Intervention de Jacques Sallois

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 7 mai 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Jacques Sallois président de la commission de récolement des dépôts d'oeuvres d'art

Jacques Sallois, président de la commission de récolement des dépôts d'oeuvres d'art (CRDOA) :

Cette commission scientifique, attendue de longue date, s'articule étroitement avec la CRDOA puisqu'elles ont le même président et que leur secrétariat est commun. Cependant, leurs démarches sont différentes : la CRDOA est un service administratif, chargé de coordonner le récolement, tandis que la commission scientifique a une vocation plus doctrinale et de conseil, elle donne son avis sur les déclassements d'oeuvres qui, en principe, sont propriété inaliénable de l'État. Dans la pratique, bien des oeuvres ont été déclassées : c'est le cas par exemple lorsque la Manufacture de Sèvres récupère des pièces utilisées dans les années 1930 pour l'enseignement de la céramique dans les écoles techniques ; ces pièces ne sont pas toutes jugées dignes d'être conservées - David Caméo a créé une commission interne pour en délibérer. Celles qui ne le sont pas peuvent alors être cassées, pour y récupérer de l'or par exemple, ou vendues, tandis que les pièces à conserver le seront de façon plus satisfaisante. La commission scientifique a précisément pour rôle d'élaborer une doctrine en la matière, c'est bien différent que le récolement proprement dit.

Faut-il des incitations au récolement ? Je ne voudrais pas que mon propos noircisse le tableau, car je ne suis pas pessimiste : il me paraît bien normal qu'après deux siècles de dépôts peu ordonnés, le récolement prenne du temps. Les choses changent : aujourd'hui, les institutions travaillent au récolement, c'est un progrès certain, et j'en rends hommage à Jean-Pierre Bady, qui a su obtenir une vingtaine de postes d'agents pour le récolement. Les résultats, du reste, ne sont pas à attendre seulement de ces agents : c'est parce que les conservateurs, les directeurs de musées et les responsables d'établissements administratifs s'impliqueront, que le récolement avancera et avec lui, une véritable politique de dépôts d'oeuvres d'art. Lorsque j'étais directeur des musées de France, on parlait d'abord d'acquisition, un musée devait acheter pour exister, et se protéger aussi : après des vols, j'avais obtenu des renforts de moyens policiers. Mais un musée doit aussi faire de la conservation préventive, de la restauration, et tout cela suppose de véritables inventaires, ce qui est très loin d'être encore le cas. Quelles incitations effectuer dans ces conditions ? Les avancées, me semble-t-il, relèvent de la discussion avec les établissements, en particulier dans le débat budgétaire : il faut montrer que la réalisation d'un inventaire rigoureux et suivi est devenue une nécessité.

Les biens mobiliers circulent effectivement et nous ne disposons pas, pour ces biens, de l'inventaire que l'État tient de ses biens immobiliers depuis fort longtemps. C'est devenu urgent : nous avons besoin d'un inventaire informatisé du patrimoine mobilier de l'État, abondé par toutes les administrations et suivi dans le temps, plutôt que de dépendre de la volonté et de la méthode de tel ou tel directeur d'administration. Nous y travaillons, des équipes se mettent en place dans les administrations, il faut relever ce défi.

La référence au contentieux avec la ville de Pézenas réveille pour moi une douleur, car dans cette affaire, la Chambre régionale des comptes (contre l'avis de la CRDOA) s'est appuyée sur le seul code civil sans prendre en compte le droit des collections.

La part des oeuvres non vues est effectivement très élevée à l'éducation nationale, mais c'est aussi que de nombreux dépôts ont été réalisés par les écoles des Beaux-arts, qui ont longtemps relevé de ce ministère et qui relèvent désormais de la rue de Valois : cet entremêlement de nos institutions ajoute à la complexité du récolement.

Comment concilier dépôt et circulation des oeuvres d'art ? En fait, la circulation relève du prêt d'oeuvres, pour des durées de moins d'un an, alors que le dépôt s'inscrit dans une durée plus longue. La politique de dépôts d'oeuvres d'art est née de l'idée qu'une collection nationale appartenait à la communauté nationale et qu'il fallait la répartir sur l'ensemble du territoire national. Longtemps, les musées locaux étaient conçus, pour aller vite, comme de petites répliques du Louvre. Aujourd'hui, chaque musée mène sa propre politique, forge son identité, sa personnalité : les dépôts ne relèvent plus d'une logique de répartition territoriale, mais bien d'un ensemble de projets issus des territoires. Au cours des dernières décennies, nous avons fait beaucoup pour les acquisitions et la rénovation, je crois qu'il faut faire un effort sur les dépôts.

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