Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 21 mai 2014 à 14h30
Débat sur le climat et l'énergie en europe

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

Depuis l’élection de François Hollande, cette inscription de la France dans une stratégie énergétique européenne est devenue une constante du discours présidentiel, qu’il faut souligner et soutenir.

Ainsi, dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, Delphine Batho avait tenu à inviter le ministre allemand de l’énergie de l’époque, Peter Altmaier, qui était venu souligner à Paris le destin lié des modèles énergétiques et électriques des deux pays et rappeler que c’est sur l’énergie et sur la CECA, la Communauté européenne du charbon et de l’acier, que s’était construite l’Europe.

Le Président de la République a depuis lors évoqué un projet « d’Airbus de l’énergie ». Celui-ci n’a pas été vraiment précisé, mais on voit bien qu’une volonté existe, s’affiche, et qu’il faut donc la transformer en actes concrets.

Aujourd’hui, il faut passer des déclarations aux décisions. Pour cela, nous avons besoin d’une stratégie européenne forte. Nous sommes à un moment clef pour la définition de cette stratégie, puisque l’Union européenne est en train de discuter de ses objectifs énergie-climat pour 2030, lesquels prendront la relève du paquet énergie-climat de 2008 et du fameux « 3x20 » du paquet 2020 : une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, une amélioration de 20 % de l’efficacité énergétique et une part de 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie.

La Commission européenne a présenté en janvier dernier sa première copie, qui devait être adoptée par le Conseil européen de mars dernier. L’actualité ukrainienne et bien d’autres considérations liées au calendrier politique européen ont quelque peu bouleversé l’ordre du jour, et les chefs d’État ont reporté les discussions au Conseil européen d’octobre prochain. Madame la ministre, ce sera un rendez-vous particulièrement important.

Les propositions qui sont aujourd’hui sur la table ne brillent malheureusement pas par leur ambition.

Premièrement, il est prévu une baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, soit un niveau insuffisant pour s’inscrire dans la trajectoire d’une réduction de 80 % à 95 % en 2050. Cet objectif ne nécessite guère d’augmenter l’effort, tant c’est aujourd’hui, à peu de chose près, la pente européenne naturelle de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Deuxièmement, la part des énergies renouvelables dans la consommation finale serait fixée à 27 %. Cet objectif n’est pas décliné en objectifs nationaux, et il est très en dessous de ce qui est potentiellement réalisable. Nous ne nous expliquons pas l’absence de volontarisme des négociateurs français sur ce point, sachant que, sans objectifs nationaux précis, les efforts risquent d’être faibles et disparates.

Troisièmement, et enfin, aucun objectif n’est défini en termes de réduction de la consommation d’énergie dans l’attente de la révision par la Commission européenne, après la compilation des plans nationaux qui lui sont actuellement envoyés, de la directive sur l’efficacité énergétique de 2012.

Sur cet objectif de 2030, les discussions portent aujourd’hui sur des scénarios allant de 25 % à 40 % de réduction de la consommation, mais, même dans le cas où un objectif de 40 % serait retenu, ce serait bien en dessous du potentiel. J’espère que vous nous rassurerez, madame la ministre, sur la volonté de la France de soutenir des objectifs particulièrement ambitieux.

Les eurodéputés écologistes regrettent aujourd'hui ce manque d’ambition. Ils ont porté une tout autre vision lors des discussions sur la résolution du Parlement européen en février dernier.

Nous proposons d’inverser la logique : l’objectif de réduction de la consommation d’énergie doit être le point de départ de la stratégie sur la part des énergies renouvelables – si la consommation finale est réduite, la part de celles-ci augmente mathématiquement –, puis de celle de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce dernier objectif est renforcé par les deux premiers s’ils sont ambitieux.

Les écologistes proposent donc une réduction de 40 % de la consommation d’énergie primaire par rapport à 2010, ce qui équivaut à 47 % par rapport aux projections pour 2030 utilisées par la Commission européenne ; par ricochet, un objectif d’au moins 45 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale. Tout cela entraîne mathématiquement une réduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990.

On comprend bien que, sans ces trois objectifs contraignants et déclinés à l'échelle nationale, nous ne pourrons pas répondre au défi climatique. S’il ne vous est peut-être pas possible de nous livrer dès aujourd’hui la position de la France dans le cadre des négociations européennes de l’automne prochain, nous voudrions néanmoins, madame la ministre, que vous nous rassuriez, car la France ne s’est jusqu’à présent guère différenciée des propositions de la Commission européenne, pourtant notoirement insuffisantes.

J’aimerais m’arrêter un moment sur la question plus précise de la directive sur l’efficacité énergétique, l’un des trois piliers du « 3x20 ». Cette directive a été adoptée en 2012, à la suite d’un excellent travail réalisé par son rapporteur, notre collègue écologiste luxembourgeois, Claude Turmes.

J’en profite pour signaler qu’il y a aujourd'hui une nouvelle ministre écologiste de l’environnement au Luxembourg, Mme Carole Dieschbourg. Ce n’est pas rien, quand on sait que le Luxembourg présidera l’Union européenne pendant les négociations climatiques. Elle sera un soutien pour obtenir un accord ambitieux à Paris.

Conformément à ce qui était prévu, la France a remis à la fin du mois d’avril dernier à la Commission européenne son programme national d’amélioration de l’efficacité énergétique, le PNAEE, qui détaille la déclinaison nationale de la directive. Si l’on peut saluer le fait que la France ait remis ce document dans les temps, ce qui n’a pas toujours été le cas dans le passé, plusieurs éléments suscitent des interrogations.

Tout d’abord, la France se fixe le double objectif, conformément à l’article 3 de la directive, de réduire sa consommation énergétique à 131, 4 millions de tonnes équivalent pétrole, ou TEP, d’énergie finale et à 236, 3 millions de tonnes équivalent pétrole d’énergie primaire en 2020. L’article 2 de la directive précise que l’expression « consommation d’énergie primaire » s’entend comme la « consommation intérieure brute, à l’exclusion des utilisations non énergétiques ».

Or, dans le tableau de ventilation sectorielle des consommations d’énergie en 2020, on constate que la valeur de 236, 3 inclut la consommation finale non énergétique, qui s’élève à 16 millions de tonnes équivalent pétrole. J’espère que vous me suivez, mes chers collègues !

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