Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’entrer dans le débat sur la présente proposition de loi, je souhaite vous alerter sur l’état de notre société. Nous ne sommes pas des moralisateurs, mais il me semble nécessaire d’en avoir conscience et connaissance pour jouer notre rôle de responsables politiques.
À l’occasion de la préparation de mon rapport sur l’hypersexualisation des enfants, j’avais été choquée par les chiffres que j’ai découverts, et par la déliquescence de notre relation à la sexualité. Ainsi, 82 % des enfants âgés de onze à treize ans ont été confrontés à des images pornographiques violentes ; or entre 50 % et 80 % des agresseurs adultes commencent à commettre des infractions à l’adolescence. Ce sont là de véritables motifs d’inquiétude.
Mon collègue Jean-Pierre Godefroy et moi-même avions également été choqués, lors de notre travail sur la prostitution, par l’acceptation, la tolérance dont fait preuve notre société à l’égard des violences que subissent les personnes prostituées.
Nous constatons un certain oubli des principes fondamentaux : la sexualité doit être consentie ; elle ne doit s’exercer ni au sein de la famille ni avant la puberté.
Nous pouvons fermer les yeux et nous lamenter sur le coût de telles pratiques pour la société. Mais nous pouvons aussi fixer des limites.
Notre droit, la Constitution, notre bel ordonnancement juridique et la belle architecture du principe de prescription ne peuvent pas être pensés en dehors de la société et des hommes. Tout à l'heure, Muguette Dini a rappelé les chiffres colossaux : 383 000 personnes victimes de violences sexuelles, 26 000 dépôts de plainte, dont 6 000 pour viols sur mineurs. À côté de tous les discours que l’on entend sur les accidents de la route, on parle bien ici, je le répète, de 6 000 viols sur mineurs !
De surcroît, comme l’a rappelé Muguette Dini, ces chiffres sont doublement minorés : d’une part, il n’y a pas d’enquête sur les mineurs et, d’autre part, les petites victimes n’ont pas toujours conscience du caractère criminel de l’acte commis. Les violences sexuelles ne sont pas conscientisées comme telles par l’enfant dont le parent – père ou mère – lui explique que c’est normal et qu’il agit ainsi pour son bien. Dès lors, comment l’enfant peut-il avoir conscience qu’il s’agit d’un crime ? Comment peut-il même assumer ce conflit de loyauté ?
Par ailleurs, à la suite de ces violences sexuelles, qui sont décrites par les victimes comme une torture, peut se développer une amnésie post-traumatique, qui est nécessaire à la survie de la victime et est reconnue sur le plan médical.
Nous parlons donc de milliers de cas potentiels de violences sexuelles. Aussi ai-je été choquée de lire dans le rapport de la commission des lois que la présente proposition de loi s’inspirerait d’un fait divers et qu’elle aurait même été déposée sous la pression de lobbies sécuritaires !