De surcroît, par le mécanisme du report du départ à 60 ans, on contraindra des milliers de salariés modestes à une durée d’assurance tout à fait excessive. Pensons, par exemple, à ceux appartenant à la génération née en 1956 : certains d’entre eux devront patienter quarante-quatre ans pour pouvoir liquider leurs droits, même s’ils disposent de suffisamment de trimestres !
En matière de prise en compte de la pénibilité, les propositions du Gouvernement sont nettement insuffisantes : le maintien du départ à 60 ans en cas d’usure professionnelle concernera à peine plus de l % des salariés, selon les projections dévoilées par M. le ministre.
Concernant la clé de voûte de toute réforme, à savoir l’emploi des seniors, il faut bien dire que nous restons sur notre faim. Sur ce terrain, au-delà de nos oppositions, nous attendions un sursaut national afin que notre pays ne « rate » pas le tournant de civilisation qu’est la transformation de sa pyramide des âges. Nous attendions des mesures fortes, par exemple faciliter le temps partiel en fin de carrière, créer des contrats aidés durables pour les seniors, mettre en place un puissant système de bonus-malus sur les cotisations de retraite des employeurs en fonction de leur comportement à l’égard des seniors. Pour tout cela, il fallait une volonté politique forte ; pour l’instant, elle n’y est pas.
On ne la trouve d’ailleurs pas davantage sur le terrain des recettes, où les quelques gadgets annoncés ne couvriront même pas 10 % des besoins financiers : 3, 7 milliards d’euros, alors que la MECSS en proposait le triple !
Les pistes étaient pourtant multiples. Je citerai la révision de certaines exonérations générales de cotisations, qui ne sont pas toujours efficaces, ou encore la taxation, actuellement très faible, de certaines niches sociales, comme l’assujettissement des stock-options aux cotisations sociales. Sur ce point, je rappelle que, en 2007, Philippe Séguin avait présenté un rapport de la Cour des comptes dans lequel le produit d’une telle imposition était évalué à 3 milliards d’euros, chiffre très proche de celui que vous nous présentez aujourd’hui en matière de taxation. Je mentionnerai également la fiscalité du patrimoine, qui est plus faible que celle du travail.
Enfin, que dire du sort qui attend le fonds de réserve des retraites, dont on s’apprête à adosser les actifs à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, pour payer les déficits d’aujourd’hui, alors qu’il aurait fallu le sanctuariser dans la perspective critique de 2020 ?
Manifestement, les conditions sur lesquelles nous appelions à l’élaboration d’un nouveau pacte social ne sont pas réunies ! Le Gouvernement a choisi la voie du clivage plutôt que celle de la recherche d’une solution partagée.
Pourtant, une réforme transpartisane eût été souhaitable, car l’horizon de la réforme, monsieur le secrétaire d’État, n’est pas celui des partis politiques ni des échéances électorales : c’est celui de plusieurs générations. D’ici à 2050, bien des gouvernements, de droite et de gauche, seront appelés à se succéder. C’est précisément pour cela que nous demandions à ce que l’opposition fût entendue.
Telle ne semble pas être la solution retenue. Le Gouvernement paraît, cette fois encore, résolu à faire de l’injustice sociale sa marque de fabrique politique.