Un large consensus existe sur la nécessité d'une réforme des rythmes scolaires : pour une nouvelle répartition du temps d'enseignement, sur le bienfait d'augmenter le nombre de matinées de cours (les enfants y étant plus réceptifs) et enfin, sur l'ouverture des activités périscolaires au plus grand nombre.
Les nombreuses personnalités rencontrées au cours de nos travaux nous ont donné une vision diversifiée de la mise en oeuvre de cette réforme ambitieuse. Que celle-ci soit légitime ne nous dispense pas de nous intéresser à son application et à son accompagnement par l'État. L'essentiel de notre travail a consisté à repérer les difficultés, à identifier les bonnes pratiques, à comprendre les raisons des blocages et des inquiétudes pour dégager des solutions opérationnelles.
La grande diversité des contextes locaux interdit de prôner un modèle uniforme d'organisation du temps scolaire et des activités périscolaires. Pour apprécier les choix opérés sur chaque territoire, il faut tenir compte des contraintes géographiques particulières et de l'existence, préalable ou non, d'une tradition de collaboration entre la commune, les associations et l'Éducation nationale, mais aussi des souhaits exprimés par les conseils d'école et des contraintes externes imposées par les conseils généraux en matière de transport ou par l'Éducation nationale en matière de gestion des remplacements. Ce sont ces dernières qui ont souvent empêché le choix du samedi matin, même là où les parents y étaient favorables.
Parce que la construction de partenariats éducatifs locaux pour une prise en charge globale des temps scolaire et périscolaire de l'enfant est un processus complexe, la rentrée de septembre 2014 doit être appréciée comme une première étape. Il est illusoire de croire qu'un schéma abstrait, aussi parfait soit-il sur le papier, sera conservé intact à l'épreuve du terrain. Une approche modeste et empirique doit être adoptée. C'est pourquoi les maires doivent concevoir la réforme sur le moyen terme en organisant une montée en puissance progressive sur plusieurs rentrées.
En outre, il ne faut pas qu'une inflation d'activités périscolaires alimente les inquiétudes sur l'accroissement des inégalités et alourdisse le coût de la réforme sans bénéfice éducatif global.
En matière de régulation des activités périscolaires, certaines bonnes pratiques peuvent être retenues comme la mise en place d'instruments simples d'inscription - valant engagement pour l'année - aux temps d'activités périscolaires (TAP) afin de garantir la prévisibilité des flux d'enfants ou le développement d'instruments d'information et de retour d'expérience en direction des parents, lorsque la taille de la commune s'y prête. On peut ainsi leur présenter les activités et les animateurs avant la rentrée et dresser avec eux un bilan à intervalles réguliers.
Le décret du 7 mai 2014 pris par Benoît Hamon ouvre des possibilités d'expérimentation intéressantes, tout en maintenant le socle des cinq matinées au moins de classe. Pour tirer parti de ces dispositifs expérimentaux, sans désorganiser les communes qui sont en ordre de marche, je préconise de faciliter l'écriture des projets des communes en situation particulière en utilisant les opportunités ouvertes par le nouveau décret, sans pour autant obliger les communes aux organisations arrêtées et validées d'accéder aux demandes de renégociation. Il faut alléger la pression qui pourrait s'exercer sur les maires. Je préconise également de faciliter le recours au samedi matin, surtout en cas de concentration des activités périscolaires le vendredi après-midi, car la pire solution pour les enfants serait un grand week-end de deux jours et demi sans classe.
Il est aussi nécessaire de procéder à l'évaluation des expérimentations autorisées dans le cadre du décret par un groupe mixte constitué paritairement de représentants de l'Éducation nationale et des collectivités territoriales.
Il convient de traiter point par point les différents sujets d'achoppement pour parvenir à une généralisation apaisée des nouveaux rythmes. L'application des nouveaux rythmes en maternelle constitue un des points de crispation majeurs. Sans nier la complexité de la mise en oeuvre en maternelle, mais en s'inspirant des bonnes pratiques déjà repérées, je propose de différencier l'application de la réforme en maternelle en préservant sa spécificité, sans alignement systématique sur l'école élémentaire.
