Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 16 juin 2010 à 14h30
Débat sur les retraites — Débat interactif et spontané

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, je tenais à féliciter les deux rapporteurs – ils ne m’entendront pas, puisqu’ils participent en cet instant à une émission réalisée par Public-Sénat – qui ont consacré de nombreuses semaines à étudier la réforme des retraites. Ils ont rédigé un rapport très intéressant, qui comporte certaines hypothèses que j’aurais aimé examiner tranquillement avec eux. Je regrette donc que ce débat ait été parasité par l’annonce faite ce matin par le Gouvernement.

Je souhaite revenir sur un point particulier du rapport, qui a déjà été évoqué par plusieurs intervenants et auquel M. le secrétaire d’État a partiellement répondu, qui concerne la politique de l’emploi.

On ne peut conduire une véritable réforme des retraites sans réformer en profondeur le marché du travail. Aujourd’hui, la productivité française repose essentiellement sur la fraction de la population âgée de 24 à 54 ans. Ce segment d’autant plus pressurisé qu’il est réduit, ce qui conduit à une dégradation des conditions de travail de l’ensemble des salariés. Mais là n’est pas le propos.

Pendant ce temps, le chômage de masse, qui se traduit par l’exclusion des jeunes, des seniors et des femmes du marché de l’emploi, a des conséquences dramatiques sur les finances de notre protection sociale, l’avenir de notre système de retraite et la cohésion de notre société.

Aujourd’hui, entre l’âge moyen de cessation d’activité, soit un peu moins de 58 ans et demi, et l’âge de liquidation de la retraite, soit 61 ans et demi, les salariés subissent trois années de galère entre ASSEDIC, longue maladie, invalidité, voire préretraite pour les plus chanceux.

Au demeurant, pour la plupart des salariés, les parcours professionnels sont rudes : l’entrée sur le marché du travail est une véritable épreuve pour les plus jeunes ; l’exclusion dès 55 ans est vécue comme un rejet par les plus âgés et, entre les deux, les carrières se déroulent sous le signe de la précarité, de l’emploi fractionné et sous la pression du chômage.

Aujourd’hui, 4, 4 millions de personnes en capacité de travailler pointent aux ASSEDIC, sont réduites au RSA ou survivent à peine avec des contrats à temps très partiels. Le taux d’emploi des 16-24 ans ne dépasse pas 32, 2 % et celui des 55-64 ans plafonne à 38 %.

Une telle organisation du marché du travail multiplie les inégalités. Voilà pourquoi, tant que des efforts importants ne seront pas consentis pour améliorer le taux d’emploi, tant que des politiques ciblées ne s’attaqueront pas efficacement à la question de l’activité des seniors, des jeunes et des femmes, le passage à 41 ans de cotisation aura surtout pour effet d’allonger la durée passée au chômage et de réduire le montant des pensions.

Mais tel est peut-être le but recherché, car il est facile de réduire le déficit des ASSEDIC en réduisant la période d’indemnisation des chômeurs et en obligeant ces derniers à accepter le deuxième emploi proposé, même s’il est éloigné de leur domicile. Nous connaissons ces dispositions par cœur pour les avoir vu voter dans cette même enceinte.

Appauvrissement du niveau de vie des retraités, creusement des inégalités, mise à mal de la solidarité intergénérationnelle, telles sont les conséquences d’une façon d’aborder l’avenir des retraites, fondée sur une simple logique financière.

Or réformer les retraites, c’est impulser un changement de société. Pour que ce changement soit un progrès partagé par tous et équitable pour chacun, c’est une véritable politique de l’emploi qu’il faut mettre en œuvre.

Les travaux de la MECSS et ceux du COR montrent bien qu’un simple colmatage du déficit courant par le biais de mesures financières ne constitue pas une réponse pérenne.

Monsieur le secrétaire d’État, quelles dispositions envisagez-vous de prendre, en matière d’emploi, pour que l’avenir des retraites ne se résume pas à un sacrifice des valeurs qui fondent notre protection sociale ?

Vous avez partiellement répondu tout à l’heure au problème de l’emploi des seniors en évoquant, d’abord, l’aspect mécanique du règlement de la situation, puis son aspect classique, c'est-à-dire l’incitation à l’embauche par la baisse des charges sociales.

Je souhaite que vous me répondiez sur la question catastrophique de l’entrée tardive des jeunes sur le marché du travail.

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