Intervention de Bernadette Bourzai

Réunion du 21 mai 2014 à 14h30
Débat sur le climat et l'énergie en europe

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à quelques jours d’un scrutin décisif pour l’avenir de l’Europe, le débat de grande qualité que nous tenons aujourd’hui possède une résonnance toute particulière.

Le réchauffement climatique est un défi majeur – plusieurs de mes collègues l’ont rappelé –, auquel la France, comme l’Europe et tous les autres pays du monde, est confrontée. Il est donc utile que ce débat nous soit proposé dans sa dimension européenne, et pas seulement franco-allemande, car c’est bien le cadre pertinent dans lequel nous devons l’envisager.

Ce cadre se fonde sur les objectifs fixés par la communication de la Commission européenne, parue au mois de janvier dernier, intitulée Objectifs pour 2030 en matière de climat et d’énergie en faveur d’une économie de l’UE compétitive, sûre et à faibles émissions de carbone, et qui prend la suite du paquet énergie-climat pour 2020. D’autres textes de la Commission, tels que sa feuille de route pour l’énergie à l’horizon 2050 et sa feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l’horizon 2050, contribuent également à déterminer des perspectives.

Ces documents reflètent l’objectif de l’Union européenne visant à réduire d’ici à 2050 les émissions de gaz à effet de serre de 80 à 95 % par rapport aux niveaux de 1990, et exposent la structure des efforts que devront déployer les pays développés.

L’Union européenne a certes progressé et obtenu des résultats dans le cadre actuel d’action pour le climat et l’énergie, appelé « paquet énergie-climat 2020 » et résumé par le principe dit des « 3x20 », lequel a été déjà largement développé par mes collègues ; je n’y reviens donc pas.

L’Union est désormais en bonne voie pour atteindre les objectifs fixés en matière de réduction des gaz à effet de serre et d’énergies renouvelables. Des progrès notables ont été accomplis en ce qui concerne l’efficacité énergétique, mais ils sont inégaux, il est vrai, selon les pays.

Selon les données d’Eurostat, en 2012, les émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 18 % et la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie a augmenté de 13 % ; cette dernière devrait encore enregistrer une hausse pour s’établir à 21 % en 2020 et à 24 % en 2030.

Toutefois, il est nécessaire de s’engager de façon plus ambitieuse et d’aller au-delà de la réduction des émissions des gaz à effet de serre, en fixant des objectifs plus solides en matière d’énergies renouvelables à l’horizon 2030.

Il manque encore une ambition commune pour une politique de l’énergie globale en Europe, mieux coordonnée, voire intégrée : le travail doit porter non seulement sur le mix énergétique, propre à chaque pays, mais aussi sur la chaîne de transport des énergies et les usages. Je mentionnerai également la fiscalité, qui est un outil important.

J’interviendrai d’ailleurs prochainement, au nom de la commission des affaires européennes du Sénat, sur la restructuration du cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, qui résulte notamment de l’échec du système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, à savoir le fameux marché du carbone.

Voilà quelques jours, les 15 et 16 mai dernier, se tenait à Athènes une réunion informelle des ministres de l’énergie au cours de laquelle la présidence grecque a rappelé, ce que nous pouvons saluer, la nécessité de disposer d’un accord global ambitieux et juridiquement contraignant, en vue de lutter contre le changement climatique. Toutefois, il est regrettable que les décisions sur ce nouveau paquet énergie-climat à l’horizon 2030 soient reportées, pour le moment, au mois d’octobre prochain. Peut-être aurez-vous, madame la ministre, quelques informations à nous donner sur la position française en la matière, après le rapport remis au ministère sur ce sujet par M. Jean-Michel Charpin à la fin du mois de février.

Au-delà, ce conseil informel a surtout été l’occasion de se pencher – la crise actuelle en Ukraine en a été l’événement révélateur – sur la question de la sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’Europe. Car c’est bien là l’autre défi qui se pose à l’Union européenne pour assurer un avenir durable : elle doit aller vers une économie sobre en carbone, mais aussi promouvoir sa sécurité énergétique.

Selon les informations dont nous disposons sur ce conseil informel, au sujet duquel vous allez sans doute nous instruire, la stratégie envisagée en matière de sécurité énergétique par l’Union européenne inclurait la diversification de ses voies d’approvisionnement, afin de réduire sa dépendance à l’égard de la Russie. L’Union européenne compterait également améliorer les installations de stockage d’énergie, intégrer les technologies d’inversion de flux et développer le réseau d’interconnexions en vue de renforcer le système de transport gazier déjà en place sur le continent, en particulier en Europe centrale et en Europe du Sud. On agirait ainsi sur le plan tant des infrastructures européennes, pour créer de véritables réseaux européens, que des relations avec les pays fournisseurs.

Je partage cette approche et souhaiterais revenir sur la nécessité d’investissements communs dans les infrastructures d’interconnexion, qui répondent également à la nécessaire solidarité entre les États membres de l’Union européenne.

Ayant été rapporteur de la commission des affaires européennes du Sénat sur les textes relatifs au Mécanisme pour l’interconnexion en Europe, je tiens à défendre cette démarche.

Les objectifs sont multiples : améliorer la sécurité d’approvisionnement, accompagner le développement des énergies renouvelables et réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Pour ce faire, cette nouvelle étape était nécessaire. En effet, il s’agit non plus de rafistoler ou de relier des réseaux nationaux, mais d’avoir une vision d’ensemble des réseaux dans toute l’Union européenne. À cette fin, cette approche plus centralisée devait être soutenue, pour concentrer les moyens sur les réseaux de dimension européenne.

Car l’Union, qui peut apporter une plus-value réelle, est pleinement légitime pour renforcer ses actions sur ces infrastructures très spécifiques, en accordant la priorité à l’interopérabilité, aux corridors ou à l’accompagnement du développement des énergies renouvelables qui vont dans la bonne direction et placent l’action de l’Union européenne au bon niveau.

Ces investissements dans les réseaux transeuropéens sont l’exemple type de dépenses d’avenir qui ne peuvent être évaluées sous le seul angle du taux de retour pour chaque État membre. Ce sont des équipements pour les prochaines décennies. Au moment où l’on cherche des relais de croissance, il ne faut pas sacrifier ces investissements pérennes, bien au contraire.

C’est pourquoi je me félicite de l’ouverture, le 12 mai dernier, du premier appel à propositions dans le cadre du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe, pour un montant de 750 millions d’euros destiné à des projets de première priorité, principalement dans les secteurs du gaz et de l’électricité.

Cette aide financière de l’Union européenne contribuera à rendre effectifs les mécanismes de solidarité entre les États membres.

Au-delà de ces réseaux européens, nos choix stratégiques en matière d’investissements nationaux doivent être envisagés pour la période postérieure à 2020. C’est un enjeu majeur : nous le savons bien, les investissements énergétiques s’inscrivent dans le long terme. Les infrastructures construites voilà trente ou quarante ans doivent être renouvelées maintenant, car c’est aujourd’hui que nous devons construire celles qui alimenteront nos foyers, nos entreprises et notre industrie en 2050.

Au moment où s’engage en France la discussion sur la transition énergétique, je ne peux que me réjouir de l’accélération qui lui est donnée depuis quelques semaines. Nous devons être ambitieux non seulement pour notre pays, mais également pour l’Europe, que nous devons rendre plus efficace en matière énergétique. Il convient même d’aller vers une politique européenne de l’énergie, s’inscrivant dans la lignée de l’initiative CECA et Euratom des origines.

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