L'industrie des communications électroniques représente de très grandes opportunités, d'abord par la croissance effrénée de son activité en volume. C'est un point très positif : le volume des données échangées sur nos réseaux mobiles progresse de 65 % depuis le début de l'année. Cette tendance va perdurer, avec la convergence entre le fixe et le mobile, qui bouleverse l'usage par les consommateurs, l'explosion des contenus, avec la télévision sur mobile et le cloud ... Tout ceci forme un écosystème innovant et très prometteur en termes de croissance, en volume comme en chiffre d'affaires. Notre premier objectif, c'est donc de mieux exploiter les infrastructures, qui sont de plus en plus utilisées. C'est dans ce sens que nous lancerons, dans quelques semaines, une innovation mondiale : une box qui offrira la télévision, internet et des services domotiques.
Le secteur souffre cependant, dans notre pays, d'un problème structurel : son trop grand nombre d'acteurs, chacun en étant réduit à une économie de survie qui pousse à la guerre des prix, laquelle absorbe les marges de profitabilité. C'est bien pourquoi notre rapprochement est pertinent : c'est un projet de croissance, non pas à haut risque, mais stratégique, avec des fondations solides. L'avenir de cette industrie passe par la capacité des opérateurs à maîtriser les infrastructures : nous ne sommes pas dans le virtuel, c'est bien le nombre d'antennes et la taille du réseau qui vont déterminer la solidité des entreprises.
Les marges avant impôt, certes, ont diminué : à 40 % il y a quelques années, elles étaient probablement trop élevées ; mais à 25 %, elles deviennent trop étroites, en particulier pour réaliser 17 % du chiffre d'affaires en investissement, ce qui est le niveau requis par le plan très haut débit. SFR est aujourd'hui le premier opérateur alternatif en Europe, mais nos marges sont trop étroites, alors que celles de Bouygues Telecom sont en-deçà et que la profitabilité d'Orange décline elle aussi.
Il faut savoir, ensuite, que le choix de la fibre en technologie FTTH s'avère trop onéreux, avec une rentabilité à 20 ou 25 ans seulement : le retour sur investissement est inférieur au coût du capital pour l'entreprise, ce qui n'est pas tenable. Cela justifie plus encore notre rapprochement avec Numericable, qui est aussi celui de la mixité des technologies.
Nos engagements pour l'emploi sont uniques ; ils seront garantis par la croissance de l'activité, qui constitue notre premier objectif. La masse salariale représente à peine 10 % des dépenses de SFR, loin derrière les frais de réseaux et d'informatique : il y a bien d'autres ajustements à faire que sur l'emploi. Nous aurons d'autant moins à ajuster cette dernière variable que Numericable compte environ 2 000 salariés, quasiment sans doublons avec ceux de SFR, n'obligeant donc à aucune réorganisation en profondeur.
Nous voulons devenir le leader de la convergence du très haut débit fixe et mobile, et c'est pourquoi nous allons investir dans le développement des réseaux. Patrick Drahi en est convaincu : c'est le sens de notre stratégie que de couvrir 12 millions de foyers en 2017 et 15 millions en 2020, ce que SFR ne pourrait pas faire seul.
Certains s'inquiètent du niveau d'endettement du nouvel ensemble, mais il est plus faible que celui des deux entreprises et il devrait représenter une charge annuelle d'intérêts d'environ 500 millions d'euros, soit moins du tiers de la marge opérationnelle : nous aurons les moyens de conduire notre politique ambitieuse d'investissement.
Notre engagement de mutualiser la fibre avec Orange sera tenu ; nous avons ainsi couvert trente villes moyennes l'an passé, nous aurons couvert cent villes cette année. Quant à l'accord de mutualisation avec Bouygues Telecom, nous ne changeons pas de stratégie : l'avenir est en effet à la mutualisation, et les opérateurs n'ont pas les moyens d'investir seuls. C'est bien pourquoi notre contrat, qui porte sur vingt ans, ne comporte pas de clause de sortie en cas de changement au capital : nous savions, en le signant, que le paysage changerait très probablement dans les années suivantes, sans affecter cet axe stratégique de la mutualisation.
Le nouvel ensemble sera-t-il une proie intéressante, facile ? Pour parler régulièrement avec des concurrents étrangers, en particulier Vodafone, je peux vous dire que le marché français n'est pas regardé comme très attractif, parce que nous avons les prix les plus bas pour l'abonnement en fixe et en mobile. Ensuite, nous aurons un chiffre d'affaires de 12 milliards d'euros, ce qui nous placera en position de champion européen, au-dessus par exemple des opérateurs historiques européens. Enfin, seulement 20 % du capital seront cotés en bourse, puisque Altice en détiendra 60 % - cette holding étant détenue à 75 % par Patrick Drahi - et Vivendi les 20 % restant. Cette participation de notre société historiquement mère est très importante sur le plan industriel.