La France, comme vous le savez, a été l'un des acteurs clés de cette convention, au moment de son élaboration et de son adoption par la conférence générale de l'UNESCO, en octobre 2005. Alors même que la convention est aujourd'hui ratifiée par 134 parties, nous pouvons constater que, plus que jamais, les principes et les objectifs de la convention, qui figurent dans l'agenda européen sur la culture depuis 2007, sont au coeur des préoccupations actuelles.
Je ne prendrai qu'un seul exemple, très médiatisé en raison des débats qui entourent actuellement les négociations sur l'accord commercial transatlantique : afin que l'accord ne comporte aucun risque de remise en cause de la diversité culturelle et linguistique européenne, de nombreux responsables politiques et acteurs culturels ont obtenu que les services culturels et audiovisuels soient exclus du mandat de négociation de la Commission, en s'appuyant spécifiquement sur la convention.
La convention de 2005 n'est pas une invention de l'UNESCO mais le fruit d'une étroite négociation entre États et représentants de la société civile. Plus encore, elle est le résultat d'un long cheminement politique et théorique. Théorique d'abord avec, d'une part, les travaux de la commission mondiale de 1995 sur la culture et le développement et son rapport Notre diversité créative et, d'autre part, la Conférence mondiale de Stockholm de 1998 sur les politiques culturelles. Politique ensuite, avec l'adoption à l'unanimité de la déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle en 2001, dont le point fort est d'articuler diversité culturelle et pluralisme, droits de l'homme, accès au savoir et liberté d'expression.
À chacune de ces étapes, une évolution majeure se fait jour, qui nous fait passer d'une vision de la diversité culturelle comme question identitaire, c'est-à-dire la sauvegarde de la pluralité et de la coexistence des identités, à un enjeu davantage centré sur les questions de créativité et d'expression culturelle, en tant que sources de développement économique et social. Parce que la diversité des expressions culturelles assure la rencontre des cultures et leurs échanges, elle est de ce fait reconnue comme étant le réservoir de la créativité de demain. Ceci implique que si toutes les cultures trouvent un espace d'expression et un environnement propice au partage, les expressions des autres cultures seront comme autant de chances d'interaction et d'enrichissement et non comme un défi à la diversité culturelle, non comme une menace.
La convention de 2005 est le résultat de deux éléments :
- une rupture juridique, d'abord, puisqu'elle reconnaît pour la première fois en droit la nature spécifique des biens et services culturels en tant que porteurs d'identité, de valeurs et de sens, et donc la double nature complémentaire, symbolique et économique, de la culture. En outre, elle réaffirme le droit souverain de chaque État de soutenir de manière spécifique, chacune des expressions culturelles qu'il entend protéger et promouvoir. Elle l'encourage, dans le cadre de sa politique culturelle, à prendre toutes les mesures administratives et juridiques qu'il juge nécessaire.
- l'aboutissement d'un processus ensuite, car elle est dédiée spécifiquement à la diversité des expressions culturelles transmis par les biens et services culturels, vecteurs contemporains de la diffusion de la culture. En termes d'objectifs, la convention de 2005 postule ainsi que toutes les expressions culturelles résultent bien de la créativité des individus, des groupes et des sociétés.
Afin de préserver cette diversité à toutes les étapes de la chaîne de valeur culturelle, la convention encourage donc les parties à mettre en place des cadres institutionnels et juridiques de gouvernance de la culture qui soient à la fois ouverts, transparents et participatifs, dans un dialogue permanent avec la société civile. Elle est en cela, un véritable instrument de démocratisation culturelle.
La question essentielle de l'impact du numérique appelle à repenser les circuits d'accès, de distribution, de co-production, la circulation des biens et services culturels, la mobilité des artistes et les programmes éducatifs. Lors du dernier du forum « Avenir de la culture, avenir de l'Europe », organisé à Paris les 4 et 5 avril par la ministre de la culture et de la communication de la France, a été adoptée une stratégie européenne de la culture à l'ère numérique, qui s'inspire des principes de la convention. Même si aucun article de cette dernière ne vise explicitement les technologies numériques, cet instrument se conforme implicitement au principe de neutralité technologique.
Nous célébrons aujourd'hui, 21 mai, la Journée mondiale de la diversité culturelle pour le dialogue et le développement. Le message porté par l'UNESCO est que cette diversité est une ressource précieuse pour atteindre les objectifs de développement, qu'il s'agisse de lutter contre la pauvreté, de promouvoir l'égalité des sexes, l'éducation de qualité ou les droits humains.
L'UNESCO met tout en oeuvre pour assurer l'intégration de la culture dans l'agenda du développement post-2015. La résolution adoptée en décembre 2013 par l'assemblée générale des Nations unies, qui reconnaît le rôle de la culture comme moteur et facilitateur de développement durable, tombe à point nommé pour mobiliser encore davantage le potentiel de la diversité culturelle, qui contribuera à la réalisation des objectifs de développement.
Nous comptons sur la France pour faire passer ce message de plaidoyer afin d'encourager la promotion de la diversité culturelle, défendre les artistes sur les marchés internationaux et soutenir l'industrie culturelle indépendante.
En conclusion, ce qui se joue dans la convention de l'UNESCO, au-delà de la protection et promotion de la diversité des biens et services culturels, c'est bien notre capacité à forger des stratégies de développement plus innovantes, et plus durables.