Intervention de Jacky Fayolle

Mission commune d'information impact emploi des exonérations de cotisations sociales — Réunion du 28 mai 2014 : 1ère réunion
Audition conjointe de Mm. Jacky Fayolle directeur du centre etudes et prospective groupe alpha jean-françois poupard directeur général et jean-paul raillard chargé d'étude cabinet syndex

Jacky Fayolle, directeur du centre Etudes et prospective, du groupe Alpha :

Au sein du cabinet Alpha, la branche Secafi exerce le même métier que Syndex ; Sémaphores s'intéresse aux enjeux du développement territorial ; Sodie est en charge de l'accompagnement et du reclassement du personnel ; le groupe d'études que je dirige est une petite structure transversale.

Depuis vingt ans, l'évaluation de l'impact des cotisations sociales est un sujet controversé. Vous avez pu en prendre la mesure dans les auditions précédentes. Je partage le point de vue de Pierre Ferracci, président de notre groupe : nous sortons de deux décennies où les allègements de cotisations sociales n'ont cessé de se succéder dans un climat de schizophrénie collective. Ils ont favorisé l'émergence d'un modèle low cost de maintien d'un emploi peu qualifié. Pour améliorer leur compétitivité, les entreprises les plus exposées à la concurrence ont dû modifier leur structure de rémunérations, au risque de la subordonner à la compétitivité. Il est temps de sortir du dilemme.

La quatrième vague d'allègements des cotisations sociales a été engagée en 2012, sur décision du Gouvernement. Grâce à la mise en place du Cice et du pacte de responsabilité, les allègements ont été étalés sur une bonne partie de la masse salariale (2,5 Smic pour le Cice, 3,5 Smic pour le pacte de responsabilité). Dans le contexte européen, cette nouvelle vague d'allègements, plus offensive, apparaît comme une dévaluation socio-fiscale. Son but est pourtant de favoriser un développement des capacités humaines et productives au travers de la négociation des engagements des entreprises. La dynamisation impulsée par les accords sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (Gpec) devrait y contribuer.

Une vision trop linéaire déforme souvent la logique de l'articulation entre les allègements de cotisations sociales et la transformation du marché du travail. L'élasticité de la demande de travail, forte au niveau du Smic, décroissant en proportion de l'élévation du niveau de rémunération et de qualification des employés, les allègements devraient être concentrés sur les bas salaires. Les travaux du Haut Conseil de financement de la protection sociale, sous l'égide de Mireille Elbaum, ont montré les insuffisances d'une telle vision en reprenant le concept de la polarisation des emplois développé aux Etats-Unis, et selon lequel dans les sociétés développées, la déformation de la structure des emplois et des rémunérations s'opère aux dépens des emplois de qualification intermédiaire mais favorise les emplois très qualifiés et les emplois complémentaires comme les services à la personne. Si l'on considère le succès quantitatif des allègements de cotisations sociales et la difficulté qu'il y a à passer d'un emploi médiocre à un emploi de qualité, la trajectoire de l'économie française devient claire : une polarisation toujours plus importante du marché du travail la conduit à se spécialiser dans les services à faible valeur ajoutée. Le rapport de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail, à Dublin, a montré que dans la dernière décennie, la France avait été l'un des pays les plus affectés par cette polarisation du travail.

La politique d'allègement des cotisations sociales y a contribué, en assimilant les emplois peu qualifiés aux emplois peu rémunérés. Elle n'a pas suffisamment favorisé l'élévation des qualifications et des compétences. Cette action devrait être au coeur des engagements pris par les entreprises pour bénéficier des nouveaux allègements.

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