M. le sénateur Lozach nous propose ici un ensemble de questions particulièrement intéressantes, auxquelles je répondrai en ordre inversé. S'agissant tout d'abord de la fusion entre l'AFLD et l'ARJEL, lors de mon audition par la commission d'enquête sénatoriale le 21 mars 2013, j'avais indiqué que si les deux instances participaient effectivement à la sauvegarde de l'intégrité du sport, leurs méthodes s'avéraient par trop différentes pour être regroupées. En effet, quoi de commun entre la détection de paris suspects et la recherche de substances interdites dans le sang ou les urines d'un sportif ? La commission d'enquête avait d'ailleurs, dans son rapport, fermement écarté l'idée d'une fusion. Interrogé par quelques députés d'une proposition de loi sur ce thème, j'ai récemment fait à nouveau état de mon désaccord sur ce que je considère être une fausse bonne idée.
Concernant la préparation de l'Euro 2016, les contacts que l'AFLD entretient avec les différentes instances concernées sont encourageants. J'ai personnellement reçu, le 12 avril dernier, une délégation de l'union des associations européennes de football (UEFA) et de la fédération internationale de football association (FIFA) sur les contrôles envisagés. Cette rencontre a été suivie d'un courrier du Préfet Lambert, ancien directeur de la fédération française de football (FFF) et président de la société Euro 2016, à l'agence. Pour notre part, nous tentons de promouvoir, auprès de ces instances, un contrôle complet et efficace, a contrario de celui, limité et décevant, mis en oeuvre lors de la phase finale de la Coupe du monde en Afrique du Sud, dont les résultats sont apparus dérisoires au regard de l'ampleur de la compétition. À cet effet, des discussions sont en cours avec l'UEFA pour permettre un contrôle sur les équipes participantes en amont de l'événement, qui aura lieu entre le 10 juin et le 12 juillet 2016. Si l'UEFA a semblé convaincue par nos arguments, la mise en oeuvre d'un tel dispositif dépendra de chaque organisation nationale antidopage. Pendant la compétition elle-même, l'UEFA avait initialement prévu que seuls deux joueurs par équipe seraient contrôlés à chaque match. Cette méthode nous semblait plus qu'insuffisante, dans la mesure où la législation antidopage ne prévoit de sanction que si le dopage est avéré chez plus de deux joueurs d'une même équipe. Elle interdisait donc d'avance toute sanction sportive. Par bonheur, l'agence a été entendue sur ce point. Nous essayons enfin de convaincre le comité exécutif de l'UEFA de partager la pratique du comité international olympique (CIO) en annonçant aux fédérations nationales que les échantillons prélevés sur les sportifs seront conservés pour des analyses a posteriori. Les discussions sont encore en cours sur ce dernier point mais semblent bien engagées.
Le débat relatif à la lutte contre le dopage lors du tournoi de Roland-Garros constitue, en revanche, un sujet compliqué. Au lendemain de son audition par la commission d'enquête sénatoriale, Francesco Ricci Bitti, président de la fédération internationale de tennis (FIT), pendant laquelle il était apparu sur la défensive, a été reçu à l'AFLD. Il y a fait état d'un argument, certes original bien que peu décisif, pour évacuer toute velléité d'un contrôle de l'agence sur le tournoi. Selon lui, seule une dizaine de pays est à même d'effectuer efficacement des contrôles antidopage, alors que la FIT doit être en mesure de faire réaliser ces tests à l'échelle mondiale. Cette lacune justifierait, à son sens, que la compétence antidopage soit réservée à la seule FIT, à l'exclusion de toute autre agence nationale a contrario des dispositions du code mondial antidopage qui prévoit la possibilité d'un contrôle additionnel des sportifs par un autre intervenant. Par ailleurs, l'AFLD est toujours en attente d'une réponse de la fédération française de tennis (FFT) s'agissant du contenu (urinaire ou sanguin) des contrôles réalisés à Roland-Garros. Au total, vous l'aurez compris, la FIT ne montre guère d'entrain en matière de coopération antidopage.
Les évolutions apparaissent plus satisfaisantes s'agissant du cyclisme depuis l'élection de Brian Cookson à la présidence de l'UCI. Les procédures de contrôle applicables au Tour de France 2014, présentées à l'occasion de l'annonce du parcours du Tour à la mi-octobre 2013, ont sensiblement accéléré par rapport à l'année précédente. Après un entretien encourageant avec Brian Cookson suivi d'un échange de lettres en date des 25 et 27 février 2014, le dispositif a été mis en oeuvre par l'agence avec près d'un mois d'avance. Les contrôles en amont de la compétition ont démarré grâce aux informations de localisation des 160 coureurs qui participeront au Tour 2014 transmises par l'UCI. Ce dispositif permet de contrer les stratégies d'évitement trop souvent à déplorer pendant la compétition. Les contrôles sanguins dits pre start sont confiés au laboratoire de Lausanne. Pendant la compétition, l'AFLD et l'UCI détermineront, conjointement et le plus tardivement possible avant l'arrivée, les coureurs qui feront l'objet de contrôles ciblés, méthode sensiblement plus efficace que celle consistant à tirer au sort les sportifs contrôlés. Enfin, les échantillons prélevés seront conservés pour des contrôles ultérieurs.
S'agissant des dispositions législatives et réglementaires, le ministère des sports doit prochainement prendre une circulaire relative au regroupement des correspondants antidopage, même si le récent changement de Gouvernement a retardé cette initiative. En outre, dès que les scientifiques du collège de l'agence auront une certitude sur un profil stéroïdien fiable au regard de la prise d'anabolisants, je demanderai, après avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), la publication d'un décret semblable à ceux du 27 décembre 2013. Nous attendons également le projet de loi de modernisation du sport, dont l'une des mesures les plus efficaces me semble être la lutte contre le dopage dans les salles de culturisme où la prise d'anabolisants se développe dangereusement. Aujourd'hui, l'agence ne dispose pas des moyens suffisants pour intervenir, dans la mesure où le culturisme ne constitue pas un sport en tant que tel. Ces dérives ont d'ailleurs récemment été dénoncées dans un article du Monde. Le projet de loi prévoit, à cet égard, que pourront être prises, à l'encontre des athlètes fautifs, des sanctions sportives ou pénales. Il me semble également essentiel de développer les modes de preuves de dopage autres qu'analytiques. Dans ce cadre, comme la commission d'enquête sénatoriale s'en faisait l'écho, la politique dite de clémence constitue une solution intéressante. Les fédérations sportives n'y sont pourtant guère favorables ; il est vrai que cette proposition ressort plus certainement d'une culture anglo-saxonne.
Enfin, j'aimerais aborder le cas de Lance Amstrong. Si les dénonciations de ses actes par ses co-équipiers ont certes été décisives, il convient de rappeler que ce sont les tests antidopage réalisés en amont sur Floyd Landis, contrôlé positif à la testostérone, et Taylor Hamilton, sur passeport biologique, qui ont conduit au lancement d'une procédure. Ces échantillons, sur lesquels s'est appuyée l'agence américaine antidopage (USADA), avaient été conservés par l'AFLD et transmis à cette instance lors des rencontres des 12 et 13 mars 2012.