à-dire l’annualité de la prise en compte des revenus salariaux pour l’exonération à hauteur de 1, 6 SMIC. C’est une bonne chose.

Toutes ces mesures sont, de notre point de vue, parfaitement légitimes et fondées.

Deuxième proposition, s’agissant du débat autour de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ou à 63 ans, la réponse que vous apportez me semble lucide et de bon sens. J’avais la tentation, comme Dominique Leclerc me semble-t-il, de fixer cet âge à 63 ans.

Mais en fixant l’échéance de 2018, qui est une échéance politique proche – c’est une génération que nous pouvons maîtriser, à laquelle nous participerons et dont nous avons la responsabilité –, avec des marches un peu plus hautes pour pouvoir grimper plus rapidement vous retenez une option qui devrait être comprise et acceptée par nos compatriotes.

Dans cet effort de trésorerie qui était le préalable absolu, la troisième proposition concerne la convergence entre la fonction publique et le secteur privé, à laquelle vous souhaitez procéder avec mesure.

Je ferai un rappel historique. Pourquoi les retraites de la fonction publique sont-elles différentes de celles du régime général ? C’est parce que l’État, qui a, depuis des temps immémoriaux, le bénéfice de la pérennité, a offert à ses salariés, bien avant l’apparition des régimes particuliers, puis du régime général, un régime de retraite.

Vous nous proposez aujourd’hui de cheminer vers une convergence à un rythme qui paraît raisonnable. Loin du débat théologique entourant les six mois ou les vingt-cinq années prises en compte dans le calcul de la retraite, qui auraient requis au préalable une remise en ordre des salaires de la fonction publique, vous avez choisi l’option « trésorerie ».

Son effet est plus immédiat et n’exige pas de réorganisation préalable des salaires de la fonction publique, notamment en ce qui concerne le système des primes. C’est là un mystère de la fonction publique, impénétrable dans certaines administrations !

Vous avez fait le choix du bon sens, et nous vous soutenons sur ce point.

Mais ce n’est qu’une partie du chemin à parcourir.

Si ces mesures sont pertinentes pour apaiser, pour les dix années à venir, l’inquiétude résultant des déficits accumulés, elles n’interdisent en rien de mener une réflexion sur le changement systémique. Le chantier que vous ouvrez nous permet d’en débattre.

Il convient de sauvegarder le régime par répartition en faisant en sorte qu’il conserve réellement cette nature et qu’il ne soit pas confondu, curieusement, avec un système de droits acquis qui méconnaîtrait les réalités économiques actuelles. C’est pourquoi tous les efforts proposés dans votre plan concernant l’information des travailleurs et des salariés, point évoqué par la MECSS, constituent un devoir absolu.

Nous pensons, comme vous, que la retraite à la carte serait sinon une tarte à la crème, en tout cas une fausse solution, ambiguë et équivoque, comportant trop de malentendus pour ceux qui choisiraient cette option à titre personnel.

Nous avons un devoir absolu d’information envers le salarié, au moment où il entre dans la vie active comme au cours de sa carrière.

Nous ne pouvons pas, en tout état de cause, refuser de prendre une mesure collective courageuse sous prétexte que chacun pourrait prendre sa part de responsabilité selon ses vœux.

Nous assisterions alors inéluctablement à un transfert du régime des retraites vers le fonds de solidarité vieillesse et in fine vers les budgets des départements, qui prennent en charge, sous diverses formes d’intervention, les personnes âgées.

C’est la raison pour laquelle il est courageux, mais également civique et responsable, d’informer les salariés et de récuser l’idée selon laquelle chacun déciderait de sa retraite en fonction de son humeur pour finalement se rendre compte, après avoir mis fin à son activité, qu’il s’est malheureusement trompé et qu’il est préférable de s’en remettre à la solidarité nationale ! S’il avait été mieux informé, il aurait dès le début souhaité apporter son écho au système collectif.

Pour conclure, permettez-moi de vous présenter quatre pistes de travail.

La première, que je ne développerai pas, consiste à suivre avec attention le dossier des polypensionnés. Nous nous acheminons vers un allongement et une diversification des carrières. En effet, nombre de nos compatriotes n’imaginent plus exercer la même activité tout au long de leur vie. Le fonctionnement du régime des polypensionnés est défectueux et devrait être amélioré afin de mieux répondre au besoin de diversité exprimé par nos compatriotes.

La deuxième piste, évoquée par la MECSS, est la retraite par points. Celle-ci ne correspond pas au système caricatural présenté en trente secondes par notre collègue Guy Fischer ! Il s’agit, par le biais du compte notionnel, de contribuer à la vérité d’un système de répartition qui, à chaque instant, dit à la collectivité ce que vaut l’effort d’aujourd'hui, compte tenu de la capacité de production de richesses d’une société à un moment donné et du poids des retraités.

Les systèmes par points et la réflexion notionnelle, qui ont, d’une certaine façon, été choisis par l’Allemagne et la Suède, exigent un très long travail préparatoire de compréhension, d’explication et d’appropriation par les intéressés.

C’est la raison pour laquelle nous ne vous demandons pas d’aller vers un tel système dès à présent, monsieur le ministre.

Nous souhaitons simplement qu’une piste soit ouverte, afin que les prochains rendez-vous puissent être éclairés par une expérience qui nous est pour l’instant étrangère.

Les deux dernières pistes de réflexion sont les suivantes :

La première serait d’adosser le Fonds de réserve pour les retraites, le FRR, au formidable patrimoine d’infrastructures et de droits sur celles-ci dont dispose l’État. Je pense aux infrastructures routières, aux autorisations de réseaux, ou encore aux autorisations de l’espace hertzien. Ce sont autant de richesses patrimoniales intangibles, qui dégagent des bénéfices et qui peuvent servir à alléger une dette publique mise au service d’une cause juste, celle du fonctionnement de notre régime de retraite par répartition.

Enfin, la dernière piste serait d’avoir une vision globale du patrimoine individuel de nos compatriotes, et des incitations fiscales qui existent à ce jour. Je veux toutefois rassurer l’ancien ministre du budget que vous êtes, monsieur Woerth : l’UMP ne demande pas au Gouvernement de créer de nouvelles niches fiscales ! Elle souhaite simplement que les niches existantes soient mises en concurrence et évaluées au regard de leur productivité, c’est-à-dire de leur capacité à aider chacun nos compatriotes à se constituer un patrimoine individuel lui permettant d’être le plus autonome possible lorsque, une fois l’âge venu, il ne sera plus en mesure de travailler.

C’est pourquoi nous vous aiderons dans cet effort, monsieur le ministre, afin de mettre durablement sur pied un système qui équilibre la solidarité et la responsabilité individuelle.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion