Je ne me risquerai pas à répondre à la place du ministre de l'Éducation nationale au sujet du report de la rentrée scolaire. La DGAFP exerce en réalité trois missions, qui la relient toutes au programme ONP. Tout d'abord, la modernisation, la professionnalisation et la recherche d'une plus grande efficacité en matière de gestion des ressources humaines dans l'ensemble de la fonction publique, en particulier dans les ministères, notamment en termes de promotion de la mobilité, de dématérialisation du dossier des fonctionnaires, etc. Notre deuxième mission est réglementaire et très liée au projet ONP : nous sommes les rédacteurs des règles statutaires et indemnitaires qui alimentent donc la paye de l'ensemble des fonctionnaires. Nous vérifions, en lien avec la direction du budget, la régularité et l'équité des règles qu'édictent les ministères. La dernière mission d'importance de la DGAFP est un service statistique ministériel qui produit, en lien avec l'INSEE, les données relatives à l'emploi public et aux rémunérations.
La genèse du programme ONP remonte à la fin des années 1990 et au début des années 2000, avec deux étapes majeures. En 1998 et 1999 sont tout d'abord parus deux rapports particuliers de la Cour des comptes sur la gestion des personnels de l'État, qui faisaient état de modalités de paye et de gestion des agents publics peu satisfaisantes, d'un manque de transparence sur les règles de paye, et d'une insuffisante connaissance de l'emploi public et des rémunérations. L'adoption de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en 2001 est la deuxième étape. Les ministères ont alors préparé le basculement dans le nouveau cadre budgétaire qui est entré en vigueur en 2006. Les principes de la LOLF sont les suivants : masse salariale, fongibilité asymétrique, emplois en équivalents temps plein travaillé (ETPT). Ils ont conduit à un renouvellement très substantiel des règles de pilotage budgétaire des emplois et de la masse salariale au sein des ministères. Ces deux éléments ont justifié la promotion par les ministères et les directions interministérielles de la modernisation de leurs outils. C'est dans ce contexte que l'un de mes prédécesseurs à la DGAFP a lancé les travaux qui ont préfiguré l'ONP. Il a promu l'idée d'un SIRH commun à tous les ministères permettant de disposer a minima d'un noyau commun en vue d'un pilotage de la masse salariale et des rémunérations, répondant ainsi aux nécessités de la LOLF et aux critiques formulées par la Cour des comptes.
En 2005, l'inspection générale des finances (IGF) a par ailleurs produit un rapport très complet sur la gestion administrative et la paye dans les ministères. Ce rapport formulait deux principaux constats : d'une part, l'obsolescence technique de l'application PAY toujours en place aujourd'hui et, d'autre part, la nécessité pour succéder à cette application de mettre en place un SIRH interopérable avec un calculateur de paye, ce qui a conforté l'idée d'un modèle le plus intégré possible.
En 2007, le Gouvernement de l'époque arbitre et valide le modèle avec une réserve importante : il ne suit pas la préconisation d'un noyau commun à tous les ministères pour que l'ensemble du système fonctionne. Pour des raisons qui ne sont pas toutes illégitimes, le choix a été fait de laisser les ministères développer et moderniser leurs SIRH, le cas échéant avec des technologies différentes, voire spécifiques, en leur demandant simplement de se conformer aux exigences d'un noyau permettant ensuite le raccordement au calculateur de paye. C'est ainsi que l'ONP a été créé en 2007 et rattaché, d'une part, à la DGFiP et, d'autre part, à la DGAFP. Cette dernière s'est vu confier cette mission en raison de son rôle réglementaire et des travaux qu'elle avait menés pour développer un SIRH interministériel. La DGAFP a donc suivi l'ensemble du programme. Elle a établi la documentation du « noyau », c'est-à-dire la mise à plat des règles de gestion générant des mouvements en paye, les positions statutaires des agents, les règles et grilles indiciaires, etc. Elle a également conçu le futur système d'information décisionnel destiné à permettre la mise en place du nouveau système.
Je reviens sur les différents audits diligentés sur l'ONP. Aucun des rapports n'a jamais mis en cause les objectifs initiaux du programme, à savoir garantir une paye sécurisée et réactive, la qualité réglementaire et comptable, l'amélioration du service rendu aux agents et enfin l'amélioration pour les employeurs du pilotage de la masse salariale. Parmi les éléments de constat, on peut relever la complexité des systèmes de gestion des ministères et l'hétérogénéité des organisations ministérielles. Je citerai notamment celle du ministère de l'éducation nationale dont le SIRH est très complexe et très différent de celui du ministère de l'intérieur... Par ailleurs, nous faisons face à la complexité des règles de paye puisqu'il existe 1 700 régimes indemnitaires différents dans la fonction publique, sachant que 500 de ces régimes représentent 0,15 % de la dépense de primes. Il existe une multiplicité de petits régimes dont la justification est douteuse.
Certains acquis du programme ONP sont tout de même à relever, et certaines réformes importantes ont été engagées pour simplifier les règles de paye. Premièrement, dans le cadre du programme, les règles ont été identifiées et les écarts au droit ont été corrigés dans un certain nombre de cas. De ce point de vue-là, le programme ne peut être considéré comme totalement vain dans la mesure où il a permis de « remettre d'équerre » l'ensemble des règles de paye, dont certaines étaient d'une régularité douteuse. Des chantiers de simplification et d'harmonisation entre les ministères ont également été menés. J'en citerai trois. Le premier concerne la délégation de la gestion de l'indemnisation chômage, jusqu'alors de la responsabilité des ministères, à Pôle emploi ; ce chantier a généré des gains indiscutables d'efficacité et de productivité. Deuxièmement, le projet ONP a été l'occasion d'une harmonisation, par un décret de 2010, des règles complexes du régime des primes en cas de congés. Par exemple, en cas de congé maladie ou de congé maternité, les règles divergeaient entre ministères mais les pratiques différaient également au sein d'un même ministère selon que l'on travaillait dans tel ou tel service déconcentré. Dernier point, dans le cadre de l'ONP, tout le système indemnitaire des jurys de concours a été simplifié.
Enfin, même si ce n'est pas l'ONP qui a justifié seul ces réformes, je parlerai de quelques avancées intervenues entre 2005 et 2014. Nous sommes parvenus à passer de 1 000 corps - qui sont autant de statuts particuliers de la fonction publique - à 345 corps aujourd'hui. Cet effort a permis de simplifier la gestion des ressources humaines même s'il subsiste des corps aux effectifs très faibles, composés parfois de seulement quinze agents - ce qui suscite des interrogations en matière de rationalisation. Par ailleurs, le régime indemnitaire est en cours de simplification avec notamment la « prime de fonction et de résultat », à laquelle succédera un nouveau régime indemnitaire de référence pour l'ensemble des ministères à l'horizon 2017.
Personne ne conteste les difficultés intervenues lors de la mise en place du programme ONP. Il existe néanmoins un certain nombre d'acquis en termes de simplification réglementaire qu'il convient de poursuivre. Le programme a permis la mise en place d'une offre SIRH commune à un certain nombre de ministères qui semble solide techniquement. Le bilan de l'ONP doit donc être nuancé notamment sous l'angle des ressources humaines.