Incontestablement, nous connaissons tous la réalité : deux régimes différents coexistent et il faut éviter de montrer systématiquement du doigt l’un d’eux, le plus souvent en l’occurrence, celui de la fonction publique. Pour ma part, j’ai été rapporteur spécial du budget de la fonction publique à l'Assemblée nationale pendant une petite dizaine d’années, et je ne suis jamais rentré dans un tel jeu ! Sans vouloir paraître immodeste, je vous propose, en cas de doute, de vous référer directement à mes différents rapports ; vous pourrez ainsi constater que je n’ai jamais tenu de propos de cette nature.
Au demeurant, plusieurs d’entre vous l’ont souligné, tout le monde est convaincu que nous devons aller vers un minimum de convergence. Dans ce projet, sans donner le sentiment de faire de la caricature, nous allons précisément vers un système de convergence sur trois ou quatre points bien ciblés. À cet égard, je donnerai un exemple très concret.
Plusieurs parlementaires de la majorité, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, nous ont demandé pourquoi nous n’avions pas souhaité avoir une convergence plus directe pour ce qui concerne la base de calcul de la retraite, à savoir les vingt-cinq meilleures années dans le secteur privé et les six derniers mois dans le secteur public.
En réalité, le constat est de deux natures.
D’une part, on voit bien que les salaires moyens sont à peu près équivalents dans le régime de la fonction publique et dans celui du secteur privé et, toutes choses étant égales par ailleurs, les pensions de retraite moyennes sont également à peu près équivalentes. Deux modes de calcul radicalement différents aboutissent donc en quelque sorte à des pensions de retraite qui ne sont pas fondamentalement différentes.
C’est l’une des raisons pour lesquelles il ne me semble pas opportun de donner le sentiment que l’un des deux régimes est privilégié, je l’ai d’ailleurs répété la semaine dernière à l'Assemblée nationale lors de la séance des questions au Gouvernement.
D’autre part, ainsi que vous l’avez mentionné, monsieur Fischer, nous ne parlons pas de la même assiette.
Le système des primes, c’est évident, constitue un véritable sujet. Je me permets d’ailleurs de dire que nous devrons arriver à y voir un peu plus clair dans le domaine des régimes indemnitaires. Rien que pour la fonction publique d’État, il existe, mesdames, messieurs les sénateurs, 1 800 primes différentes ! Dans ces conditions, vous le mesurez bien, l’exercice est extrêmement difficile d’un point de vue technique.
Telle est toutefois la tâche à laquelle nous nous attelons. À l’occasion du débat que nous avons eu ici même, voilà quelques jours, sur le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, j’ai eu l’occasion de présenter un amendement du Gouvernement qui visait à généraliser le principe de la prime de fonction et de résultat. Au-delà des caricatures – j’ai d’ailleurs été heureux de constater qu’il n’y en avait pas ! –, il s’agit d’un véritable système d’homogénéisation du dispositif des primes. En harmonisant les primes des fonctions publiques d’État, hospitalière et territoriale, nous allons enfin commencer à mieux apprécier les différentes situations. Par ailleurs, un dispositif de mobilité, qui n’existe pas aujourd’hui, pourra ainsi être instauré, ce qui va dans la bonne direction.
Cette prime s’articulera selon un pyramidage comportant trois étages.
Le premier est directement lié au grade, c'est-à-dire à l’accès à la carrière par voie de concours. Cette mesure, parfaitement justifiée par le choix opéré par le fonctionnaire, est très claire et précise.
Le deuxième est associé directement aux sujétions du service. On peut également y adosser, de façon collective au sein d’un service, et à parts égales, qu’il s’agisse d’un responsable ou d’un agent d’exécution, toute la politique de l’intéressement dans la fonction publique.
Le troisième représente la part individuelle, liée aux objectifs fixés à l’agent et qu’il doit atteindre.
Je le répète, ce système va dans la bonne direction. Il permettra en effet de mieux appréhender le régime indemnitaire, qui est aujourd’hui extrêmement compliqué.
Cet exemple témoigne de la philosophie qui anime le Gouvernement à cet égard. Il ne s’agit en aucun cas de critiquer a priori les systèmes qui prévalent dans la fonction publique.
En revanche, pour reprendre les propos tenus par Éric Woerth tout à l’heure, nous avons estimé qu’il était logique de prévoir des avancées sur trois points qui concernent des différences n’ayant objectivement aucune raison d’être.
Le premier concerne bien évidemment le taux de cotisation des salariés de la fonction publique, que nous portons de 7, 85 % à 10, 55 %, pour des raisons d’ailleurs très simples. En effet, alors que la retraite des salariés du public et du privé est à peu près équivalente, je l’ai dit tout à l’heure, il existe un véritable différentiel concernant son coût d’acquisition.
Nous avons décidé que cette évolution serait très progressive, puisqu’elle s’étalera sur une dizaine d’années. Les cotisations seront augmentées de 0, 27 % environ par an. Cela correspond à une hausse moyenne mensuelle de 6 euros sur les dix prochaines années. Pour la catégorie C, l’augmentation mensuelle sera de 4 euros, pour la catégorie B, de 5 euros et pour la catégorie A, de 7 euros.
Alors que ce dispositif permettra d’abonder les finances publiques d’une somme non négligeable, il reste cependant très mesuré.
Nous avons également souhaité mettre en exergue le taux de cotisation de l’État, lequel atteint aujourd’hui 62 %. N’oublions pas ce chiffre, mesdames, messieurs les sénateurs ! Il indique clairement que l’alignement du taux de cotisation des salariés à hauteur de 10, 55 % se justifie d’un point de vue non seulement politique, mais aussi économique.
Deuxième point, le dispositif s’adressant aux parents de trois enfants ayant effectué quinze ans de service et pouvant justifier d’une période de deux mois d’interruption de leur activité professionnelle sera progressivement abandonné. En réalité, il soulevait nombre de problèmes, étant notamment considéré, et ce à juste titre, comme un dispositif de préretraite. Nous avons décidé, comme le préconisait d’ailleurs le COR, de l’interrompre à partir de 2012. Il semble que personne n’ait contesté cette décision.
Troisième mesure, nous avons décidé d’harmoniser les règles du minimum garanti et du minimum contributif. Comme la MECSS l’a très justement fait remarquer, cette harmonisation ne concerne pas les montants, qui enregistrent un écart d’environ 200 euros. Nous sommes donc fidèles à l’engagement du Président de la République de ne pas diminuer les retraites.
En revanche, il nous a paru tout à fait évident que les conditions pour obtenir ce minimum garanti étaient très privilégiées par rapport à celles qu’il faut réunir dans le cadre du régime privé. Il fallait donc les modifier. C’est la raison pour laquelle seuls les salariés de la fonction publique bénéficiant d’un taux plein ou ayant atteint l’âge de soixante-cinq ans pourront désormais prétendre au minimum garanti.
Pour conclure sur la convergence entre le public et le privé, je dirai que nous avons pris une voie médiane, qui va dans la bonne direction. Elle donnera le sentiment à nos concitoyens que la réforme, en la matière, est équitable. Simultanément, cela nous permettra de réduire le différentiel de financement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tenais à vous apporter ces précisions. Estimant que nos désaccords permettront d’enrichir nos prochains débats, je vous remercie une nouvelle fois de votre participation.
En tout état de cause, c’est sur le fondement de ces propositions que nous réunirons, avec Éric Woerth, les organisations syndicales, avec lesquelles nous tenterons d’améliorer tel ou tel dispositif du projet. Nous aurons ensuite le plaisir de venir en débattre avec vous à la rentrée prochaine.