Intervention de Ségolène Royal

Commission des affaires économiques — Réunion du 14 mai 2014 : 1ère réunion
Audition de Mme Ségolène Royal ministre de l'écologie du développement durable et de l'énergie

Ségolène Royal, ministre de l'Écologie, du développement durable et de l'énergie :

Merci de m'avoir conviée à échanger avec vos deux commissions. Il est vrai que ces sujets sont au croisement de leurs attributions respectives. Ma priorité va à la création d'emplois industriels dans l'économie verte, les économies d'énergie, les énergies renouvelables, les infrastructures propres. C'est un défi à relever, mais aussi une chance. J'ai un objectif : en créer 100 000 grâce à la transition énergétique. Pour que ce chiffre soit atteint, il faudra la mobilisation des entreprises, des grands groupes - dont j'ai rencontré la plupart des dirigeants -, des PME et sous-traitants. Vendredi prochain, je réunirai les dix grandes filières des industries du futur, dont certains de nos fleurons, pour accélérer le rythme de cette mutation.

Deuxième objectif : mettre en mouvement les territoires. Rien ne se fera sans eux. Vous le savez, vous qui voyez l'excellence environnementale sur le terrain. En tant qu'ancienne présidente de région, je sais que les impulsions nationales mettent du temps à se concrétiser sur place. Nos territoires devraient saisir la chance offerte par les nouveaux contrats de plan État-régions, en accélérant la signature de leurs volets mobilité, biodiversité, et haut débit numérique, afin d'engager les chantiers prioritaires.

Troisième objectif : mobiliser les filières économiques. La transition énergétique est une opportunité de créer des emplois non délocalisables, très qualifiés, ainsi que des nouveaux métiers. La rénovation énergétique des bâtiments, par exemple, est une bouffée d'oxygène pour des milliers de PME et d'artisans sur nos territoires.

Pour remplir ces objectifs, j'ai identifié six grands chantiers. D'abord, bâtir un nouveau modèle énergétique. C'est l'objet du projet de loi relatif à la transition énergétique, que nous finalisons. Le gouvernement veut accélérer les choses. Le texte sera rapidement transmis au Conseil économique, social et environnemental, puis au Conseil national de la transition écologique (CNTE) ; il sera débattu à l'Assemblée nationale en commission d'ici juillet. Nous dynamiserons les filières d'énergies renouvelables. De nouveaux marchés d'éoliennes en mer ont été attribués il y a quelques jours. Nous devons faire davantage en matière d'énergie marine et de biomasse ; vos contributions sur ces sujets sont les bienvenues. Nous travaillons notamment à alléger le cadre réglementaire, à raccourcir les délais des procédures et à limiter les risques contentieux, sans bien sûr porter atteinte au droit au recours.

La rénovation énergétique des bâtiments sera également accélérée, et financée. La Banque publique d'investissement, désignée banque de la transition énergétique, remplit son office. La Caisse des dépôts et consignations est également mobilisée. Nous travaillons à l'ingénierie financière la plus efficace. Les collectivités l'ignorent parfois, mais elles peuvent bénéficier auprès de la Caisse des dépôts de prêts de 100 millions d'euros, sans apport, pendant 20 à 40 ans, afin de financer les travaux de rénovation énergétique dans les écoles ou les bâtiments communaux. Nous devons favoriser les circuits courts dans la commande publique. L'organisation de la conférence bancaire et financière de la transition énergétique est en préparation pour mettre tous ces points au clair. La réforme du code minier également.

Deuxième chantier : protéger et reconquérir l'eau, la biodiversité et les paysages. C'est l'objet du projet de loi biodiversité, qui n'est pas sans lien avec le projet de loi sur la transition énergétique. C'est un domaine fascinant, qui passionne les Français, assoiffés de connaissances sur les espèces naturelles. Je suis très favorable à la science participative, à la transmission au plus grand nombre de la connaissance et du respect de la nature. D'ailleurs, les ateliers scientifiques destinés aux écoliers attirent également les parents et grands-parents.

