Je suis atypique à cette table puisque je ne représente pas de média. En 2010, j'avais publié une tribune « Sports et médias : une relation interdépendante construite en cinq mouvements majeurs ».
Le problème est complexe et il faut prendre garde aux fausses bonnes idées. Vous avez tous dit qu'en plus des droits télévisuels, il convient de prendre en compte d'autres coûts. Si l'on veut que les médias accompagnent le sport, ils doivent y trouver leur compte avec un retour sur investissement. Aujourd'hui, les crispations se font autour du contenant, à savoir les infrastructures. Pendant 50 ans, elles se sont en effet très peu renouvelées. Les collectivités accompagnaient la performance mais aujourd'hui le parc des stades et des salles arrive en fin de vie. Le renouvellement des infrastructures coûte très cher et c'est bien souvent les collectivités territoriales qui en assument la charge. Mais l'aléa sportif a du mal à cohabiter avec l'importance des investissements : voyez le malheureux cas du Mans.
Pour le contenu, il faut faire une distinction entre sports individuels et sports collectifs et nous interroger sur notre capacité à générer des talents en France. Très peu de sportifs ont une véritable dynamique sur Twitter et sur Facebook... Quand Amélie Mauresmo gagne un tournoi du « Grand Chelem », il est facile de promouvoir le tennis féminin ; cette tâche est beaucoup moins facile quand aucune française n'est dans le Top 10 mondial...
Autre fausse bonne idée : promouvoir le football féminin. Le montrer, c'est bien, mais pas au Parc des Princes devant 5 000 spectateurs ! Il faut trouver un écrin adapté. Aux États-Unis, le soccer a été présenté dans un premier temps dans les stades immenses du football américain, ce qui le desservait. Désormais, les matchs ont lieu dans des stades à taille pertinente et le soccer se développe.
En 50 ans, le sport a considérablement évolué : nous sommes passés d'une dépendance à l'argent public - essentiellement des subventions municipales - à une télé-dépendance. Le réflexe serait de dire qu'il suffit d'agir sur les médias pour régler les problèmes. Les collectivités vont devoir procéder à des arbitrages, ce qui implique un changement de culture puisque des choix vont s'imposer.
Quel est le rôle social d'un club ? En France, il existe un décalage par rapport à nos voisins : l'ancrage populaire et l'attachement aux clubs ne sont absolument pas les mêmes, probablement à cause de notre culture centralisatrice. Nous avons un club par ville, alors que tel n'est pas le cas en Grande-Bretagne ou en Allemagne.
Le rôle social du club est d'animer la cité : pour être attractive, une ville a besoin d'activité économique, académique, culturelle mais aussi sportive. Voyez l'exemple de Montpellier.
Il faut aussi envisager les clés de répartition entre une culture horizontale et une culture verticale : doit-on à tout prix considérer l'échelon 1, 2 et 3 de façon différente ou doit-on prévoir des solidarités ? Les gens s'intéressent à l'échelon 1 d'une compétition : par exemple, pour le sport automobile, les spectateurs veulent voir de la Formule 1, pas du GP2. Quels que soient les moyens que vous mettrez pour diffuser une division 2, l'intérêt général ne sera pas au rendez-vous. En revanche, l'intérêt local l'emportera, d'où le rôle d'animation de la cité. Il peut être intéressant d'imaginer des mécanismes de solidarité non pas financiers mais de talents, par exemple en donnant des temps de jeux à de jeunes joueurs. Il s'agit alors de gouvernance et les médias n'ont pas voix au chapitre en ce domaine.