Intervention de Benoît Hamon

Mission commune d'information sur les rythmes scolaires — Réunion du 30 avril 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Benoît Hamon ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche

Benoît Hamon, ministre :

Je vous remercie de la qualité de cet échange, qui est conforme à ce qui me revient de toutes parts. On voit bien qu'il existe un consensus sur le diagnostic et que nous recherchons tous des solutions, à ceci près qu'on trouve autour de nous une grande variété de communes ; les expériences, les tailles, les moyens ne sont pas les mêmes et -chose nouvelle- on invite tous les élus à faire des propositions en matière d'organisation du temps scolaire, validées par les DASEN et les rectorats.

Je trouve que l'on fait un mauvais procès à Vincent Peillon en affirmant qu'il n'a pas suffisamment discuté, lui qui est à l'origine du dialogue qui a lieu partout par le biais des recteurs et des DASEN. Cet échange me semble fécond...

S'agissant de l'allégement du temps hebdomadaire et du raccourcissement des vacances scolaires, je crois qu'il faut objectivement respecter des rythmes entre les coupures qui ont lieu tout au long de l'année, en dehors des vacances d'été. Ces coupures doivent être suffisamment longues pour permettre aux enfants une véritable récupération, les vacances de Noël, d'hiver, de printemps et de Toussaint ayant un impact sur les capacités d'apprentissage des enfants. Dès lors, on pense donc tout naturellement aux vacances d'été. Les professionnels du tourisme ont d'ailleurs réagi extrêmement rapidement, voyant là une remise en cause de leur activité. Je propose, si je puis être entendu, que l'on s'épargne les discours apocalyptiques : une semaine de vacances en moins dans trois communes d'un département ou d'une région ne va pas entraîner des cohortes de licenciements dans les campings, les hôtels, les restaurants, et les activités de loisirs ! Je respecte toutes les professions, mais je souhaiterais que l'on ne véhicule pas ce type de message inutile, dans une période où l'on a besoin de trouver tous ensemble des solutions, ainsi que cela a été rappelé dans différentes interventions...

Une proposition d'organisation de la semaine de cours portant sur moins de 24 heures, émanant conjointement de plusieurs communes, fera l'objet d'une saisine du conseil général pour consultation, puis d'une décision du recteur ; dans le cas d'une seule commune, la décision se fera sur la base de la proposition du maire. J'ai déjà des propositions de maires de villes importantes qui n'étaient pas passées aux nouveaux rythmes. Je ne puis citer leurs noms, ceci pouvant en gêner certains. Ces propositions seront évaluées par les recteurs et, je le pense, autorisées dans la mesure où elles préservent l'intérêt de l'enfant.

Je me réjouis, quel que soit l'avis des chronobiologistes ou des psychologues, qu'il y ait accord sur les cinq matinées, sujet que plus personne ne remet en cause.

Contrairement à ce que j'ai dit tout à l'heure, le texte ne prévoit pas forcément cinq matinées successives : ce peut être également le samedi matin, l'optimum étant de respecter les heures de lever, mais aussi d'éviter que les temps de rupture de la semaine ne soient trop importants, pour les élèves, comme pour les professeurs. Plus la rupture est grande, plus le temps nécessaire pour redémarrer peut en effet apparaître long, la désynchronisation pouvant nuire à la concentration nécessaire à l'apprentissage.

Nous essayons de réaliser une réforme dans l'intérêt de l'enfant et, dès lors qu'elle comporte cinq matinées, de la rendre compatible avec les réalités du terrain, par rapport aux demandes des élus, des professeurs, des parents, et aux besoins des enfants. Dans les zones de montagne, par exemple, certains mercredis peuvent parfois être libérés pour que les enfants s'adonnent au ski. Ceci suppose d'organiser le temps différemment. C'est là le travail d'aménagement des élus que vous êtes, une fois les principes de la réforme posés, et dès lors qu'ils ne sont pas remis en cause.

Les parents, les professeurs, les enfants, ne sont pas que des concepts. Il m'appartient de discuter avec des êtres de chair et de sang, qui ont des convictions, des revendications, des demandes, des mécontentements, des aspirations, des espoirs et des enthousiasmes. On doit arbitrer entre tout cela. Nous avons recherché l'intérêt général à travers les cinq matinées, que ce soit le mercredi matin ou le samedi matin, et à travers une organisation du temps scolaire qui, aux termes du décret Peillon, prévoit neuf demi-journées. Le décret complémentaire, qui permet de nouvelles expérimentations, rendra possible de dégager un après-midi qui pourrait être le vendredi. Personnellement, je ne souhaite pas qu'il s'agisse principalement du vendredi après-midi -même si je vois bien en quoi cela peut faciliter les déblocages de certaines situations...