Le troisième axe de mon action concerne la santé et la prévention des risques. J'ai fait adopter par le CNTE la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. Je me suis rendue sur le terrain, et la mise en oeuvre des engagements pris a été accélérée. Les industriels ont pris conscience de cette nécessité, et sont désormais mobilisés. Le Bisphénol A, notamment présent dans les tickets de caisse, et source de malformations congénitales, sera interdit au 1er janvier 2015. La présence de phtalates dans les jouets sera mieux contrôlée, les parabènes seront soumis à une obligation d'étiquetage. Une liste des produits interdits sera dressée. J'encourage les industriels à innover pour trouver des produits de substitution, car ces interdictions ont vocation à être adoptées au niveau européen. Les premiers à réussir à mettre au point des produits de substitution seront les pionniers dans leur secteur et gagneront ainsi des parts de marché. C'est ainsi que l'on transforme une contrainte en opportunité.

Nous élaborons une stratégie nationale de gestion du risque d'inondation. Je connais bien le problème, pour avoir présidé une région traversée par la tempête Xynthia. Les inondations menacent les zones littorales, mais aussi les rivières. Nous travaillons également au Plan déchets 2020, qui sera créateur d'emplois : limiter les déchets à la source, c'est se rendre plus performant. Là encore, la logique de l'économie circulaire transforme les contraintes en chances. En la matière, plus vite l'on agit, mieux l'on se positionne. Il y a là des conquêtes industrielles à lancer, y compris au moyen de partenariats européens.

Nous préparons simultanément la négociation européenne sur les OGM. Vous avez adopté une proposition de loi interdisant leur culture. Nous approfondirons ce sujet, qui touche à l'agri-écologie. La profession évolue vite, ce qui est réconfortant. Les labels et les normes de diminution des pesticides sont un argument de vente, donc un atout pour les agriculteurs, d'autant que les consommateurs sont de mieux en mieux informés.

Les transports sont du ressort de Frédéric Cuvillier. Il serait intéressant que toutes les régions signent le volet mobilité des nouveaux contrats de plan État-régions, qui concerne les routes, les autoroutes, le fret ferroviaire ainsi que les transports urbains. J'ai relancé les préfets sur ce sujet. C'est un préalable important à la conférence bancaire, qui étudiera le financement de ces projets, et les partenariats à nouer avec la Caisse des dépôts. Le projet de loi relatif à la réforme du ferroviaire vous sera présenté par Frédéric Cuvillier.

Cinquième chantier : la croissance verte. Elle passe par le développement des filières d'avenir, dans le cadre des 34 plans industriels. Vous êtes bien entendu conviés à la réunion sur les dix filières du futur que j'organise vendredi au ministère. Nous accompagnerons la mise en oeuvre du volet énergie des investissements d'avenir. Enfin, nous veillerons à moderniser et à simplifier le droit de l'environnement, qui est dans notre pays l'un des plus complexes, sans être plus protecteur que chez nos voisins. La protection de l'environnement ne doit en tout cas pas se retourner contre l'économie.

Enfin, dernier chantier que je conduis : celui des grands rendez-vous internationaux. Les 5 et 6 mai s'est tenue à Rome la réunion des ministres de l'énergie du G7, à laquelle j'ai participé. Nous avons évoqué les projets européens, qui diffèrent nécessairement d'un pays à l'autre en raison des choix énergétiques de chacun. Cela n'empêche nullement de rechercher une voie commune. L'idée est de tirer tous les États membres vers le haut afin de trouver le mix énergétique le plus efficace et le plus susceptible de lutter contre le réchauffement climatique. Un conseil des ministres européens de l'environnement se tiendra le 12 juin, des ministres de l'énergie le 13 juin, afin de préparer le Conseil européen, lui-même préfigurant la conférence de Paris sur le climat en 2015

Cette conférence est très difficile et très attendue. Les drames climatiques, la montée des mers, la disparition de certaines îles, la fragilisation des côtes, les déplacements de population liés aux dérèglements climatiques, les conflits liés au contrôle de l'accès à l'eau potable font heureusement l'objet d'une prise de conscience accrue de notre responsabilité à l'égard des générations futures. C'est pourquoi nous devons agir pour la transition énergétique et réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

Préalablement à cette conférence, une réunion de l'Assemblée des Nations unies pour l'environnement se tiendra en juin. Nous devrons montrer une Europe exemplaire, afin d'entraîner les autres continents dans notre sillage. Chacun pourra exprimer ses préoccupations et faire état des menaces qu'il affronte, et ainsi favoriser une prise de conscience géographique multiforme mais cohérente. La Conférence de Paris aura alors toute son importance pour préparer un monde meilleur.

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