Intervention de Jean-Yves Charlier

Commission des affaires économiques — Réunion du 14 mai 2014 : 1ère réunion
Audition de Mm. Jean-Yves Charlier président-directeur général et d'olivier henrard secrétaire général de sfr

Jean-Yves Charlier, président-directeur général de SFR :

Quelques mots sur les enjeux stratégiques de ce rapprochement.

Il y a deux ans, Vivendi a reconsidéré sa stratégie de conglomérat dans les télécommunications et les médias, face aux difficultés à compter suffisamment sur chacune de ces activités et au peu de synergies entre elles. Jean-René Fourtou, le président du conseil de surveillance du groupe, a décidé de repositionner Vivendi dans les médias et de désendetter sa filiale SFR en cédant des activités, par exemple l'entreprise de jeux vidéo Activision ou Maroc Telecom.

Étant au conseil de surveillance de Vivendi, j'ai pris la tête de SFR avec un plan en trois volets. D'abord, repositionner l'entreprise sur le marché des communications électroniques où, depuis 2012, le prix est devenu le critère d'ajustement alors que les usages sont en pleine croissance, cette déflation des prix faisant chuter le chiffre d'affaires et la profitabilité. Depuis un an, nos résultats commerciaux progressent, l'entreprise innove et nous avons repositionné SFR dans la presse, auprès des investisseurs et parmi les consommateurs. Deuxième volet, une transformation de l'entreprise en profondeur : nous avons revu notre business model, simplifié nos offres - nous sommes passés, pour le grand public, de 1 300 à 300 offres - et réduit nos coûts de 1,5 milliard d'euros en deux ans. C'était nécessaire puisque notre marge brute était passée de 4 milliards d'euros en 2010 à 2,4 milliards, et que nous tenions à maintenir notre rythme annuel de 1,5 à 1,6 milliard d'euros d'investissement.

Ces deux volets du repositionnement stratégique n'étaient cependant pas suffisants, car le paysage numérique est en pleine recomposition : notre industrie est à un carrefour avec le développement du très haut débit, la 4G et la convergence. Pour nous y adapter, nous avons mis sur pied un troisième volet consistant à mutualiser des infrastructures - nous avons été les premiers à le faire, avec Orange pour la fibre et Bouygues Telecom pour le mobile -, à consolider nos activités par des rachats ciblés et, enfin, à nous rapprocher soit de Bouygues Telecom pour devenir le champion national de la téléphonie mobile, soit de Numericable pour accélérer la convergence.

Nous avons alors monté deux projets industriels différents, l'un avec Martin Bouygues et l'autre avec Patrick Drahi, propriétaire de Numericable. Pour trancher entre les deux, le conseil de surveillance a examiné quatre critères : la qualité du projet industriel ; la pérennité de l'emploi ; son effectivité rapide, en particulier à l'aune de l'Autorité de la concurrence ; enfin, sa valorisation.

Les deux projets étant comparables du point de vue de la valorisation, le choix a résulté de la combinaison des trois autres critères. Du point de vue industriel, le rapprochement avec Bouygues Telecom constituerait le numéro un français de la téléphonie mobile et nous ferait rattraper Orange pour la fibre, tandis que le rapprochement avec Numericable nous doterait d'un outil industriel de convergence : c'est cette dernière option que le conseil de surveillance a choisie, parce que c'est le projet qui promet le plus de croissance dans le paysage numérique actuel. La convergence est particulièrement dynamique en France : 40 % des consommateurs achètent déjà une offre convergente, et nous visons un doublement de ce taux.

Le critère de l'emploi va dans le même sens : Numericable compte 2 000 collaborateurs sur des fonctions très complémentaires à celles de nos salariés, alors qu'avec Bouygues Telecom, les doublons auraient été très nombreux - le projet prévoyait d'importantes cessions à Free.

Enfin, le rapprochement avec Numericable serait plus rapidement effectif parce qu'il répond mieux aux critères contrôlés par l'Autorité de la concurrence : dans d'autres pays où un opérateur de téléphonie a racheté un câblo-opérateur, un seuil de 40 % du marché a été appliqué ; nous serions ici en-deçà.

Le conseil de surveillance a donc choisi, il y a un mois, le rapprochement avec Numericable parce que c'est un projet de croissance, plus favorable à l'emploi et plus simple à réaliser.

Depuis cette décision, nous avons communiqué sur ce projet, les investisseurs l'ont bien accueilli, nous nous sommes rapprochés de l'Autorité de la concurrence, nous avons lancé les consultations sociales dans les deux entreprises, nous nous sommes engagés à maintenir chaque salarié pendant trois ans sans changement de statut et nous avons décidé d'octroyer des primes exceptionnelles. L'opération est financée, nous lançons les études d'intégration qui pourraient être achevées cet été. L'avis de l'Autorité de la concurrence pourrait intervenir au quatrième trimestre et l'opération être effective à la fin de l'année.

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