Intervention de Anne Thida Norodom

Mission commune d'information sur la gouvernance mondiale de l'Internet — Réunion du 10 avril 2014 : 1ère réunion
Audition de Mme Anne Thida norodom professeur à l'université de rouen codirectrice du centre universitaire rouennais d'études juridiques

Anne Thida Norodom, professeur à l'université de Rouen :

Les récentes déclarations de l'administration Obama, qui s'est dite prête à lâcher prise sur l'ICANN, changent la donne. Les reproches majeurs adressés à l'ICANN sont de deux sortes. Chargée, avec l'attribution des noms de domaine, de la gestion de l'ordre public international, c'est une société privée, de droit américain, en relation étroite avec le département du Commerce qui permet au gouvernement américain de modifier l'instrument contractuel comme bon lui semble. Des moyens de contrôle ont cependant été mis en place, comme l'obligation de rendre des comptes au Congrès, mais le fait est que les États-Unis restent très prégnants... Néanmoins, les déclarations d'Obama remettent tout en question. Va-t-on s'acheminer vers un statut hybride à l'image de celui du CICR (Comité international de la croix rouge) ? Les Américains sont-ils prêts à donner à l'ICANN les garanties d'indépendance nécessaires pour asseoir sa légitimité ? Reste que l'ICANN ne concentre qu'une partie de la gouvernance de l'Internet. Les questions relatives à la protection des données et à la sécurité ne relèvent pas d'elle.

Parmi les mécanismes de redevabilité, la procédure de l'objecteur indépendant me semble intéressante. Il peut formuler des objections aux candidats qui souhaitent acquérir un nom de domaine sous deux motifs : un intérêt public limité et les oppositions de la communauté. Leur dépôt se fait auprès de la cour d'arbitrage de la chambre de commerce internationale, qui désigne des experts - un seul pour les objections communautaires, un panel de trois pour celles qui sont fondées sur l'intérêt public limité - chargés de se prononcer sur le bien-fondé des objections. Les décisions - determinations, en anglais - des panels n'ont pas valeur contraignante pour l'ICANN, qui garde latitude de décider, in fine, du sort à réserver à la candidature à un nom de domaine, mais il est clair qu'il lui est difficile de passer outre.

La procédure de l'alerte précoce (early warning) permet aux États de signaler une candidature jugée problématique au regard de leur législation nationale ou de leurs intérêts - comme, par exemple, le dépôt d'un nom de domaine susceptible de donner lieu à polémique. Il existe également une procédure spécifique pour les organisations internationales, destinée à éviter le cybersquatting, soit l'acquisition par des tiers de noms de domaines les intéressant à seule fin de les leur revendre moyennant finances. Enfin, les utilisateurs sont associés à la gouvernance, grâce à des procédures qui les invitent à rejoindre la communauté « at large », dont le comité consultatif est chargé de rendre des avis afin de refléter le point de vue des internautes. On est donc bien dans la culture américaine de l'accountability, rendue néanmoins problématique en raison des liens entre l'ICANN et le gouvernement américain.

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