Intervention de Jean-François Husson

Réunion du 21 mai 2014 à 14h30
Débat sur le climat et l'énergie en europe

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rapport du GIEC publié cette année confirme les tendances envisagées, pour certaines, dès les années 1950 et, pour d’autres, dans les années 1970.

En effet, pour la première fois depuis trois millions d’années, la concentration en gaz carbonique dans l’atmosphère a dépassé durant un mois en continu, le mois d’avril 2014, le seuil de 400 parties par million. Inutile de dire que la tendance au réchauffement global s’aggrave. Pour la limiter à 2 degrés Celsius, il faudrait, d’après le climatologue Hervé Le Treut, diviser par trois les émissions mondiales.

Et pourtant, que constate-t-on ?

L’Europe de l’énergie est en panne : les vingt-huit pays membres peinent à transformer leurs efforts individuels en une stratégie collective. Depuis l’accident de Fukushima, les patriotismes énergétiques ont repris du poil de la bête au sein de l’Union, avec l’accentuation de stratégies nationales divergentes. En Allemagne, par exemple, la production d’électricité des centrales thermiques à charbon a atteint, l’an dernier, son plus haut niveau depuis la réunification. En Lorraine, on a connu des pics de pollution importants, en mars et en avril derniers, dus pour une large part à une pollution de l’air importée.

Une fois n’est pas coutume, je vais citer une analyse pertinente tirée d’un grand quotidien national du soir : « L’on en est encore, après dix-sept ans de supranationalité, à chercher comment définir une politique commune de l’énergie […]. Pouvait-on faire plus en une génération ? […] Entre les ambitions excessives et les hypocrisies nationales, les historiens […] auront bien du mal à faire le partage ». Ce jugement peu optimiste date du 9 mai, non pas 2014, mais 1970 !

Aujourd’hui, un constat similaire pourrait être dressé : l’Europe repousse à plus tard les choix nécessaires en raison de dissensions internes. Si la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France décidaient d’avancer ensemble, elles pourraient peut-être sécuriser leurs décisions et se fixer collectivement des objectifs ambitieux.

La France, malheureusement, semble avoir baissé les bras. Il ne faut pourtant pas manquer l’occasion unique de lui conférer un rôle de leader dans la négociation internationale devant mener à la 21e Conférence des parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ou COP 21, qui se tiendra à Paris en décembre 2015.

D’ailleurs, pour être crédibles lors de cette conférence et faciliter l’émergence d’un accord international accélérant la réaction face au dérèglement climatique, les chefs d’État européens doivent réaffirmer l’ambition d’une stratégie climatique européenne forte, en fixant dès à présent des objectifs réalistes de réduction des émissions de gaz à effet de serre de nature à faire remonter le prix du CO2 et donner ainsi un signal clair orientant nos choix énergétiques vers le bas carbone.

Alors que la France a un rôle de tout premier ordre à jouer sur le plan européen et international, les résultats ne sont pas à la hauteur.

Quelle ambition pour notre pays ?

Madame la ministre, vous souhaitez faire de la France l’une des premières puissances écologiques d’Europe. Vous misez sur la croissance verte et souhaitez en faire un formidable levier pour l’emploi, le pouvoir d’achat et le bien-être, objectifs que je partage.

Vous faites le pari du progrès économique, de la création d’emplois grâce à la croissance verte, de la social-écologie, du progrès écologique, un pari peut-être difficile à relever au regard des annonces non suivies d’effets depuis l’arrivée aux responsabilités de votre majorité, en 2012 !

Je ne vous ferai pas l’affront d’une liste exhaustive des annonces du Président de la République restées sans lendemain. Il a pourtant promis de suggérer aux partenaires une communauté européenne de l’énergie ; il en a parlé en 2012, en 2013… Et puis plus rien ! Il a évoqué un « Airbus de l’énergie » et proposé de faire de la transition énergétique le nouveau moteur de la coopération franco-allemande ; je me souviens des propos de Mme Batho en 2013.

Il faut certainement moins promettre pour mieux agir.

Car les renoncements se multiplient, hélas ! Le Gouvernement finit par détricoter les résultats pourtant tangibles obtenus à la suite du Grenelle de l’environnement.

J’y ai fait référence à propos de la loi de programmation sur la transition énergétique, maintes fois reportée. Vous souhaitez qu’elle soit votre « grande œuvre ». Vous prônez une loi qui « entraîne », qui « fasse bouger les choses d’en bas ». Il faut, dites-vous, « bousculer les résistances et les conformismes sur le terrain ». Comment croire que vous puissiez faire mieux que vos prédécesseurs ?

Les engagements pris jusqu’alors ont singulièrement manqué de cohérence. Comment, par exemple, lancer un plan de baisse ou de réduction de la place du nucléaire sans action réfléchie et partenariale autour des énergies renouvelables ?

Que dire du photovoltaïque en France, qui connaît une période de crise inquiétante ? La Cour des comptes note que le nombre d’emplois a été divisé par deux entre 2010 et 2012. Comment comptez-vous redonner du souffle à cette filière ?

Je prendrai un exemple tiré de mon département, la Meurthe-et-Moselle.

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