Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 21 mai 2014 à 14h30
Débat sur le climat et l'énergie en europe

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

Pourtant, sauver le marché du carbone européen, c’est aussi renforcer la compétitivité de nos grands groupes déjà résolument impliqués dans la transition énergétique, tout en renforçant nos chances d’atteindre nos objectifs climatiques en rendant le charbon trop cher, et plus encore le gaz de schiste. Nous devrions chercher ici des points de consensus, y compris en aidant les Polonais à se dégager du charbon. C’est par le renforcement de la solidarité européenne que nous avancerons, et non par la stigmatisation. Cela impliquerait aussi un véritable budget européen. On le voit, tout est lié.

Je le souligne, le marché carbone est une occasion de dégager des financements plus importants pour les États membres, la recette ETS tombant directement dans les caisses des États. Ces derniers pourraient utiliser ces sommes pour financer la transition énergétique et peut-être abonder le fameux Fonds vert, les 100 milliards de dollars pour le Sud promis sur un coin de table lors d’une négociation nocturne, une nuit de 2009 à Copenhague.

La solidarité avec les pays en développement, en leur donnant des moyens à la hauteur des problèmes d’atténuation et d’adaptation auxquels ils font face, sera un élément clef du futur accord de Paris en 2015. Nous ne devons jamais le perdre de vue.

La taxation des transactions financières, sur lesquelles les écologistes ont toujours été très mobilisés – vous le savez, mes chers collègues –, constitue une autre piste de financement dans un contexte de dépenses publiques extrêmement contraintes. Nous avions quelques espoirs en la matière. Onze États membres viennent de s’engager à lancer une taxe sur les transactions financières européennes. Après avoir été motrice sur ce point, la France semble aujourd’hui plus mesurée. Pouvez-vous, madame la ministre, nous rassurer ou, au moins, nous éclairer sur ce point ?

Cette approche européenne des enjeux énergétiques nécessite une logique de planification moins autocentrée, moins franco-française.

Il faut, par exemple, renforcer les interconnexions des réseaux électriques aux frontières et mettre en place, à l’échelle de l’Europe, des mécanismes visant à assurer le maintien d’une capacité de production électrique suffisante pour faire face aux pointes de consommation. On estime qu’une approche européenne du mécanisme de capacité diviserait les coûts par deux.

Cette logique d’intégration est connue. Interconnexion et marché commun de capacités réduiront les besoins d’installation en puissance supplémentaire – c’est l’intérêt général –, mais ils mettront aussi en évidence plus rapidement les surcapacités électriques, plus particulièrement dans un contexte européen, et maintenant français, de montée en puissance rapide des énergies renouvelables. Ils contribueront à accélérer la fermeture inéluctable de centrales nucléaires sans débouchés pour leur production.

Madame la ministre, l’hypothèse de la fermeture de 20 tranches nucléaires en France à l’horizon de 2025 est aujourd’hui assumée par votre ministère, et je me réjouis que vous ayez, encore hier, confirmé les grands objectifs du Président de la République, mais – le diable est toujours dans les détails – dans des décisions prises dans un temps et des périmètres différents.

J’attire notamment votre attention sur le fait que les décrets actuellement en discussion en France sur le futur mécanisme de capacité devront être compatibles avec la volonté d’intégration européenne, et non continuer de participer d’une ligne Maginot de la politique électrique française, dont on connaît les conséquences à terme sur la fragilisation de notre économie.

Je ne vous demande évidemment pas de m’apporter cette après-midi des réponses techniques précises sur ces sujets, madame la ministre, mais je tiens à rappeler à quel point, dans ce débat, il faut toujours de la cohérence entre les grands objectifs et les décisions techniques les plus précises.

De même, mais je n’ai pas le temps de m’attarder sur ces points, il nous faudrait analyser les conséquences précises des dernières directives sur le soutien financier aux énergies renouvelables, voire revenir sur la question des concessions hydrauliques – un dossier auquel vous êtes tout particulièrement attentive – dans le cadre des réglementations européennes.

Quand on tire le fil – électrique ! §– de l’ensemble des enjeux liés à l’énergie, le débat devient d’une grande complexité : chaque décision, même minime, doit être vue à l’aune de la vision d’ensemble, de nos priorités principales. Tel sera aussi l’enjeu de la future loi sur la transition énergétique.

En conclusion, je sais que vous êtes, madame la ministre, très engagée dans cette approche positive de la transition écologique et énergétique. Il y va de l’emploi et du développement des filières économiques.

Dans le domaine de la recherche sur l’énergie solaire, le stockage de l’électricité, l’éolien off shore, la France est forte, d’autant que nous voyons – enfin ! – nos grands leaders industriels du secteur énergétique investir dans ces domaines d’avenir.

Défendre, par exemple, un objectif européen de 30 % d’énergies renouvelables en 2030, c'est offrir la quasi-garantie de la création d’un million d’emplois en Europe. À l’échelle mondiale, un accord sur le climat représente une dynamique forte, y compris pour l’accès à l’énergie propre et renouvelable dans les pays du Sud. Ce sont des marchés considérables, sur lesquels nous devons être présents.

C’est donc la nécessité de construire un leader européen du photovoltaïque, qui serait adossé à un secteur de recherche où la France est en « pole position ». C’est également la restructuration des filières éoliennes, terrestres et offshore, qui sont aujourd'hui la réponse énergétique clef en Europe, avec un mégawattheure éolien terrestre nettement moins cher que le nucléaire. C’est donc une véritable stratégie industrielle, coordonnée au niveau européen, qu’il faut construire dans un délai court. Nous avons perdu trop de temps à nier, en restant bloqués dans la bulle du tout-nucléaire, la force de cette mutation mondiale du paradigme énergétique.

Je terminerai en évoquant le cas d’Alstom. Je suis aujourd’hui très inquiet pour l’avenir de la filière éolienne de cette entreprise en Basse-Loire, illustration de nos faiblesses et de nos retards. Je ne vous demanderai évidemment pas, madame la ministre, quel choix le Gouvernement a retenu entre Siemens et General Electric.

Notons néanmoins que, pour cette technologie spécifique, la modeste filière de fabrication en Basse-Loire n’aura guère de poids face aux très grandes usines du nord de l’Europe… Et dans le cas d’un rapprochement prévisible avec Areva, qui a développé au Havre une autre unité de fabrication et une autre technologie, la question de l’emploi dans l’éolien offshore en Basse-Loire serait posée.

Cela montre l’ampleur du retard que nous avons pris en la matière. Celui-ci ne se rattrapera pas, mais nous ne devons plus nous laisser distancer du fait d’entreprises trop petites et souvent en concurrence les unes avec les autres.

Je compte donc, madame la ministre, sur votre engagement résolu sur ces questions. C’est l’avenir de la France et de l’Europe qui se joue ici !

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