Encore une fois, le Haut conseil n'est pas mandaté pour trancher. Il n'est pas une enceinte de négociation. Sur la question du passage au barème, nous nous sommes bornés à un constat : il y a eu des évolutions mais nous sommes au milieu du gué. Ce que nous pouvons faire, c'est donner un éclairage technique sur les évolutions à venir selon que l'on considère ou non que l'on passe au barème.
Pour ce qui concerne la fonction redistributive, nous avons fait un important travail sur l'ensemble du système de protection sociale. Dans les comptes de la protection sociale, on trouve des prestations en nature et des prélèvements. Ce sont avant tout les prestations qui jouent un rôle redistributif, en particulier quand elles sont forfaitaires, comme les allocations familiales ou les remboursements maladie. Du côté des prélèvements, qui financent la protection sociale, nous avons pointé un paradoxe : il y a plus de progressivité dans les cotisations employeur, du fait des allègements, que dans les prélèvements supportés par les salariés, qui comptent aussi la CSG, très légèrement progressive. Il est au demeurant logique, dans un système de redistribution, que celle-ci soit assurée par des prestations dont le financement est assis sur un spectre de prélèvement assez large et général. Nous avons cependant recherché s'il existait des moyens d'accroître la progressivité des prélèvements à la charge des assurés. L'idée qui vient naturellement à l'esprit est de rendre la CSG progressive, mais la jurisprudence constitutionnelle rend la chose peu praticable, au point que dans la dernière version du pacte de responsabilité, le Gouvernement se propose plutôt de passer par les cotisations sociales. Il est vrai que la CSG se classant sous le registre des impositions de toutes natures, elle eût été la voie la plus logique vers la progressivité, mais la jurisprudence constitutionnelle imposant que soient prises en compte les ressources du ménage, cela supposait que l'entreprise, qui précompte la CSG, soit informée de la situation financière des ménages, avec toutes les difficultés que cela soulève.
J'en viens à la question du ciblage. Si l'on cherche un effet sur l'emploi, il est clair que les allègements sur les bas salaires ont un effet plus important. Au regard d'un scénario d'allègements uniformes, la fourchette, dans un scénario concentré sur les bas salaires, est de 30 000 à 80 000 emplois supplémentaires - la modélisation du Trésor donnant un différentiel plus important que le modèle Némesis de l'équipe Erasme. Mais, dans le même temps, on constate que les allègements généraux sur les bas salaires bénéficient davantage à certains secteurs, comme l'hôtellerie, les moins exposés à la concurrence internationale. Si l'on vise un effet compétitivité, au bénéfice du secteur industriel, plus exposé, en vue d'une répercussion sur les prix, l'exportation, les parts de marché, et in fine l'emploi, alors, cela suppose des exonérations moins concentrées sur les bas salaires, qui profitent davantage à l'industrie mais créent, pour la même somme, moins d'emplois directs. Il y a débat, le problème tenant au fait qu'on se sert d'un même outil pour servir deux objectifs qui ne sont que partiellement convergents.