Intervention de Jacques Toubon

Mission commune d'information sur la gouvernance mondiale de l'Internet — Réunion du 1er avril 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Jacques Toubon ancien ministre délégué de la france pour la fiscalité des biens et services culturels

Jacques Toubon :

Selon Bruxelles, ceci devrait se faire comme prévu au 1er janvier. Beaucoup de progrès ont été accomplis depuis que le règlement d'application a été acté...

S'agissant de l'état des lieux en matière de taux de TVA sur les services en ligne, il est, selon que l'on voie le verre à moitié vide ou à moitié plein, préoccupant ou inspirant. L'actuelle Commission, on en est maintenant sûr, ne prendra pas position sur ce sujet, faute de vouloir affronter le débat. Elle ne présentera ni proposition, ni étude d'impact. Elle dispose de tous les éléments pour le faire, mais le commissaire en charge, appuyé par le Président de la Commission, a décidé que ce n'était pas politiquement opportun. La prochaine Commission et le prochain Parlement vont avoir à se déterminer, en fin d'année ou au début de l'autre.

Par rapport à la situation qui prévalait fin 2010 ou début 2011, lorsque Mme Kroes, dans sa communication sur l'agenda numérique, en août 2010, a pour la première fois soulevé la question des taux divergents de TVA, la Commission a travaillé sur le sujet. Le débat a été ouvert, ce qui constitue le principal acquis que la France et moi-même avons obtenu à ce sujet. On dispose donc de certains éléments mais, pour des raisons politiques, la Commission ne veut pas agir. Aucune pression n'y a changé quoi que ce soit.

Je souligne que l'Allemagne étant passée dans le camp des pays favorables au taux réduit, pour peu que la Commission fasse une proposition, elle y sera favorable...

L'Allemagne ne prendra sans doute pas d'initiative concernant le livre. Mais vous connaissez la situation de la presse de ce pays : celle-ci y est très puissante. On peut imaginer que le Gouvernement allemand et le Bundestag bougent à ce sujet. Je ne le crois toutefois pas. J'ai plutôt le sentiment que l'Allemagne est politiquement pour, mais qu'elle ne fera rien pour mettre en oeuvre une quelconque procédure, si ce n'est à partir d'une proposition de la Commission. On ne peut cependant jamais savoir...

Le sujet de la presse en ligne est le même que celui du livre mais, concernant le contentieux, nous en sommes à un stade préalable. Je pense que la France va recevoir un jour une mise en demeure de la Commission européenne. Sera-ce avant ou après les élections européennes ? Je ne le sais pas, mais un contentieux va sûrement être engagé...

Les deux sujets sont toutefois différents : s'agissant de la presse en ligne, nous demandons un taux super réduit qui n'existe pas dans l'annexe III, mais, dans ce domaine, la Commission ne pourra pas se défendre en arguant qu'il n'existe pas de substitution entre le marché physique et le marché numérique, contrairement au marché du livre.

On a beau expliquer à la Commission qu'aux États-Unis, Barnes et Noble ferment le tiers de leurs librairies, et que cela a probablement quelque chose à voir avec le fait que 22 % à 23 % du marché du livre sont tenus par le numérique, dont 80 % par Kindle, rien n'y fait !

Il est manifeste que la presse écrite est en train de mourir de la distribution numérique gratuite ! Il est donc impossible que la Commission refuse d'établir la neutralité fiscale entre ces deux activités. C'est un argument plutôt favorable à la presse écrite... C'est un sujet pour les prochaines élections au Parlement européen et pour la nouvelle Commission.

J'ai omis de préciser, à propos de la régulation, que la notion de propriété intellectuelle est essentielle. L'actuelle Commission va agir sur ce plan, le commissaire Barnier devant présenter, au plus tard en juin, un livre blanc sur la révision éventuelle de la directive de 2001, à la suite de la grande consultation qui s'est achevée au mois de février.

Vous connaissez les positions de la France sur ce sujet. La plupart des États membres ont indiqué qu'ils ne voulaient pas revenir sur la directive de 2001, mais la Commission est soumise à de très fortes pressions de l'industrie, d'une part, et des internautes, d'autre part, ainsi que des activistes de l'Internet.

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