Notre travail se fonde aussi sur les travaux de l'académie de médecine, de l'académie de pharmacie, et de quelques sommités qui préconisent ce qui a été introduit dans le premier décret, et qui le complète aujourd'hui. Comme dans toute famille, il existe des sensibilités, et il en existe toujours une qui est plus ou moins d'accord avec ce que nous faisons...

S'agissant des TAP et des centres de loisirs, peut-on organiser des activités périscolaires sur un après-midi libéré ? La réponse est oui.

Peut-on revenir sur une organisation du temps scolaire qui a déjà été arrêtée ? Mon voeu serait qu'on ne reprenne pas toutes les copies, afin d'aider ceux qui n'ont pas encore validé leur organisation à le faire. Certains vont bien entendu me suggérer un moratoire, mais je ne crois pas que ce soit la bonne solution.

Refuser d'ouvrir une école le mercredi matin ou le samedi matin ne serait guère responsable ! En outre, la décision d'organiser le temps scolaire relève de l'État. C'est le cas de toutes les dispositions légales, ainsi que ceci figure dans le préambule de la Constitution de 1946. Je suis sûr que le cas ne se présentera pas. Nous travaillons en ce sens pour répondre aux problèmes lorsqu'ils existent. Je ne puis que respecter le voeu d'un conseil municipal, mais il s'agit pour moi d'une invitation à discuter, non d'un encouragement destiné à voir tous les conseils municipaux refuser la réforme.

J'ai moi-même appelé Jean-Claude Gaudin avant que le voeu de la ville de Marseille ne soit émis. Nous sommes convenus de travailler ensemble. Le recteur de l'académie de Marseille, M. Ali Saïb, est à son entière disposition pour lever les difficultés qui peuvent exister.

Ceci m'amène à évoquer la question de la pérennité du fonds d'amorçage, demande émanant, entre autres, du maire de Marseille. Il existait plusieurs hypothèses. La première consiste à ne proposer un fonds d'amorçage incitatif que la première année, seules les aides de la CAF, dont les financements périscolaires sont pérennes, demeurant en 2014.

Nous avons au contraire fait le choix politique de proposer que le fonds concerne l'année de généralisation de la réforme. Cet arbitrage, obtenu par Vincent Peillon, ne coulait pas de source eu égard au contexte budgétaire. Je m'empresse de dire que ceci est logique, dès lors que la priorité du Gouvernement, réaffirmée par le Président de la République, repose sur la jeunesse, l'école et la refondation de celle-ci.

Peut-on prolonger ce fonds ? Il existe plusieurs scénarii, qui seront appréciés, mais qu'il ne m'appartient pas de trancher aujourd'hui : une extinction en sifflet, pas de reconduction -les moyens étant actuellement très contraints- une reconduction intégrale, qui me paraît compliquée à mettre en oeuvre et à programmer... La demande de reconduction est portée par l'Association des maires de France (AMF). Nous avons déjà pris un engagement fort pour cette année. Il me semble être de nature, dans beaucoup de communes, à faciliter la mise en oeuvre d'une réforme paisible des rythmes scolaires. On sait qu'il est toujours difficile de changer les choses à l'école, car nous sommes tous concernés.

S'agissant des regroupements pédagogiques intercommunaux, j'ai cherché les moyens de les mutualiser. Comment arriver à des solutions adaptées ? Je crois que c'est possible grâce au décret. Cela étant, nous ferons preuve de discernement. C'est ce que j'ai demandé aux recteurs, qui sont tout à fait disponibles. La situation de Laxou est intéressante et mérite discussion. Si, au terme de l'évaluation, des expérimentations s'avèrent totalement contraires à l'objectif recherché, elles seront remises en cause, mais le but est de permettre leur prolongation, dès lors qu'elles répondent aux intérêts des enfants. Je ferai transmettre à la mission commune d'information le texte du projet de circulaire après le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) de la semaine prochaine...

M. Legendre a évoqué les critiques d'une chronobiologiste...

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