Pour pouvoir répondre à vos questions, il faut des balises, la première supposant une définition de la culture à tous les échelons de décision. Deux approches sont possibles pour définir la culture. La première approche est sectorielle et nous mène à l'exception culturelle. La seconde consiste à envisager la culture à travers les langues, les modes de vie, les traditions... C'est la vision de l'UNESCO. L'enjeu est de faire l'humanité en reconnaissant les droits des personnes. La question des droits humains est terriblement d'actualité lorsque l'on pense à Boko Haram ou au repli identitaire à la veille des élections européennes. De ce point de vue, l'enjeu politique de la culture devient aussi pragmatique que celui de la balance commerciale. La définition de la culture constitue, de ce point de vue, un choix stratégique qui implique une négociation tant locale qu'internationale, dont on a vu les résultats au congrès international d'Hangzhou - en Chine - qui s'est tenu du 15 au 17 mai 2013 sur la « Culture : clé du développement durable ». La conclusion de cette rencontre est que l'enjeu premier doit être de mobiliser la culture et la compréhension mutuelle pour favoriser la paix et la réconciliation. Le deuxième enjeu est relatif aux droits culturels des personnes. Enfin, le troisième enjeu, qui n'est pas incompatible avec le précédent, est de réduire la pauvreté et assurer un développement économique inclusif. Aussi est-il impératif de passer d'une logique de rentabilité à une logique d'inclusion dans une société. Ces conclusions devraient être un référentiel pour nous.
Nous sommes attentifs aux réflexions du Conseil de l'Europe. La convention de Faro sur la politique publique du patrimoine, qui reconnaît à toute personne le droit de s'impliquer dans le patrimoine culturel de son choix, sera-t-elle ratifiée ou non par la France ? Si le Parlement ratifie ce texte, la définition de l'enjeu culturel sera un enjeu à la fois de droit humain et de la rentabilité économique.
Pour cette raison, j'ai proposé à la ville de Bordeaux, qui a été classée au patrimoine de l'humanité de l'UNESCO, de créer un fonds de solidarité patrimoniale, pour que l'avantage économique d'une croissance touristique de 30 à 40 % bénéficie également aux autres sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial, mais dont le patrimoine se dégrade, faute de contexte favorable. Il s'agirait donc de reconnaître une solidarité entre les différents sites du patrimoine de l'humanité. À ce jour, je n'ai pas reçu de réponse.
L'enjeu de diversité culturelle a été confisqué par un certain nombre d'intérêts économiques. Nous devons construire ensemble une éthique publique dans le cadre d'un développement durable humain.