J'ai saisi le secrétaire général du gouvernement lorsque s'est posée la question de ma candidature à la direction générale de la Caisse des dépôts et consignations. Je tiens sa réponse, datée du 14 avril 2014, à la disposition de votre commission. Il avait, c'est la procédure, à son tour saisi la commission de déontologie. Celle-ci a répondu qu'en application d'une jurisprudence constante, elle ne se considérait pas compétente au cas d'espèce.
Le mot d'indépendance est utilisé par commodité : il désigne en réalité la capacité, le cas échéant, à résister à la pression des administrations centrales, des ministères ou d'autres autorités pour défendre les intérêts légitimes d'une grande institution qui ne se confond pas, loin s'en faut, avec une administration centrale. C'est une autre manière de dire que la Caisse des dépôts et consignations est un instrument de l'État d'une nature particulière, qui est depuis 1816 sous la protection du Parlement. L'indépendance de mes prédécesseurs est un sujet qui mériterait des analyses historiques complexes : de 1816 à la réforme initiée par Édouard Balladur, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations était en effet nommé à vie - à l'origine par le roi. C'est la raison pour laquelle le législateur de 1816, puis celui de 2008 ont tenu à préciser que la Caisse des dépôts et consignations était placée sous la protection spéciale du Parlement.
Je ne puis donc que vous soumettre le plus modestement possible ma candidature, tel que je suis, en étant passé par Beauvau, en étant passé par la défense, en étant passé par Ajaccio, et même, si vous m'y autorisez, en étant passé par la Lorraine.
Comme l'ont suggéré Nicole Bricq et plusieurs autres intervenants, la Caisse des dépôts et consignations doit agir en investisseur avisé. Cela vaut pour la Caisse comme pour la BPI. Il y a eu un modèle prudentiel, qui a fait l'objet de beaucoup de travaux. Des pressions se sont exercées, à l'occasion de la transposition de directives européennes, pour que la spécificité de cette institution soit remise en cause. C'est tout le contraire qu'il faut faire, car elle ne saurait être purement et simplement assimilée à une institution bancaire. Ce sujet reviendra sans doute devant le Parlement au cours des prochains mois, à l'occasion de la transposition de directives. Je crains qu'à l'heure actuelle il ne soit pas clos.
Le montant des fonds propres est un point d'une grande importance. Le capital économique de la Caisse des dépôts et consignations se monte à 26 ou 27 milliards d'euros. Les fonds propres et les dépôts juridiques ont peu évolué ces dernières années, mais le recours à l'endettement s'est accru : les émissions de long terme ont augmenté. Quant aux participations stratégiques, elles ne datent pas d'hier, et sont logées dans le FSI. La BPI les a confortées. On se rappelle ce qui a été fait pour la Banque postale. Si bien que ces participations stratégiques représentent aujourd'hui des montants très significatifs par rapport aux fonds propres. C'est une contrainte qui pèse sur la Caisse des dépôts et consignations. Le niveau des prêts octroyés par la section générale, notamment pour le financement d'Airbus ou celui de la SFIL, pèsent aussi lourdement. La production de résultats positifs est aujourd'hui très conditionnée à des éléments exogènes : l'évolution des taux, celle des marchés d'actions, celle du marché immobilier dont les perspectives sont ce qu'elles sont. Les marges d'intérêt ont tendance aussi à faiblir du fait du niveau historiquement bas des taux d'intérêt. Les revenus des participations sont dès lors une composante essentielle du résultat. Or ils sont très marqués par la conjoncture, donc volatils. Ajoutez à cela que la Caisse des dépôts et consignations n'a pas de capital, pas d'actionnaires : ses fonds propres sont en fait des résultats accumulés depuis 1816. Il n'y a pas d'augmentation de capital possible et c'est uniquement en parlant par image que l'on dit que l'État est actionnaire de la Caisse des dépôts et consignations. Les fonds propres ne peuvent augmenter que de manière modérée, compte tenu des règles de versement à l'État adoptées en 2010. Il faut donc être tout à la fois prudent et ambitieux pour rendre à la Caisse des dépôts et consignations des marges de manoeuvre.
La Caisse ne peut plus tout faire. La crise est passée par là, il n'est plus question de partir dans des aventures solitaires et la logique - qui est aussi celle de la BPI - doit rester celle de participations minoritaires. L'actionnariat à parité avec l'État au sein de la BPI est un choix, assumé. La BPI n'a pas le monopole du financement des entreprises ni des prises de participations. Néanmoins il serait absurde que les deux institutions complémentaires, dont l'une est la filiale de l'autre, n'aient pas une vision cohérente de l'ensemble de ce sujet. Un travail doit être fait au sein de la Caisse des dépôts et consignations sur la politique de participation, allant du placement à l'investissement stratégique. Sur cet arc théorique, il y a aujourd'hui des marges de réflexion et d'évolution. Je réponds du même coup au sénateur Collin sur la doctrine d'engagement.
Quant au blanchiment des capitaux, un dispositif très pointu a été mis en place à la Caisse des dépôts et consignations pour se prémunir contre le risque de travailler avec des partenaires financiers fragiles... ou indélicats.
Le haut débit a fait l'objet d'arbitrages du gouvernement. La Caisse des dépôts et consignations est un acteur majeur du déploiement de ces réseaux. L'intervention dans les zones intermédiaires, ni denses ni désertes, est une question qui reste ouverte.
L'évolution des quatre acteurs de la téléphonie mobile fait que la Caisse des dépôts et consignations, engagée sur des projets, se trouve un peu démunie lorsque ces projets n'aboutissent pas, comme ce fut le cas avec Orange.
Quant à la stabilité évoquée par Philippe Dominati, je ne suis pas de ceux qui changent frénétiquement de métier tous les jours. La dernière responsabilité que j'ai exercée auprès du chef de l'État pendant deux ans a, je l'espère, été globalement utile. Si je vous présente ma candidature, c'est bien pour l'ensemble d'un mandat. Peut-être serai-je amené à vous demander de le renouveler dans cinq ans ?
En juillet 2013 la réforme de l'épargne réglementée a tenu compte en partie du fait que le volume de liquidités, sur les fonds d'épargne, pouvait poser problème. Il a été décidé qu'une partie de ces fonds pourrait être restituée aux banques, moyennant un système de double garantie et de cliquet.
S'agissant du financement des hôpitaux, je ne peux que manifester mon ouverture. Des choses ont déjà été faites : la Caisse s'est beaucoup mobilisée dans les dernières années pour participer au financement de travaux d'urgence dans les hôpitaux. C'est une priorité qui mérite d'être regardée.
Enfin, je ne puis, dans ma position, m'exprimer sur la gouvernance du grand emprunt, mais uniquement sur sa mise en oeuvre, dont la Caisse des dépôts et consignations et la BPI sont toutes deux les opérateurs.