Outre son efficacité pédagogique, une organisation différenciée, qui respecte le stade de développement des très jeunes enfants, a le mérite de privilégier des propositions simples telles que des temps d'activités calmes et de repos sur la pause méridienne. Afin d'accompagner au mieux ces projets, il faut développer les formations conjointes entre acteurs de la maternelle (enseignants, agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles - ATSEM - et animateurs) en encourageant la mise en place de formations par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) ouvrant droit à des qualifications qui pourraient être reconnues équivalentes aux brevets d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) et de directeur (BAFD). En effet nous avons constaté tout au long de nos travaux une pénurie d'intervenants disposant des qualifications actuellement reconnues.
Pour que les communes bénéficient des aides des caisses d'allocations familiales (CAF), au moins 50 % des intervenants doivent être titulaires du BAFA ou du BAFD ou d'un diplôme équivalent, 30 % des personnels pouvant être en cours de formation. Compte tenu des délais restreints pour mettre en place les nouvelles activités périscolaires, ainsi que de la pénurie d'animateurs qualifiés, il est indispensable de reconnaître comme équivalents au BAFA et au BAFD, pour l'encadrement d'activités périscolaires, les titres, diplômes, qualifications et fonctions conduisant à l'encadrement d'enfants mineurs lors d'actions de formation ou d'animation : non seulement les professeurs des écoles (actuellement seuls les professeurs de la ville de Paris sont dans ce cas, ce qui crée une inégalité de traitement avec les professeurs des écoles), mais aussi les enseignants d'écoles de musique, musicothérapeutes, psychomotriciens, ou encore comédiens professionnels ayant déjà une expérience de formation de publics scolaires.
Enfin, les activités périscolaires conduites dans le cadre des trois heures libérées par la réforme bénéficient d'un taux d'encadrement allégé par rapport au régime antérieur d'accueil de loisirs sans hébergement (ALSH), à raison d'un animateur pour 14 enfants de moins de 6 ans et d'un animateur pour 18 enfants âgés d'au moins 6 ans (au lieu d'un animateur pour 10 mineurs de moins de 6 ans et d'un animateur pour 14 mineurs d'au moins 6 ans). Cette démarche expérimentale est limitée à trois ans, et subordonnée à la conclusion d'un projet éducatif territorial (PEDT). Pour des facilités de gestion et d'adaptation, les nouveaux taux d'encadrement dérogatoires ont été étendus à l'ensemble des activités d'ALSH. Les mêmes arguments justifient, au regard des expérimentations en cours, d'aligner et de stabiliser les taux d'encadrement de l'ensemble des activités d'ALSH sur l'actuel régime dérogatoire des TAP.
En outre, il convient d'éviter de creuser un fossé entre l'enseignement public et l'enseignement privé, qui participe au service public de l'éducation, mais il ne saurait être question de coercition : un travail de persuasion doit être mené. Je compte sur l'effet d'entraînement de la réforme dans l'enseignement public et sur la capacité de conviction des instances nationales de l'enseignement privé. Le secrétaire général de l'enseignement catholique, le syndicat majoritaire chez les enseignants du privé, les associations de parents ne sont pas hostiles à la réforme. Appuyons-nous sur eux. Il appartient au ministre de l'Éducation nationale de promouvoir par un dialogue avec les instances nationales de l'enseignement catholique la participation à la réforme des établissements privés. Les difficultés d'accès aux financements devront également être réglées afin de sécuriser les écoles privées pionnières et de rassurer l'ensemble du réseau.
De l'avis de nombreux élus rencontrés par la mission, l'engagement des directions académiques des services de l'Éducation nationale (DASEN) et des corps d'inspection n'a pas toujours été à la hauteur. Afin d'y remédier, il convient de mobiliser tous les services académiques pour un accompagnement souple et attentif des maires, notamment pour ceux nouvellement élus.
Il conviendrait aussi de diffuser les contours de la refonte des programmes du primaire, au-delà de la charte publiée par le Conseil supérieur des programmes en avril et de veiller à ce que les TAP sensibilisent les élèves à l'art, à la culture, aux langues, au sport et à l'environnement, sans se substituer à l'enseignement de ces disciplines par l'Éducation nationale. Je propose également d'aider les enseignants à repenser leur pédagogie dans le cadre de ces nouveaux temps scolaires grâce à la formation continue et de rénover la formation des corps d'inspection de l'Éducation nationale...