Mon intervention vise à brosser un tableau des différentes manières dont se traduit la notion de diversité culturelle dans les politiques de l'Union européenne. Sans qu'il y ait à proprement parler de politique commune de la culture, s'affirme progressivement ce que l'on pourrait nommer « une approche culturelle de l'Union » qui se noue autour des questions commerciales et de la protection des droits de la personne et de la propriété intellectuelle. Aujourd'hui, cette approche culturelle est à vrai dire fortement polarisée sur le volet économique et commercial. Elle se traduit d'abord dans les accords internationaux, bilatéraux ou régionaux que l'Union européenne négocie.
Au-delà des accords en cours de négociation avec les États-Unis, qui sont placés sous les projecteurs, il faut aussi être vigilant sur la façon dont la diversité culturelle est prise en compte dans l'ensemble des accords internationaux. Il y a déjà eu une interprétation de ce concept dans des accords négociés avec le Canada et la Corée du Sud. D'accord en accord, les interprétations divergent si bien qu'il faut reconnaître qu'un certain flou risque d'entourer la notion de diversité culturelle en général. Dans tous les accords internationaux, qu'ils soient de rapprochement, de voisinage ou de négociation économique, un attendu visant la convention de l'UNESCO est systématiquement inséré. C'est un premier socle qu'il faut consolider.
Le mandat d'ouverture des négociations commerciales avec les États-Unis mentionne explicitement une exception culturelle pour sortir l'action culturelle du champ contractuel. Ce signe ne constitue pas un verrou définitif. Les négociations doivent permettre de trouver un terrain d'entente entre un espace peu régulé, les États-Unis, et un espace très normé, l'Union européenne. Chacun devra faire un pas vers l'autre et il n'est pas totalement exclu que chemin faisant, le dossier de l'exception culturelle soit réouvert. Il faut donc rester vigilant.
Par ailleurs, la diversité culturelle doit se transcrire dans des verrous législatifs. Selon l'interprétation des droits de la propriété intellectuelle qui sera retenue dans les textes communautaires, on verra apparaître des dispositifs plus ou moins ouverts ou plus ou moins fermés dans les États européens. C'est le même processus qu'enclenchera la discussion des normes communautaires régulant les aides publiques qui pourraient, plus ou moins, limiter la liberté d'intervention des pouvoirs publics en soutien à la culture.
C'est aussi au niveau, souvent délaissé, du cadre programmatique dessiné par les stratégies de l'Union, qu'il conviendra de peser car s'y joue aussi la question de la diversité culturelle. Le seul programme qui aujourd'hui aborde véritablement cette question est dénommé « Europe créative ». Il représente 1,4 milliard d'euros et il est destiné au soutien aux médias et à l'action culturelle, notamment le cinéma.
Dans les débats actuels sur les politiques de l'Union, se discute déjà la possibilité de faire émerger une véritable politique communautaire de la culture mais il faut se garder d'un optimisme un peu trop rapide car il n'existe pas de consensus mais de vraies tensions au sein de l'Union sur cette question. Il ne faut pas, par exemple, surestimer la force du consensus apparent sur l'exclusion de la culture hors du champ de négociations commerciales avec les États-Unis. Nous aurions d'ailleurs tort de nous restreindre à la seule défense de l'exception culturelle pour promouvoir une politique de la diversité culturelle. Il faut élargir la focale et parallèlement, construire des alliances solides avec d'autres États membres, puisque nous n'avancerons pas à vingt-huit.